JOURNAL D'UNE JEUNE MARIEE pensée rétrospective
5 Juin. — Lionel et moi, nous avons choisi la Suisse pour
faire notre voyage de noce. Suprêmes recommandations mater-
nelles, wagon-lit, nous y voici... D'ailleurs, mariés depuis le 1er
juin, nos fiançailles datent d'une année. C'est dire que mon joli
monstre d'époux a passé depuis longtemps la frontière, la fron-
tière de ma pudeur, tout comme un banquier qui vient de mettre
à mal l'astre des nuits. Que cette phrase eût bien fait dans
une composition française,au couvent des Coccinelles!... Main-
tenant, j'ai un professeur qui me demande des connaissances
plus... étendues et qui, suivant mon attitude, me paie en baisers
sur le champ de nos exploits. Je me suis piquée au jeu — au
jeu d'amour! — et je m'applique. Mon petit mari constate des
progrès. En tout cas, j'aurai certainement un prix de gymnas-
tique. Pas une minute de repos !
3 Juillet. — Ce matin, dans le train, Lionel, en avançant une
main audacieuse, a murmuré : « Oh ! ta cuisse... »
C'était à la faveur d'un tunnel, mais le grand jour revenait, déjà !
Alors une vieille Anglaise, qui était en face de nous, fit écho :
— La Suisse... les Alpes... Aôh yes! sublimes... les pics, les
cascades, les précipices... beautiful...
Sans perdre son sérieux, mon Lionel répondit aimablement :
— Les précipices, admirables! pleins d'attirance... Et les
pics, miss! Savez-vous que j'ai passé des nuits entières au Mont
Blanc et au Mont Rose...
La plate Anglaise s'extasia :
— Vous êtes un illustre alpiniste!... Aôh, moi, je voudrais
tant!...
— Miss, un bon conseil : prenez un guide jeune...
— Oui, je prendrai, je ferai...
Je faillis pouffer de rire au nez de l'Anglaise si plate, si plate !
Le Mont Blanc, le Mont Rose désignent mes éminences, les
Imminences de la chemise, mais je m'empresse de dire qu'ils t
sont aussi roses l'un que l'autre. X^T^
15 Juillet. — Il y a un drôle d'esprit ici! Au bord du lac de j
Neuchâtel, une maison et, sur le toit de cette maison qui domine _ Tu t>étais vanté hein, mon yieux
la voie du chemin de fer une inscription en lettres géantes ; _ QU<est-ce que tu veux, ça me dégoûte de manger dans l'assiette
Etes-vous sauvé du pècheBien que cette maison soit au bord des autres ! Dessin de Boisyvon.
de l'eau, Lionel prétend que ce n'est pas un pêcheur qui l'habite.
Fin Septembre. — Mon journal est en retard. Hélas! il y et °ela fait grossir, mais je crois qu'il faut incriminer les pâtu-
a bien autre chose... Nous sommes sur le chemin du retour. rages plutôt que les bètes, certains coins déserts, l'occasion,
Nous allons passer à la douane française... J'interroge toutes les l'herbe tendre...
glaces. Lionel rit, le monstre!... Va-t-oa s'apercevoir, me de- ^e ramène en contrebande... mon Dieu, oui... un petit Suisse!
mander si j'ai des dentelles, des cigares?... Certes, j'ai bu du lait Pour copie conforme ■ Gabriel Volland.
le renouveau
— Qu'est-ce que tu as aujourd'hui, Rosette? Te v'ià rajeunie de dix ans !
— Chut! je me suis rasé la moustache. Dessin de Ch. Laborde.
5 Juin. — Lionel et moi, nous avons choisi la Suisse pour
faire notre voyage de noce. Suprêmes recommandations mater-
nelles, wagon-lit, nous y voici... D'ailleurs, mariés depuis le 1er
juin, nos fiançailles datent d'une année. C'est dire que mon joli
monstre d'époux a passé depuis longtemps la frontière, la fron-
tière de ma pudeur, tout comme un banquier qui vient de mettre
à mal l'astre des nuits. Que cette phrase eût bien fait dans
une composition française,au couvent des Coccinelles!... Main-
tenant, j'ai un professeur qui me demande des connaissances
plus... étendues et qui, suivant mon attitude, me paie en baisers
sur le champ de nos exploits. Je me suis piquée au jeu — au
jeu d'amour! — et je m'applique. Mon petit mari constate des
progrès. En tout cas, j'aurai certainement un prix de gymnas-
tique. Pas une minute de repos !
3 Juillet. — Ce matin, dans le train, Lionel, en avançant une
main audacieuse, a murmuré : « Oh ! ta cuisse... »
C'était à la faveur d'un tunnel, mais le grand jour revenait, déjà !
Alors une vieille Anglaise, qui était en face de nous, fit écho :
— La Suisse... les Alpes... Aôh yes! sublimes... les pics, les
cascades, les précipices... beautiful...
Sans perdre son sérieux, mon Lionel répondit aimablement :
— Les précipices, admirables! pleins d'attirance... Et les
pics, miss! Savez-vous que j'ai passé des nuits entières au Mont
Blanc et au Mont Rose...
La plate Anglaise s'extasia :
— Vous êtes un illustre alpiniste!... Aôh, moi, je voudrais
tant!...
— Miss, un bon conseil : prenez un guide jeune...
— Oui, je prendrai, je ferai...
Je faillis pouffer de rire au nez de l'Anglaise si plate, si plate !
Le Mont Blanc, le Mont Rose désignent mes éminences, les
Imminences de la chemise, mais je m'empresse de dire qu'ils t
sont aussi roses l'un que l'autre. X^T^
15 Juillet. — Il y a un drôle d'esprit ici! Au bord du lac de j
Neuchâtel, une maison et, sur le toit de cette maison qui domine _ Tu t>étais vanté hein, mon yieux
la voie du chemin de fer une inscription en lettres géantes ; _ QU<est-ce que tu veux, ça me dégoûte de manger dans l'assiette
Etes-vous sauvé du pècheBien que cette maison soit au bord des autres ! Dessin de Boisyvon.
de l'eau, Lionel prétend que ce n'est pas un pêcheur qui l'habite.
Fin Septembre. — Mon journal est en retard. Hélas! il y et °ela fait grossir, mais je crois qu'il faut incriminer les pâtu-
a bien autre chose... Nous sommes sur le chemin du retour. rages plutôt que les bètes, certains coins déserts, l'occasion,
Nous allons passer à la douane française... J'interroge toutes les l'herbe tendre...
glaces. Lionel rit, le monstre!... Va-t-oa s'apercevoir, me de- ^e ramène en contrebande... mon Dieu, oui... un petit Suisse!
mander si j'ai des dentelles, des cigares?... Certes, j'ai bu du lait Pour copie conforme ■ Gabriel Volland.
le renouveau
— Qu'est-ce que tu as aujourd'hui, Rosette? Te v'ià rajeunie de dix ans !
— Chut! je me suis rasé la moustache. Dessin de Ch. Laborde.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Pensée retrospective; Le Renouveau
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: - Tu t'étais vanté, hein? mon vieux. - Qu'est-ce que tu veux, ça me dégoute de manger dans l'assiette des autres!; - Qu'est-ce que tu as aujourd'hui, Rosette? Te v'là rajeunie de dix ans! - Chut! Je me suis rasé la moustache.
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1913
Entstehungsdatum (normiert)
1908 - 1918
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, N.S. 1913, No. 523 (8 Février 1913), S. 6
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg