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LE RIRE AU THEATRE

Théatre-Fémina. — Un jeune homme qui se tue!... — Le plus
curieux événement de la semaine théâtrale est à coup sûr l’en-
trée dans les ordres de l’excellent comique Polin.

A l’instigation de trois amis (l’abbé Bndaine, l’abbé Constan-
tin et l’abbé Lotéraut), le populaire tourlourou, le premier piou-
piou de France, a troqué ses basanes contre une soutane, et
délacé les lourds godillots pour chausser les souliers à boucles.
Après les chansons de route, les cantiques; les évangiles après
la théorie!... Le digne abbé Polin s’entraînait depuis longtemps
aux sports ecclésiastiques, en récitant des vers de Vicaire (Ga-
briel) et en disant comme prières quotidiennes une fois notre
Fiers et deux Caillavet Maria. 11 se mortifiait en ne mangeant
que de la barbe de capucin et des pets de nonnes. C’est donc
dans les meilleures conditions qu’il est entré en onction, dans
la chaire du Théâtre-Fémina; bien qu’il ait fallu la croix et le
Bénière pour l’y décider.

Le sermon de l'abbé Polin a pour thème : « Un jeune homme
qui se tue! » Le véritable auteur est Georges Berr, auquel on
peut appliquer le vers fameux :

Les gens que vous tuez se portent assez bien !

Ce.jeune homme est en effet bien vivant, et réjouira les fa-
milles pendant de nombreux soirs. Car — chose remarquable —
le vaudeville devient familial et moralisateur : après Mon Bébé,
aux Bouffes, le Jeune homme qui se tue au Théâtre-Fémina!
Où la pudeur va-t-elle se nicher?

Il est loin, le temps où M. Georges Berr, aujourd’hui comé-
dien fêté et auteur applaudi, po-
tassait le classique dans la classe
du père Got !... Déjà, le jeune
« espoir » du Conservatoire faisait
merveille. Seul, un parent crai-
gnait que sa petite taille et sa
chétive apparence ne fussent un
obstacle à sa carrière. Got calma
cette inquiétude par une phrase
lapidaire : « La taille?... Mais ça
n’a aucune importance : M. Thiers
était tout petit; ça ne l’a pas em-
pêché de très bien jouer Sca-
pin!... »

Gaité-Rochechouart .

Tu vas fort!... C'est le titre de
la Revue. D’où vient cette expres-
sion argotique en faveur sur les
boul’ extér. ?... S’adresse-t-elle
aux chauffards redoutables qui
font du 120 à l’heure?... Auxamou-
reux indélicats qui ne savent pas

ménager leurs montures?... Aux joueurs prodigues?... Faguet
dirait : « Que sais-je? » et de Vogüé : « Peut-être... » En tout
cas Tu vas fort! s’applique fort bien à la fantaisie de MM. Robert
Dieudonné et Wilned : les deux lascars n’y vont pas avec la
pince à sucre; appellent par leur nom les choses; et ça ne

traîne pas : couplets, scènes co-
miques, visions artistiques, se
succèdent avec une rapidité ciné-
matographique qui fait grand hon-
neur à la verve des auteurs. Le
public a juste le temps d’applau-
dir; il le fait avec une énergie et
une joie reconnaissantes.

Sous prétexte que le ventre se
porte cet hiver, M. Mansuelle
(tant pis pour celles dont la nature
a horreur du bide) fait voir aux
dames une formidable gidouille.
C’est Bi-Mansuelle que devrait
s’appeler cet artiste qui a con-
servé les discrètes traditions du
vieux caf.-conc. : ainsi, dans la
Joconde, il salue le public ravi en
enlevant sa perruque!...

Seule de l’interprétation,MUeMa-
phalda n’est pas entrée dans la
peau de son personnage. Elle re-
présente le Pendentif. Or, au lieu
d’avoir les allures flatulentes et
balochardes que le rôle implique,
les seins de Mlle Maplialda se
dressent en liberté, fiers, agres-
sifs, dans ie flamboiement des
apothéoses. Us ne le font pas as-

A Fémina : Polin quitte l’ar-
mée pour l’église.

Docile à la voix de Tristan Bernard, Georges Berr se plonge dans
le drame.

A la Gaîté-Rochechouart :
G. Bataille et Dave Loty dans
une nouvelle danse qui fera fu-
reur cet hiver : le tango.

sez à la blague. Mais les specta-
teurs ne s’en plaignent pas, au
contraire; et ils prennent un égal
plaisir aux tableaux vivants évo-
cateurs de Boccace, de La Fon-
taine et de Perrault. Les beaux
contes font les belles amies; et
la flagellation par le marquis de
Sade (après le fouet de la satire,
le martinet du satyre) constitue
une jolie scène de genre.

A défaut de la forêt de Brocé-
liande nous eûmes une évocation
rustique, avec des bûcheronnes
de derrière les fagots; un poète
nymphatique; et des dryades, et
des sylvains. La Gaité-Roche-
chouart est le théâtre aux faunes...

Dans une scène fort bien venue,

Mlle Cécile Sorel prend quelque
chose pour son coryza. L’irritable
Célimène ne souffre guère que
l’on plaisante avec sa beauté offi-
cielle et consacrée, et volontiers
envoie aux revuistesirrespectueux
des billets bleus « au nom du
peuple français ». Ce n’est pour-
tant pas la faute des tailleurs de
couplets sur mesure si Mlle Sorel
entretient soigneusement les ga-
zettes des secrets de son âme et du soin de sa vie!... Jamais il
ne viendra à l’idée de ces messieurs de blaguer, par exemple

Mme Bartetou M,le Marie Leconte,
lesquelles se contentent de jouer
(et de bien jouerî la comédie;
sans initier la multitude à des his-
toires de gondoles, de lionceaux,
de baldaquins, et de glacières...

Comédie Royale.

Cependant qu’à la Gaîté-Ro-
chechouart, de jeunes étoiles se
lèvent, dont quelques-unes ont
des noms à coucher avec (telle,
Mlle Dave Loty au talent plein de-
promesses), la Comédie-Royale-
nous offre le régal prévu, mais,
quand même délicieux, des re-
présentations de Mlla Marguerite-
Deval, de plus en plus tumul-
tueuse, trépidante et gesticulante ;.
mais qui ajoute de l’esprit aux
malicieux couplets de M. Jean.
Deyrmon, lesquels en ont beau-
coup par eux-mêmes. Mlle Cerda.
est aussi habile comédienne que jolie personne ; et M1Ic Fontanges
joue elle-même sa toute petite pièce où il y a des longueurs.

Théâtre Idéaliste.

Nous n’jouerons plus Jul’Bois :

Ses lauriers sont coupés !

chantait je ne sais plus quelle commère dans une Revue de l’art'
passé... Or, on a rejoué du Jules Bois au Théâtre-Idéaliste.
Ceux qui ont entendu la Furie chez Molière, estimaient que
cinq actes suffisaient grandement. Mais M. Jules Bois en tenait,
un sixième en réserve. Il l’a offert au public idolâtre; et sans
doute, l’an prochain, un septième acte poindra. C’est l’avantage
des pièces qui n’ont pas de raison pour commencer, de n’en avoir
pas non plus pour finir.

Le spectacle inaugural du Théâtre-Idéaliste était présenté par
le grand astronome Camille Flammarion.

L’idée est excellente et génératrice d’utiles réformes : pour
parler « théâtre » désormais, on s’adressera à des géomètres,
des égoutiers, des commis-voyageurs en suppositoires; ou, sim-
plement, aux critiques dramatiques dont les pièces dépassent
rarement quatorze représentations...

En même temps que surgissait le Théâtre-Idéaliste, les Danses
Idéistes de Mlle de Saint-Point sévissaient. Poétesse et saltatrice,
l’aimable enfant rythme des pas sur ses propres vers. Cet heu-
reux mélange s’appelle Métaehorie. C’est en quelque sorte 1e
cubisme de la chorégraphie. Il est curieux de constater à quel
point les personnes qui n’ont pas d’idées sont éprises d’idéal...

Ragotin.

Illustrations de Y. Marevéry.
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