LE RIRE DE^LA SEMAINE
Jadis, quand le nouveau roi faisait sa joyeuse entrée dans sa
bonne ville de Paris, de jeunes Parisiennes, vêtues de leur seule
chevelure, entouraient le destrier du monarque.
Cette galante tradition avait son charme... Hélas! elle s'est en
allée, comme les autres. Et c'est ainsi que pas la moindre petite
femme en costume d'Eve n'était assise, mardi dernier, dans le
landau de M. Poincaré. En fait de petite femme nue, il y avait
M. Fallières.
Il est vrai que la température était plutôt fraîche...
Malgré ce froid cinglant, bien des jeunes personnes auraient tenu
volontiers compagnie à notre nouveau président. Car M. Poincaré
plaît beaucoup aux femmes... C'est d'ailleurs l'histoire de tous
les hommes populaires.
La popularité se manifeste toujours comme ceci :
1° On reçoit de nombreuses lettres d'injures;
2° On reçoit de nombreuses lettres d'amour.
M. Poincaré en sait quelque chose...
J'ignore le nombre des lettres d'injures qui lui sont parvenues,
mais je tiens de bonne source que, depuis son élection, il a déca-
cheté ou fait décacheter une moyenne quotidienne de cinquante
lettres plus ou moins parfumées où des femmes se déclarent
fortement amoureuses de lui.
Beaucoup se permettent même de l'appeler « Raymond » tout
court...
« Je t'aime, lui écrivent-elles, je t'aime parce que tu es beau,
parce que tu es patriote, parce que tu es républicain, parce que
tu es lorrain, parce que tu es l'élu de la Nation.
« Si tu veux, tu seras mon élu à moi toute seule. »
Or, M. Poincaré a donné l'ordre à ses secrétaires de répondre
à toutes lettres signées. Seulement, pour aller plus vite, les dits
secrétaires ont fait imprimer une formule ainsi conçue :
Présidence de la République
Secrétariat particulier.
— M...
N°...
M. le Président a pris connaissance de votre
lettre et il me charge de vous informer qu'il ne
peut y donner suite.
Avec mes regrets, veuillez agéer, M..., l'ex-
pression de mes distingués sentiments.
(signé) Illisible.
Comme vous voyez, cette réponse est plutôt froide...
Que voulez-vous, M. Poincaré ne pourrait suffire à toutes ces
demandes indiscrètes. Sans doute, il se doit à tous les Français
et aussi à toutes les Françaises, mais rien, dans la Constitution
de 1875, ne dit que le Président doive payer de sa personne dans
des cas semblables.
*
* *
Mais que dit l'article 324 du Code pénal?
Cet article — qui traite du flagrant délit en matière d'adultère
— vient de faire l'objet d'une discussion plutôt suggestive à l'as-
sociation des étudiants, section de Droit.
La question posée était celle-ci :
« Le mari peut-il se considérer comme outragé s'il surprend sa
femme dans les bras... d'une autre femme? Et l'excuse passion-
nelle peut-elle être invoquée par lui s'il croit bon de venger son
honneur en tuant sa femme et sa complice? »
De nombreuses étudiantes assistaient, au milieu des étudiants,-
à cette intéressante discussion. Plusieurs prirent la parole pour
déclarer qu'en pareil cas un mari intelligent devait se retirer en
disant :
— Pardon, mesdames, de vous avoir dérangées... Continuez!
Un jeune orateur s'est levé pour dire ceci :
— A la place du mari, je demanderais une petite place... Après
tout, c'est mon droit. Ma femme m'appartient et j'ai le devoir de
défendre ma propriété. Mais je prétends n'agir que par la per-
suasion... Je prouverais sans tarder à ma femme, au vu et au su
de sa complice, que rien ne vaut la bonne loi naturelle. Et si
j'étais en veine de prosélytisme, je ferais la même démonstration
à... l'autre.
Pendant longtemps, les arguments pour et contre s'entre-
croisèrent. Une étudiante fit cette judicieuse remarque :
— Avant de se fâcher, le mari fera bien de s'assurer, par une
observation prolongée, de la nature des épanchements des deux
personnes réunies dans le même lit. Rien ne prouve, en effet,
qu'elles se sont couchées pour le motif supposé... Il faut vérifier
soit en guettant par le trou de la serrure, soit en prêtant l'oreille
aux bruits, paroles, soupirs, petits cris, etc., l'authenticité du
délit — si toutefois délit il y a.
Bref, la conférence se termina au détriment du mari, lequel
ne fut pas reconnu en droit de se plaindre... L'adultère de la
femme est défendu et puni par les lois parce qu'il peut intro-
duire dans la famille légitime des enfants conçus en dehors du
lit conjugal et c'est ce danger qui justifie, jusqu'à un certain point,
le fameux « tue-la »... Mais, en la circonstance, aucune concep-
tion n'est à craindre, et le mari de MUe Giraud doit se dire philo-
sophiquement :
— Ma femme se trompe... mais elle ne me trompe pas!
Jadis, quand le nouveau roi faisait sa joyeuse entrée dans sa
bonne ville de Paris, de jeunes Parisiennes, vêtues de leur seule
chevelure, entouraient le destrier du monarque.
Cette galante tradition avait son charme... Hélas! elle s'est en
allée, comme les autres. Et c'est ainsi que pas la moindre petite
femme en costume d'Eve n'était assise, mardi dernier, dans le
landau de M. Poincaré. En fait de petite femme nue, il y avait
M. Fallières.
Il est vrai que la température était plutôt fraîche...
Malgré ce froid cinglant, bien des jeunes personnes auraient tenu
volontiers compagnie à notre nouveau président. Car M. Poincaré
plaît beaucoup aux femmes... C'est d'ailleurs l'histoire de tous
les hommes populaires.
La popularité se manifeste toujours comme ceci :
1° On reçoit de nombreuses lettres d'injures;
2° On reçoit de nombreuses lettres d'amour.
M. Poincaré en sait quelque chose...
J'ignore le nombre des lettres d'injures qui lui sont parvenues,
mais je tiens de bonne source que, depuis son élection, il a déca-
cheté ou fait décacheter une moyenne quotidienne de cinquante
lettres plus ou moins parfumées où des femmes se déclarent
fortement amoureuses de lui.
Beaucoup se permettent même de l'appeler « Raymond » tout
court...
« Je t'aime, lui écrivent-elles, je t'aime parce que tu es beau,
parce que tu es patriote, parce que tu es républicain, parce que
tu es lorrain, parce que tu es l'élu de la Nation.
« Si tu veux, tu seras mon élu à moi toute seule. »
Or, M. Poincaré a donné l'ordre à ses secrétaires de répondre
à toutes lettres signées. Seulement, pour aller plus vite, les dits
secrétaires ont fait imprimer une formule ainsi conçue :
Présidence de la République
Secrétariat particulier.
— M...
N°...
M. le Président a pris connaissance de votre
lettre et il me charge de vous informer qu'il ne
peut y donner suite.
Avec mes regrets, veuillez agéer, M..., l'ex-
pression de mes distingués sentiments.
(signé) Illisible.
Comme vous voyez, cette réponse est plutôt froide...
Que voulez-vous, M. Poincaré ne pourrait suffire à toutes ces
demandes indiscrètes. Sans doute, il se doit à tous les Français
et aussi à toutes les Françaises, mais rien, dans la Constitution
de 1875, ne dit que le Président doive payer de sa personne dans
des cas semblables.
*
* *
Mais que dit l'article 324 du Code pénal?
Cet article — qui traite du flagrant délit en matière d'adultère
— vient de faire l'objet d'une discussion plutôt suggestive à l'as-
sociation des étudiants, section de Droit.
La question posée était celle-ci :
« Le mari peut-il se considérer comme outragé s'il surprend sa
femme dans les bras... d'une autre femme? Et l'excuse passion-
nelle peut-elle être invoquée par lui s'il croit bon de venger son
honneur en tuant sa femme et sa complice? »
De nombreuses étudiantes assistaient, au milieu des étudiants,-
à cette intéressante discussion. Plusieurs prirent la parole pour
déclarer qu'en pareil cas un mari intelligent devait se retirer en
disant :
— Pardon, mesdames, de vous avoir dérangées... Continuez!
Un jeune orateur s'est levé pour dire ceci :
— A la place du mari, je demanderais une petite place... Après
tout, c'est mon droit. Ma femme m'appartient et j'ai le devoir de
défendre ma propriété. Mais je prétends n'agir que par la per-
suasion... Je prouverais sans tarder à ma femme, au vu et au su
de sa complice, que rien ne vaut la bonne loi naturelle. Et si
j'étais en veine de prosélytisme, je ferais la même démonstration
à... l'autre.
Pendant longtemps, les arguments pour et contre s'entre-
croisèrent. Une étudiante fit cette judicieuse remarque :
— Avant de se fâcher, le mari fera bien de s'assurer, par une
observation prolongée, de la nature des épanchements des deux
personnes réunies dans le même lit. Rien ne prouve, en effet,
qu'elles se sont couchées pour le motif supposé... Il faut vérifier
soit en guettant par le trou de la serrure, soit en prêtant l'oreille
aux bruits, paroles, soupirs, petits cris, etc., l'authenticité du
délit — si toutefois délit il y a.
Bref, la conférence se termina au détriment du mari, lequel
ne fut pas reconnu en droit de se plaindre... L'adultère de la
femme est défendu et puni par les lois parce qu'il peut intro-
duire dans la famille légitime des enfants conçus en dehors du
lit conjugal et c'est ce danger qui justifie, jusqu'à un certain point,
le fameux « tue-la »... Mais, en la circonstance, aucune concep-
tion n'est à craindre, et le mari de MUe Giraud doit se dire philo-
sophiquement :
— Ma femme se trompe... mais elle ne me trompe pas!
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Un pur
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1913
Entstehungsdatum (normiert)
1908 - 1918
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)