Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le rire: journal humoristique — N.S. 1910 (Nr. 361-413)

DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.25441#0699
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
LA FACTION SUR LA VOIE FERRÉE

— ... et avec ça on n’a même pas la consolation de regarder passer les trains.

Dessin de Markous.

PORTEBOEUF PRIT LA PAROLE

Ce que c’est, tout
blier l’hérédité !

vais avoir l’honneur de vous en fournir
l’explication.

Et, là-dessus,il se mit à pleurer à chaudes
larmes.

— Excusez-moi, dit-il; c’est que je vais
avoir à vous parler de mon afrière-grand’-
mère ; et je n’évoque jamais sans émotion
le souvenir chéri de cette simple et bonne
créature, que je n’ai, d’ailleurs, point
connue.

Il se recueillit un instant, puis narra :

— Le curé du village de Bourdonnourlon
l’avait trouvée, un soir, toute nue, dans les
fonts baptismaux. Elle n’était guère âgée
de plus de huit jours et pesait sept cents
grammes tout ronds. Qui l’avait mise là?
Mystère... Tout ce qu’on peut dire, c’est
qu’au lendemain de la trouvaille de cette
enfant, la servante du brave prêtre avait
reparu au presbytère qu’elle avait quitté,
trois mois en çà, pour soi-disant, aller re-
cueillir un héritage en son pays... J’ai
toujours estimé cette concordance assez cu-
rieuse, mais--me suis bien gardé d’en ex-
traire la moindre déduction. Cela ne fait,
du reste, rien du tout à l’histoire. L’impor-
tant est de noter que mon arrière-grand’-
mère fut nourrie à la cure, et qu’on l’appe-
lait « la p’tite », sans plus ample désigna-
tion. Mais à seize ans, elle mérita qu’on la
décorât du nom de quoi ses descendants se
sont, depuis, parés avec un juste orgueil !
Et voici comment elle le mérita : la vache
du curé, ayant fauté, fît un veau ; et « la
p’tite » se prit d’affection pour ce folâtre
animal. Elle le caressa et le porta sur son
sein, dès l’instant où il fut né. Et, n’ayant
cessé de le toujours élever quotidiennement
ainsi sur sa poitrine, elle le portait encore
aussi aisément que dans le principe, tout
grand et gros bœuf qu’il était devenu... Et
c’est de là que mon ancêtre reçut ce nom
de Portebœuf que je me flatte de ne point
faire mentir aujourd’hui !

Et, pour le démontrer, il enleva comme
une plume, la dame de céans, qui, sauf le
respect, ne pesait pas moins de deux
quintaux !

de même, que l’entraînement, — sans ou-

Portebœuf prit la parole, et dit .

— Nous vivons dans un temps terriblement sportif; et
l’époque n’est plus seulement celle du mufle, mais aussi, et sur-
tout, celle du muscle! Et de ceci je ne prendrai ni le lièvre n'
la tortue pour témoignages, mais bien moi-même, en vérité !

Ce disant, rapide comme l’éclair, il décrochait de la panoplie
un poignard acéré, en fendait de l’épaule au poignet, la manche
gauche de son smoking tout ensemble et celle de sa chemise,
et, couchant son avant-bras sur son bras, nous proposait le
saillissement d’un biceps qui arrachait aux hommes un cri
d’envie et à nos gracieuses compagnes (soyons vieux-régime) un
soupir d’admiration.

— L’exercice, tant raisonné que progressif, des haltères m’a
fait ce que vous venez de voir, expliqua-t-il d’un air modeste,
pendant que la demoiselle du lieu, d’une aiguille enchantée,
recousait diligemment la manche du smoking.

D’un mouchoir grand comme un drapeau (car il avait le front
énorme), Portebœuf s’épongea.

— Et puis, déclara-t-il, j’ai de qui tenir; et ce n’est pas pour
des crottes qu’on se nomme Portebœuf, comme, aussi bien, je

Georges Docquois.

— Mon client, messieurs les jurés, avait des ennuis d’argent. Sur le
point d’être saisi, entendant l’huissier dans l’escalier, il a imité un billet
de banque. Dessin de Quint
 
Annotationen