UN GALANT HOMME
TROP DE PRUDENCE NUIT PARFOIS...
Jimmy Blackwell — une excellente et sympathique fripouille
de 23 ans— 138, Regent street, avait un pressant besoin d'argent
(25 francs, je crois, au bas mot). Comme il était un fervent admira-
teur de la beauté féminine, il pensa immédiatement à tuer une
horrible petite vieille qui cachait un important magot dans la
paillasse de son lit : par ce crime il débarrassait en même
temps la société d'un monstre et il s'enrichissait notablement.
Mais si Jimmy Blackwell était peu soucieux de la vie des riches
petites horribles vieilles, il l'était extraordinairement de la
sienne; et l'idée de finir entre ciel et terre, au bout d'une po-
tence, n'avait aucune espèce d'attrait pour lui. Il résolut donc
d'éviter à son opération financière une conclusion si dangereu-
sement regrettable ; il courut aux bureaux du Times et fit
paraître en bonne place l'écho suivant :
« M. Jimmy Blackwell, 138, Regent street, prévient ses
amis et connaissances qu'il n'a rien de commun avec l'ignoble
individu qui assassinera demain soir une vieille rentière du
quartier de Trafalgar square. »
Puis, tranquillisé désormais, il alla gagner honnêtement son
argent en plantant un solide couteau entre les deux épaules de
la vieille.
*
* *
Arrêté promptement et condamné à la potence, Jimmy Blackwell
ne put jamais arriver à comprendre comment la justice avait pu
mettre la main sur lui.
Raymond Gras.
— Qu'est-ce que tu fais?
— Je suis toucheur de bestiaux. x
INEXACTITUDE
René Belon est un être charmant, mais
inexact. C'est de naissance. Il devait naître
le 23 janvier à midi. On l'attendit en vain.
On se mit à table sans lui.
Ce n'est que le lendemain qu'il fit son
entrée dans le monde.
Depuis, il a grandi. Il est devenu un por-
traitiste distingué, mais ses jolies clientes
se plaignent de lui. Il les fait poser trop
longtemps:
Hier, je fus le chercher à la gare Saint-
Lazare. Il revenait du Havre. Son train
était attendu à six heures et demie. Il n'en-
tra en gare qu'à neuf heures quarante.
Un jour, il lut cette annonce dans un
journal : « Retards ». Pour se guérir de sa
fàchi-use habitude, il se précipita chez la
sage-femme. Mais rien n'y fit. Ce fut son
beau désir qui avorta.
Ai-je déjà dit que c'est un esprit très
sérieux? Il lit beaucoup. Tous les soirs, il
prend son Temps.
Il est aussi, paraît-il, un amant excep-
tionnel. Pourtant, un soir d'été, il était
étendu dans la luzerne aux côtés de la tendre
Margot. Comme elle s'étonnait de sa froi-
deur inusitée, il lui répondit qu'il ne faisait
rien sur-le-champ.
Hier, j'ai rencontré René Belon. Il tenait
une valise à la main. Il me déclara qu'il en
avait assez de Paris et qu'il allait vivre
dans sa famille à Evreux. cÉ-'^^3 ^ v=r> v~~^' — ^
— Au moins là, lui dis-je, vous serez
toujours à l'Eure. René Ker. — Je n'ai pas un sou sur moi... Voulez-vous un billet de cinéma? Dessin de Ch. Gentt.
Dessin de A. Le Pstit
TRIPLE - SEC
TROP DE PRUDENCE NUIT PARFOIS...
Jimmy Blackwell — une excellente et sympathique fripouille
de 23 ans— 138, Regent street, avait un pressant besoin d'argent
(25 francs, je crois, au bas mot). Comme il était un fervent admira-
teur de la beauté féminine, il pensa immédiatement à tuer une
horrible petite vieille qui cachait un important magot dans la
paillasse de son lit : par ce crime il débarrassait en même
temps la société d'un monstre et il s'enrichissait notablement.
Mais si Jimmy Blackwell était peu soucieux de la vie des riches
petites horribles vieilles, il l'était extraordinairement de la
sienne; et l'idée de finir entre ciel et terre, au bout d'une po-
tence, n'avait aucune espèce d'attrait pour lui. Il résolut donc
d'éviter à son opération financière une conclusion si dangereu-
sement regrettable ; il courut aux bureaux du Times et fit
paraître en bonne place l'écho suivant :
« M. Jimmy Blackwell, 138, Regent street, prévient ses
amis et connaissances qu'il n'a rien de commun avec l'ignoble
individu qui assassinera demain soir une vieille rentière du
quartier de Trafalgar square. »
Puis, tranquillisé désormais, il alla gagner honnêtement son
argent en plantant un solide couteau entre les deux épaules de
la vieille.
*
* *
Arrêté promptement et condamné à la potence, Jimmy Blackwell
ne put jamais arriver à comprendre comment la justice avait pu
mettre la main sur lui.
Raymond Gras.
— Qu'est-ce que tu fais?
— Je suis toucheur de bestiaux. x
INEXACTITUDE
René Belon est un être charmant, mais
inexact. C'est de naissance. Il devait naître
le 23 janvier à midi. On l'attendit en vain.
On se mit à table sans lui.
Ce n'est que le lendemain qu'il fit son
entrée dans le monde.
Depuis, il a grandi. Il est devenu un por-
traitiste distingué, mais ses jolies clientes
se plaignent de lui. Il les fait poser trop
longtemps:
Hier, je fus le chercher à la gare Saint-
Lazare. Il revenait du Havre. Son train
était attendu à six heures et demie. Il n'en-
tra en gare qu'à neuf heures quarante.
Un jour, il lut cette annonce dans un
journal : « Retards ». Pour se guérir de sa
fàchi-use habitude, il se précipita chez la
sage-femme. Mais rien n'y fit. Ce fut son
beau désir qui avorta.
Ai-je déjà dit que c'est un esprit très
sérieux? Il lit beaucoup. Tous les soirs, il
prend son Temps.
Il est aussi, paraît-il, un amant excep-
tionnel. Pourtant, un soir d'été, il était
étendu dans la luzerne aux côtés de la tendre
Margot. Comme elle s'étonnait de sa froi-
deur inusitée, il lui répondit qu'il ne faisait
rien sur-le-champ.
Hier, j'ai rencontré René Belon. Il tenait
une valise à la main. Il me déclara qu'il en
avait assez de Paris et qu'il allait vivre
dans sa famille à Evreux. cÉ-'^^3 ^ v=r> v~~^' — ^
— Au moins là, lui dis-je, vous serez
toujours à l'Eure. René Ker. — Je n'ai pas un sou sur moi... Voulez-vous un billet de cinéma? Dessin de Ch. Gentt.
Dessin de A. Le Pstit
TRIPLE - SEC