Le rire: journal humoristique (N.S. 1913 (Nr. 518-569))

A L'OUVRAGE

la constitution. — Va-t-il me redresser ou me violer?...

A coup sûr, de tous les ministères, ce serait le plus fatigant!

*

* *

Que diriez-vous si, étant fiancé, vous aperceviez votre future
en habit noir?

Vous seriez probablement assez interloqué.

On voit bien que vous n'êtes pas Américain! Aux Etats-Unis,
une fiancée en queue de morue, avec plastron, cravate blanche
et gardénia à la boutonnière est une jeune fille dans le mouve-
ment et chacun la trouve charmante.

Je lis, en effet, dans les journaux :

« Jalouses de la tradition qui permet aux jeunes gens sur le
point de contracter mariage « d'enterrer leur vie de garçon »,
les Américaines, dans un très moderne esprit d'égalité, ont
décidé d'enterrer de leur côté leur « vie de jeune fille ».

« Une séduisante New-Yorkaise, dont on annonce les fian-
çailles, vient de lancer cette mode nouvelle en invitant à un
ultime dîner de célibataires ses amies les plus intimes.

« Les invitées, au nombre d'une quinzaine, avaient pour la
circonstance revêtu une tenue masculine d'une impeccable
élégance: habit, cravate blanche etfleur à la boutonnière. Aucun
homme — cela va sans dire — n'était admis à cette petita fête. »

Ces Américaines ont de ces idées!... Voyez-vous d'ici ces seize
jeunes personnes en habit noir? Il me semble que cela devait
manquer de femmes!...

Mais il est probable qu'au Champagne, ces demoiselles se sont
mises à faire des bêtises... Je me suis laissé dire, en effet, qu'en
Amérique certaines mœurs renouvelées de l'antiquité étaient
très en faveur dans la haute société. Les clubs féminins de New-
York sont pour la plupart des temples de l'amour... unilatéral :
ces dames se débrouillent fort bien entre elles. C'est ce qui me
permet peut-être de trouver un peu suspecte cette réunion de
jeunes personnes en travesti.

Mais, après tout, cela les regarde.

Tout de même, si j'étais le fiancé de la « séduisante New-
Yorkaise », j'enterrerais de mon côté ma vie de garçon et j'in-
viterais quinze de mes amis en leur recommandant de s'habiller
comme moi en mariée, avec robe blanche et fleurs d'oranger!

*

Moins compliqués seront les costumes des invités au prochain
bal de la comtesse de B...

En effet, cette charmante Parisienne vient d'adresser à ses
amis un bristol ainsi libellé :

« Vous êtes prié d'assister au prochain bal donné le 31 de ce

LE RIRE DE LA SEMAINE

Êtes-vous content du nouveau Ministère?

C'est que les avis sont, comme toujours, très partagés. Les
réactionnaires sont furieux et les combistes ne sont pas contents.
Que voulez-vous, il est difficile de contenter tout le monde et le
petit père.

Mme Séverine s'est rangée, elle aussi, dans l'opposition. Pour
être satisfaite, elle réclame un ministère de la Femme.

— Oui, déclare-t-elle avec son énergie habituelle, il faut
créer un ministère des affaires féminines. Tant que ce ministère
n'existera pas, la France ne sera pas heureuse.

Un ministre pour gouverner les femmes? En effet, c'est une
idée... Et tout comme on choisit d'habitude pour administrer nos
finances un panier percé, j'imagine que le grand chef des Fran-
çaises sera un pauvre homme incapable de faire la loi chez lui.

Ministre des femmes, quel joli titre! Cela ferait autrement
bien sur une carte de visite que « Ministre des Travaux publics »
ou « Ministre de l'Agriculture »! De quoi s'occuperait ce haut
personnage? Ah! fichtre, il ne chômerait pas... Les questions
sérieuses et les questions frivoles le prendraient du matin au
soir et même — surtout les questions frivoles — du soir au matin.

Que de problèmes à résoudre! Protéger les femmes seules,
décider de la nouvelle mode en matière de corsets, étudier les re-
vendications féministes, dresser la statistique des chichis, etc., etc.
Quel travail formidable!

Et nous lirions dans les journaux des informations de ce genre :

« M. Georges Berry, député, a déposé une demande d'inter-
pellation au sujet de la nouvelle forme des chapeaux féminins.
Le ministre des Femmes est disposé à poser la question d®
confiance. »

Ce jour-là, il y aurait un monde fou à la Chambre!...

Naturellement, le ministre des Femmes créerait sans tarder
une nouvelle décoration : l'Ordre du mérite féminin... Le ruban
changerait de couleur selon la mode : ainsi, cette année, il serait
vert épinard; l'an dernier, il eût été bleu électrique. Pour obte-
nir cette distinction, il faudrait avoir trois enfants, s'être mariée
trois fois, avoir divorcé trois fois, avoir trois amants, enfin
suivre la règle de trois d'une façon ou d'une autre.

Heureux ministre des Femmes ! Il serait le pacha d'un immense
harem et son portefeuille ne contiendrait que des billets doux...
Mais après quelques mois de pouvoir, il ne... pourrait plus et
devrait donner sa démission.

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