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Le rire: journal humoristique — N.S. 1909 (Nr. 309-360)

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https://doi.org/10.11588/diglit.23996#0560

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LE PORTILLON DE LONGJUMEAU

— Arrêtez, malheureux! arrêtez! Il y a un train en détresse c.cnt
mètres devant vous, vous allez le tamponner...

— J’ m’en fous : j’suis l’express, faut qu’ j’arrive le premier...

Dessin de Carl Map.

zigotots et les fripouilles. Quant aux dames, ce sont, selon le
gabarit, de grosses ou de petites mères.

- Il préfère les grosses, toutefois, et, quand une servante un peu
dodue lui tombe sous la main, je vous prie de croire qu’il ne met
pas sa main dans sa poche.

Je vous recommande Poindefer comme compagnon de voyage.
Outre qu’il excelle à effaroucher les passagères indiscrètes et à
les refouler vers ce qu’il appelle « le compartiment des dames
soûles », il jalonne la route de propos croustillants et savoureux.

Sa verve déjà fort coquette quand elle s’exerce sur le commun
des quidams, devient épique, et, parfois même, porc-épique, dès
qu’elle prend pour cible les « Engliches » — l’entente cordiale
n’ayant fait qu’aviver son aversion native pour ces insulaires.
Aussi, faut-il souhaiter d’en rencontrer quand on excursionne
avec lui. Cette bonne fortune m’échut l’été dernier.

Nous déjeunions à Vevey dans un hôtel assez princier, ma foi,
et, en attendant la friture lacustre qui tardait vraiment trop à
venir, il m’offrait pour la quatorzième fois un cure-dent ironique,
quand une caravane d’Anglais envahit notre salle.

Poindefer aussitôt rêva de boucher hermétiquement tous les
coins dont pouvaient disposer « ces petdezouilles-là ! » Peut-être
même ruminait-il quelque toast humiliant, car il appela le som-
melier :

— Fiston, lui dit-il très haut, apporte-nous du champagne! Mais
une fiole sérieuse, tu sais, une fiole de l’armée des Indes! (On
sait que Reims fabrique pour les colonies anglaises des bouteilles
de triple et de quadruple capacité.)

Quand il fut en possession de cette imposante bouteille, la-
quelle par ses dimensions, ne manqua pas de faire loucher le
camp ennemi, Poindefer la décapuchonna, mais si malencon-
treusement, que le bouchon, partant avant le commandement,
alla se perdre sur un dressoir dont il ravagea la cristallerie.

— Ah! m...! hurla-t-il désappointé.

A l’explosion formidable de ce vocable cambronnien, l'indi-
gnation se répandit sur tous les visages britanniques (ils n’igno-
rent aucun de nos gros mots, ces bougres-là, vous savez!) et le
patron atterré crut bon de venir nous chuchoter quelques remon-
trances.

Poindefer alors se leva et, défiant l’assistance de toute la lar-
geur de son vaste gilet blanc :

— Ben quoi ! cria-t-il, qu’est-ce qu’il y a donc? Ça chiffonne ces
messieurs que je dise m... ? Ils se croient donc encore à Waterloo?

George Auriol.

LES ANGLAIS BATTUS A VEVEY

A l’instar de tant d'autres personnes
vieux jeu, je déplore la disparition des
belles manières. Lorsque je vois mon ami
Guény de Mussigrec, dernier rempart de la
courtoisie française, baiser la main d’une
dame, fût-elle simple figurante à Bobino,
je me dis que, tout de même, le talon rouge
avait du bon. Dans un salon, quand il a
mis le cap sur la maîtresse de la maison,
un cyclone ne l’arrêterait pas. Il exécute
sa révérence toutes voiles dehors, sans se
soucier des meubles qu’il chambarde, ni
des bibelots qu’il casse. Il en est quitte
pour se confondre ensuite en excuses, s’il
y a lieu. La politesse d’abord. — Voilà ce
que j’appelle un galant homme!

Les gaillards de cet acabit pullulaient
jadis. Combien différents de ces messieurs
corrects d’aujourd’hui qui étayent leur
chef insupportable au moyen d’un appareil
de tôle émaillée et se baladent sur des
jambes en ciment armé!

Que mon nez soit le refuge du monsieur
correct! Cent fois je lui préfère en sa vul-
garité désinvolte, le bon garçon un peu
gouape et bedonnant qui traverse la vie en
manches de chemise et la moustache fleu-
rie de métaphores. Il y a du pittoresque
à récolter, au moins, dans le sillage de
celui-là !

A cette catégorie légèrement débraillée,
appartient mon camarade Poindefer, l’un
des plus gros marchands de fil à retordre
du Sentier. Quiconque ne l’a pas vu, ma-
nillant de 6 à 7, ignore ce que c’est qu’une
pinte de bon sang bien tirée, et n’est, à
proprement parler, qu’un gamin.

En voilà un qui ne mâche pas ses mots
et qui n’est pas fier avec ses contempo-
rains !

Il subdivise la portion mâle de l’huma-
nité en trois groupes : les frangins, les

OR

COINTREAU
 
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