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LES DISGRACIÉS

b & i $ y * oIV/

— T’as eu tort de v'nir, j’rêvais qu’t’étais beau

Dessin de Boisyvoin.

UN FAMEUX A VALEUR

Anatole était avaleur de sabres. Et c’était
un fameux avaleur... Il n’était pas grand.
Placé près d’une mouquère, il lui venait à
peine à la taille. Mais il ne faut pas s’en
étonner, car, ainsi que l’a dit jadis Lucien
Métivet, à moins que ce ne soit un certain
Pierre Corneille, poète de quelque talent
et humoriste à ses heures :

1.'avaleur u’atteint pas le nombril des aimées.

D’ailleurs, Anatole, malgré sa petite
taille, n’avait pas son pareil parmi les
membres de sa corporation. 11 vous dégus-
tait un rigolo en moins de temps qu’il ne
faut pour l’écrire. 11 engloutissait, comme
en se jouant, les divers objets solides dont
l’autruche fait ses repas coutumiers. Knfin,
quand il prenait part à une course, il arri-
vait toujours le premier parce qu’il bouf-
fait les kilomètres...

Cette capacité surprenante venait, je
l’ai su depuis, de ce fait qu’Anatole ayant
ingurgiié, dans son enfance debi!e,'des
quantités considérables de sirop de fer, il
possédait depuis un estomac d’airain. Ainsi
se trouvait expliquée l’absorption des corps
hétéroclites dont mon ami se nourrissait.
Pourtant, restait un point mystérieux. Que
pouvaient devenir ces étranges aliments?
Je l’avoue, j’étais intrigué.

Or, un jour que j’avais vu Anatole en-
gouffrer coup sur coup, un encrier, un
réveille-matin, un de mes articles, le mar-
bre de sa table de nuit et une paire de
draps :

- Ah ça! fis-je estomaqué (c’était bien
mon tour), ah çà I dites-moi, mon cher
Anatole, que faites-vous de ce que vous
avalez ?

Mon interlocuteur eut un rire solide, à
quoi je saisis la naïveté de ma question.

— Moi? Mais je fais comme tout le
monde! répondit-il.

Et de sa voix la plus naturelle, il ajouta :
Je le rends.

— Vous le rendez ?

— Parbleu.

J’hésitai un instant ; puis, timidement :

— Alors, si vous avalez un louis?

Ce fut sans réplique

— Quand j’avale un louis, deux heures
après je le retrouve.

Peut-être m’accueerez-vous de scepti-

cisme ; toujours est-il que je voulus tenter
l’expérience. Anatole avala la pièce d’or
que je lui donnai. Après quoi, nous atten-
dîmes patiemment le résultat de l’expé-
rience en jouant nos cafés à la manille.

Eh bien, le moment venu, savez-vous ce
ue nous avons retrouvé?... Je vous le
onneen mille!... 19 fr. 20 : j’avais perdu
les consommations et Anatole m’avait
rendu la monnaie...

Depuis, Anatole s’est fait caissier.

Louis Léon-Martin
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