Le rire: journal humoristique (N.S. 1913 (Nr. 518-569))

retour de carnàval et gisait là inanimé. Son cœur battait assez

régulièrement, mais malgré leurs efforts
répétés, les sauveteurs ne purent le faire
sortir de cette étrange torpeur.

L'ingénieur en chef, très inquiet, le prit
par la tête, le mécanicien par les pieds,
et suivis du chef de gare et d'un haut bon-
net de la Direction, on transporta le mori-
bond dans la chambre du chef de gare.
Quand John Brindeband-Florimar s'éveilla
de son sommeil factice, il se trouva dans
un bon lit, bordé de beaux draps blancs,
il se crut au Paradis, et s'apprêtait à glo-
rifier le Seigneur qu'il avait méconnu
jusque-là, quand il remarqua quatre liu-
l\ ^^JJ^ïSf^Jù^ ^J>t^^SÊËièê^ \ *f^\ K^^nSjsg^^i^^^^y^ 1S mains qui l'examinaient avec une satisfac-

_Li_jWd,, r I y^***-^ ^— *-----4ML \ XrTlp % ^afy^îl^^fis^^^ilill lion évidente, et qui ne purent retenir

%^sli/^^^^éhàM^y^j^^L^^^ leur joie en le voyant reprendre connais-

iïtKjfi'jrv^h ^X^F^If^^^Safc. sance
sr K 1 Â\M "Hs>i 1 \ 1 i^T**^*^ — Comment vous sentez-vous? dit le
/IL >^>D|l lSk\r-^-l-^J premier.

y \>^j!^^~^\ A^^> y$ J1 H \ \ — Ce ne sera rien que cela, dit le se-
^O^/ziii^y >^ ! I I I cond.
~^^k*Jf Mtr/^hMr/P&È — 200.000 francs vous suffiraient-ils? dit

y /MÉSJv rt-î&£!£X£2 le troisième.

— Madame ! ! ! Madame, y a une vache qui boit le lait! ! !! Dessin de M. S^uvayre. — Mais de grace> pas un mot

r de tout ce°i aux journaux, dit le

-V/ | \\// fi \\JK^J HP^ W. w#Sl quatrième.
UN SUICIDE %/y\ \l SV'C I % H \ § \ ' \\ V — Surtout au Matin, conclut

le premier.
John Brindeband-Florimar —

John Brindeband-Florimar, q-e^^Zjr^"^--—l?JL-^'c£ï?XD4~l f ' 7^Vvir-"4- encore au septième ciel — rêvant

n'ayant pu réunir que quelques [^-—^3^:^^4^CHrdlË2TT~J I ~&^y"f ~1\ tout éveillé a son entreprise de

centimes sur la somme totale de un Homp \p*~ MmÈl': ' « salaison des eaux douces pour

250.000 francs, dont il avait J '' ^ ,, C*^êmj^f\ S - y acclimater le poisson de mer »,,
besoin pour exploiter sa machine

à saler les eaux douces pour y #â>jk ' et '^^SL ?<Si \- un renseignement

acclimater le poisson de mer »,
dégoûté du travail inutile et de

l'existence misérable qu'il me- ilfâ] fi» -1- °ao*i a*»(^$^i''\ ~~— H ^ ^

nait, se décida tout simplement
à mettre fin à ses jours.

Il eût pu se pendre, se noyer,
ou se brûler la cervelle 1 Mais
John Brindeband-Florimar n'é-
tait pas homme à mourir si bana-
lement, et il résolut de disparaî-
tre de façon moins quelconque.

John Brindeband - Florimar
habitait, j'oubliais de vous le dire,
Brie-sur-Ognon, une petite bour-
gade sans intérêt qui doit son

renom à son industrie de fro- ~ Mmce' alors! C est des 8'^olos pour
mages de gruyère. Sans grand Dessin dq J. roussau.

intérêt, que dis-je! Elle est tra-
versée par la grande ligne de l'Ouest-Etat, ce dont elle se
glorifie à juste titre.

Après une visite et un examen détaillés de la ligne aux
environs de Brie-sur-Ognon, notre inventeur s'en fut acheter
chez le pharmacien du lieu un soporifique sérieux, puis après
avoir vérifié sur l'affiche l'heure à laquelle le rapide de midi 47
brûlait la petite station de Brie-sur-Ognon, il alla s'étendre
confortablement sur les rails du chemin de fer, ouvrit le flacon
dont il but avidement le contenu, et après un soupir de satis-
faction, s'endormit du sommeil du juste.

Malheureux homme, ou plutôt, heureux John Brindeband-
Florimar, qui confiait à l'Ouest-Etat le soin de le débarrasser
des soucis de l'existence!.....

Le rapide de midi 47, qui n'avait qu'une heure et demie de
retard, traversait sans se presser la petite gare de Brie-sur-
Ognon, quand, fut-ce la vache neurasthénique regardant passer
le train d'un pré voisin, qui troubla le mécanicien, fut-ce l'état
précaire de la voie ferrée? Toujours est-il, quoique nous penchions
pour la deuxième hypothèse, que locomotive, tender, wagons et
fourgons s'en allèrent soudain se promener sur le ballast et
s'écraser délicatement dans les prairies avoisinantes, en proje-
tant au diable une pluie de projectiles plus ou moins hétéroclites.

Au milieu de hurlements surhumains, on tenta d'organiser le
secours du matériel et des voyageurs. Quand tout fut déblayé,
on s'aperçut avec stupeur que si le matériel avait subi quelque
détérioration, le personnel du train et les voyageurs étaient
sains et saufs. Vraiment, pour la bonne réputation du réseau, il
vale.it mieux qu'il en fût ainsi I

On téléphona de suite à Paris : « Petit incident sans gravité
— Pas de blessés — Secours inutiles. »

En se frottant les mains, les ingénieurs se réjouissaient déjà
de l'heureux résultat de la catastrophe, quand le mécanicien, en — Dites-nous donc où se trouve l'ascenseur?
tremblant, leur désigna du doigt un homme étendu sur la voie — Descendez six étages ; c'est à gauche, au bas de l'escalier!
au milieu des décombres. On se précipita, le malheureux avait Dessin de Geniy.

dû être projeté par l'ouverture béante d'un des wagons éventrés,

COINTREAU