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Le rire: journal humoristique — N.S. 1910 (Nr. 361-413)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25441#0030
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JALOUSIE

— Ça ! avec deux sous de benzine, ça partira. Dessin de Martin.

LA GAFFE

Mon ami Georges est un garçon rempli de qualités, et que
j’aime beaucoup. Pourtant, je ne sors jamais avec lui, et je ne
l’invite jamais à diner : il est vraiment trop gaffeur.

Il a comme camarade, dans le grand, très grand magasin de
nouveautés où il est employé, un honorable gentleman auquel
son physique avantageux et l’élégance de sa garde-robe ont
valu le poste envié de chef du bureau des réclamations. C’est,
du matin au soir, dans le salon où sont reçues les personnes
qui viennent se plaindre de quelqu’un ou de quelque chose,
un défilé de jolies femmes — les laides sont expédiées, dès
l’antichambre , par un simple groom — et, il y a bien long-
temps qu’on l’a remarqué, toutes ces belles dames qui entrent
le sourcil froncé, l’ombrelle frémissante, chez le collègue de
Georges, eh sortent les yeux chastement baissés, les joues dou-
cement rosées, la bouche humide et souriante.

L’heureux gaillard qui s’acquitte si bien de la mission à lui con-
fiée de calmer les colères des clientes n’est pas modeste. Il n’est
pas non plus discret; il a pris l’habitude de donner chaque soir
à cet excellent Georges, dans le café où ils vont prendre l’apé-
ritif, le détail de ses conquêtes de la journée. Et Georges, qui
écoute avec un peu de jalousie et beaucoup d’énervement, ponc-
tue la fin de chacun des récits par des exclamations indignées
ou par des phrases telles que celles-ci : — Vous êtes vraiment
dégoûtant, cher ami ; ou bien : — Ah ! si votre femme savait ça!

Hier, un peu avant hheure de la sortie du magasin, mon ami

avait un renseignement à demander à son collègue. Comme il
arrivait à la porte du bureau des réclamations, il dut s’effacer
pour laisser passer une femme qui en sortait, dans l’attitude
classique des victimes de l’entreprenant employé. C’était une
de ces personnes dont les gamins de Paris disent communément
que, si on les poussait, elles rouleraient, indiquant par là que les
riches étoffes qui les habillent voilent mal la forme quasi-sphé-
rique de leur corps. Non seulement la visiteuse était d’une cor-
pulence telle que Mlle Jeanne Bloch aurait eu l’air de Polaire
à côté d’elle; non seulement sa face bouffie où l’on cherchait
les yeux enfouis dans la graisse était médiocrement attirante,
mais elle était vêtue de manière à effrayer les vaches et à stu-
péfier les hommes : chapeau bleu ciel à grandes plumes rouges
et vertes, corsage couleur chair à pois noirs, jupe jaune serin
rayée de violet. C’était, comme disent les feuilletonistes, une
apparition féerique.

Georges avait sur les lèvres un sourire sarcastique quand il
pénétra chez le chef du bureau des réclamations. Son camarade
s’empressa vers lui.

— Que n’ètes-vous venu une minute plus tôt? s’écria-t-il, je

vous aurais présenté.

— Grand merci ! interrompit mon ami. Ah! vous ne m’y pren-
drez plus, allez, à avaler toutes les histoires que vous me racontez
sur les femmes que vous détournez de leurs devoirs. Je m’en
étais toujours douté que vous étiez un simple vantard. Non, mais
qu’est-ce que c’est que ce numéro qui sort d’ici, la mère Gigogne,
la présidente des Cent-kilos, une ancienne mère-noble de théâtre
forain... ?

Georges aurait pu continuer longtemps ainsi. Un mot de l’au-
tre l’arrêta net :

— C’est ma femme, dit-il doucement Jean Lapin.

PAPOTAGES d’hiver

— Toujours belle, toujours divine, toujours le même sourire énigma-
tique! Dessin de Ramtrez.
 
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