— Non, sans blague, t’es Éthiopien? J’aurais juré que tu étais nègre.
depuis que je vous aime! Hélas! pourquoi me suis-je manqué,
ce jour-là !
—- Quel jour?
— Comment! Vous ne savez pas?... Il y a deux ans? Ce coup
de revolver que je me suis tiré pour la femme d’un sous-
préfet?...
— Est-il possible! Racontez-moi vite ça, dit Juliette avec des
jeux luisants...
... Trois jours plus tard, la cristallisation stendhalienne avait
fait son œuvre et Juliette apportait sa malle chez Bigarrot.
Pendant un mois, ce fut la grande passion. Juliette louchait
•bien de temps en temps du côté de la fameuse cicatrice, mais elle
-évitait avec soin d’y faire la moindre allusion...
Enfin, ce qui devait arriver arriva. Elle dit, un jour, à Bigarrot
tout surpris :
— Avoue que tu l’aimais plus que moi.
— Qui ça? demanda Bigarrot, qui n’y était plus du tout.
— Ta bonne femme !
— Quelle bonne femme?
— Eh bien, acheva Juliette en montrant la cicatrice, celle pour
qui tu t’es fait ça!
Et, depuis lors, l’existence de Bigarrot fut empoisonnée parle
fantôme de la sous-préféte. Il ne se passait pas de jour sans que
Juliette fit allusion à cette créature imaginaire dont elle devenait
plus jalouse à mesure qu elle en parlait davantage...
Naturellement, cela finissait par ces mots :
— Ah! ça n’est pas pour moi que tu te suiciderais!
Bigarrot pour avoir la paix, songea bien à se tirer dans la
tempe un réel coup de levolver... Le moyen lui sembla trop
radical... et puis, après la dispute, il y avait la réconciliation...
la fougueuse réconciliation!...
Mais un matin la scène fut d’une violence exceptionnelle.
— Ecoute, dit Bigarrot, tu commences à me courir, avec ta
sous-préfète !
-— Ma sous-préfète ! Mais c’est bel et bien la tienne, espèce
de cabotin !
— Cabotin !
Ce furent alors des injures homéri-
ques :
— Va donc! « l’Homme à la Grande Pas-
sion! »... Va donc! eh! « Fou d’Amour! »...
Va donc! eh! « Raté! »...
— Raté!
— Oui, « Raté! »... « Suicidé à la Man-
que! » Faut-il que tu aies la tête dure pour
qu’une balle de revolver ne puisse pas la
traverser!
— Tu me reproches de ne pas m’être tué,
à présent?
— Ah! ça vaudrait bien mieux pour moi!
Si tu crois que c’est avantageux pour une
femme, d’être la maîtresse d’un type dont
la mort elle-même n’a pas voulu!...
Ce dernier trait,, fort humiliant, rendit
Bigarrot furieux.
— Eh bien! j’aime mieux te le dire!...
Mon histoire de suicide pour une sous-pré-
fète était une blague !
— Une blague! s’écria Juliette pétrifiée...
Mais alors... la cicatrice?
— Je me la suis faite à l’âge de quatre ans...
— De quatre ans! Ah ! le misérable!
— ... en tombant sur une boîte de sardines...
— De sardines!
— ... à l’huile !
— A l’huile!... C’est le comble! Ignoble individu!...
Le soir même Juliette remportait sa malle.
André Mycho.
Dessin de Dudouyt.
— Achetez-moi z’en et vos amis vous seront toujours fidèles.
— ! ?
— Parce que les petits cabots entretiennent l’amitié.
Dessin de Tornk-Esquujs.
depuis que je vous aime! Hélas! pourquoi me suis-je manqué,
ce jour-là !
—- Quel jour?
— Comment! Vous ne savez pas?... Il y a deux ans? Ce coup
de revolver que je me suis tiré pour la femme d’un sous-
préfet?...
— Est-il possible! Racontez-moi vite ça, dit Juliette avec des
jeux luisants...
... Trois jours plus tard, la cristallisation stendhalienne avait
fait son œuvre et Juliette apportait sa malle chez Bigarrot.
Pendant un mois, ce fut la grande passion. Juliette louchait
•bien de temps en temps du côté de la fameuse cicatrice, mais elle
-évitait avec soin d’y faire la moindre allusion...
Enfin, ce qui devait arriver arriva. Elle dit, un jour, à Bigarrot
tout surpris :
— Avoue que tu l’aimais plus que moi.
— Qui ça? demanda Bigarrot, qui n’y était plus du tout.
— Ta bonne femme !
— Quelle bonne femme?
— Eh bien, acheva Juliette en montrant la cicatrice, celle pour
qui tu t’es fait ça!
Et, depuis lors, l’existence de Bigarrot fut empoisonnée parle
fantôme de la sous-préféte. Il ne se passait pas de jour sans que
Juliette fit allusion à cette créature imaginaire dont elle devenait
plus jalouse à mesure qu elle en parlait davantage...
Naturellement, cela finissait par ces mots :
— Ah! ça n’est pas pour moi que tu te suiciderais!
Bigarrot pour avoir la paix, songea bien à se tirer dans la
tempe un réel coup de levolver... Le moyen lui sembla trop
radical... et puis, après la dispute, il y avait la réconciliation...
la fougueuse réconciliation!...
Mais un matin la scène fut d’une violence exceptionnelle.
— Ecoute, dit Bigarrot, tu commences à me courir, avec ta
sous-préfète !
-— Ma sous-préfète ! Mais c’est bel et bien la tienne, espèce
de cabotin !
— Cabotin !
Ce furent alors des injures homéri-
ques :
— Va donc! « l’Homme à la Grande Pas-
sion! »... Va donc! eh! « Fou d’Amour! »...
Va donc! eh! « Raté! »...
— Raté!
— Oui, « Raté! »... « Suicidé à la Man-
que! » Faut-il que tu aies la tête dure pour
qu’une balle de revolver ne puisse pas la
traverser!
— Tu me reproches de ne pas m’être tué,
à présent?
— Ah! ça vaudrait bien mieux pour moi!
Si tu crois que c’est avantageux pour une
femme, d’être la maîtresse d’un type dont
la mort elle-même n’a pas voulu!...
Ce dernier trait,, fort humiliant, rendit
Bigarrot furieux.
— Eh bien! j’aime mieux te le dire!...
Mon histoire de suicide pour une sous-pré-
fète était une blague !
— Une blague! s’écria Juliette pétrifiée...
Mais alors... la cicatrice?
— Je me la suis faite à l’âge de quatre ans...
— De quatre ans! Ah ! le misérable!
— ... en tombant sur une boîte de sardines...
— De sardines!
— ... à l’huile !
— A l’huile!... C’est le comble! Ignoble individu!...
Le soir même Juliette remportait sa malle.
André Mycho.
Dessin de Dudouyt.
— Achetez-moi z’en et vos amis vous seront toujours fidèles.
— ! ?
— Parce que les petits cabots entretiennent l’amitié.
Dessin de Tornk-Esquujs.