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https://doi.org/10.11588/diglit.25471#0027
l’union sociale et démocratique
briand. — Voyez-vous, Barthou? Le jeu consiste à faire de tout ça un bloc qui soit bien carré.
LE RIRE DE LA SEMAINE
L’Angleterre a connu la guerre des deux Roses; la France
assiste à la guerre des deux Rues.
La rue d’Engliien ne peut souffrir la rue de Valois.
La rue de Valois a horreur de la rue d’Enghien.
La rue de Valois dit à sa rivale :
— Va donc, eh ! réactionnaire, cléricale, jésuite !
La rue d’Enghien lui répond :
— Tu me dégoûtes, anarchiste, sans-patrie, ploutocrate déma-
gogue!...
Permettez-moi de vous dire que j’ai mon opinion faite sur ces
deux rues.
L’une et l’autre me scandalisent.
Et pourquoi? Serais-je briandard ou caillautiste?
Nullement.
La rue d’Enghien et la rue de Valois offusquent en moi — non
pas le républicain, le patriote, le contribuable ou la poire élec-
torale — mais l’homme vertueux.
En effet, ces deux rues jouissent — si je peux m’exprimer ainsi
— d’une réputation un peu... shocking.
Oh ! je tiens à dire tout de suite que le Petit Parisien et le
sous-secrétariat des Beaux-Arts n’y sont pour rien... Non, c’est
autre chose.
J’ai découpé cette petite annonce :
Au 2e au-dessus
Et celle-ci :
I7|jvi7 chemises, pantalons; jolie collection à
l'IllJu visiter chez Flora, 333, rue d’Enghien.
de l’entresol. De 2 heures à minuit.
ftFHEIX 1YIRT modern-style. Exposition permanente chez
UIM L 1U ÜJil j\ime Adrienne. Jolies occasions. Pièces
rares et curieuses. 444, rue de Valois, à tous les étages.
Comprenez-vous?
D’u ne enquête que je viens de mener discrètement, il résulte
que Flora et Adrienne ont de nombreuses concurrentes dans
leur voisinage.
Et je me demande, non sans inquiétude :
— Mme Adrienne est-elle républicaine? Aspire-t-elle aux ré-
formes sociales? Son programme est-il « Q. M. »?
Et aussi :
— MUe Flora fourbit-elle les armes de la Réaction? Comment se
sert-elle de son Quotient? Caresse-t-elle les Possédants? Prend
elle des mesures contre les arrondissementiers ?
Et tout cela me rend perplexe...
*
* *
Ma perplexité grandirait si, étant femme, j’étais demandée en
mariage par le docteur Carrel.
A vrai dire, la question ne se pose plus : ce savant franco-
américain vient en effet d’épouser une dame qui était sa colla-
boratrice depuis quelques années.
Le docteur Carrel lui donna le coup de foudre en tailladant un
petit chien ligotté sur un étal de chirurgien :
— Oh! dit le charcuteur..., regardez donc ce cœur comme il
bat!...
— Le mien, répondit la dame, bat encore bien plus.
— Sectionnons la patte de ce cabot... Nous grefferons & La place
une queue de cochon.
— Une queue de cochon, oh ! maître!...
Après quoi, nous couperons l’arrière-train en deux ei noua
le remplacerons par celui d’une levrette.
— Une levrette !... Oh ! maître !...
Cette idylle sanguinolente et sentimentale dura quelques mois.
La dame regardait celui qu’elle aimait écorcher, trépaner,
décortiquer toutes sortes de bêtes vivantes.
— Quel homme! disait-elle... Il a la main si habile et si
douce!... C’est un plaisir de le voir mettre à nu la cervelle d’un
lapin!... Il n’a pas son pareil pour ouvrir un cochon d’Inde ou
un chat ! ...
C’est ainsi que ce roman commencé dans une chambre de
tortures pour animaux s’est terminé à la mairie.
Qu’ils soient heureux tous les deux! Mais il me semble que, si
j’étais femme, je redouterais la caresse d’un de ces vivisecteurs
qui, sous prétexte de vaines virtuosités chirurgicales, font
souffrir les chiens, les lapins et les chats.
*
* *
Tout cela est évidemment affaire d’appréciation. Et d’ailleurs
aux choses de l’amour se mêle souvent je ne sais quelle arrière-
pensée de cruauté... Elle est vraie, cette parole d’une femme
qui disait à son amant :
— Non, tu ne m’aimes pas! J’en ai la preuve.
— Ah! vraiment! Laquelle?
— Tu ne m’as jamais fait souffrir!
Voilà un raffinement psychologique qui eût échappé à Robes-
briand. — Voyez-vous, Barthou? Le jeu consiste à faire de tout ça un bloc qui soit bien carré.
LE RIRE DE LA SEMAINE
L’Angleterre a connu la guerre des deux Roses; la France
assiste à la guerre des deux Rues.
La rue d’Engliien ne peut souffrir la rue de Valois.
La rue de Valois a horreur de la rue d’Enghien.
La rue de Valois dit à sa rivale :
— Va donc, eh ! réactionnaire, cléricale, jésuite !
La rue d’Enghien lui répond :
— Tu me dégoûtes, anarchiste, sans-patrie, ploutocrate déma-
gogue!...
Permettez-moi de vous dire que j’ai mon opinion faite sur ces
deux rues.
L’une et l’autre me scandalisent.
Et pourquoi? Serais-je briandard ou caillautiste?
Nullement.
La rue d’Enghien et la rue de Valois offusquent en moi — non
pas le républicain, le patriote, le contribuable ou la poire élec-
torale — mais l’homme vertueux.
En effet, ces deux rues jouissent — si je peux m’exprimer ainsi
— d’une réputation un peu... shocking.
Oh ! je tiens à dire tout de suite que le Petit Parisien et le
sous-secrétariat des Beaux-Arts n’y sont pour rien... Non, c’est
autre chose.
J’ai découpé cette petite annonce :
Au 2e au-dessus
Et celle-ci :
I7|jvi7 chemises, pantalons; jolie collection à
l'IllJu visiter chez Flora, 333, rue d’Enghien.
de l’entresol. De 2 heures à minuit.
ftFHEIX 1YIRT modern-style. Exposition permanente chez
UIM L 1U ÜJil j\ime Adrienne. Jolies occasions. Pièces
rares et curieuses. 444, rue de Valois, à tous les étages.
Comprenez-vous?
D’u ne enquête que je viens de mener discrètement, il résulte
que Flora et Adrienne ont de nombreuses concurrentes dans
leur voisinage.
Et je me demande, non sans inquiétude :
— Mme Adrienne est-elle républicaine? Aspire-t-elle aux ré-
formes sociales? Son programme est-il « Q. M. »?
Et aussi :
— MUe Flora fourbit-elle les armes de la Réaction? Comment se
sert-elle de son Quotient? Caresse-t-elle les Possédants? Prend
elle des mesures contre les arrondissementiers ?
Et tout cela me rend perplexe...
*
* *
Ma perplexité grandirait si, étant femme, j’étais demandée en
mariage par le docteur Carrel.
A vrai dire, la question ne se pose plus : ce savant franco-
américain vient en effet d’épouser une dame qui était sa colla-
boratrice depuis quelques années.
Le docteur Carrel lui donna le coup de foudre en tailladant un
petit chien ligotté sur un étal de chirurgien :
— Oh! dit le charcuteur..., regardez donc ce cœur comme il
bat!...
— Le mien, répondit la dame, bat encore bien plus.
— Sectionnons la patte de ce cabot... Nous grefferons & La place
une queue de cochon.
— Une queue de cochon, oh ! maître!...
Après quoi, nous couperons l’arrière-train en deux ei noua
le remplacerons par celui d’une levrette.
— Une levrette !... Oh ! maître !...
Cette idylle sanguinolente et sentimentale dura quelques mois.
La dame regardait celui qu’elle aimait écorcher, trépaner,
décortiquer toutes sortes de bêtes vivantes.
— Quel homme! disait-elle... Il a la main si habile et si
douce!... C’est un plaisir de le voir mettre à nu la cervelle d’un
lapin!... Il n’a pas son pareil pour ouvrir un cochon d’Inde ou
un chat ! ...
C’est ainsi que ce roman commencé dans une chambre de
tortures pour animaux s’est terminé à la mairie.
Qu’ils soient heureux tous les deux! Mais il me semble que, si
j’étais femme, je redouterais la caresse d’un de ces vivisecteurs
qui, sous prétexte de vaines virtuosités chirurgicales, font
souffrir les chiens, les lapins et les chats.
*
* *
Tout cela est évidemment affaire d’appréciation. Et d’ailleurs
aux choses de l’amour se mêle souvent je ne sais quelle arrière-
pensée de cruauté... Elle est vraie, cette parole d’une femme
qui disait à son amant :
— Non, tu ne m’aimes pas! J’en ai la preuve.
— Ah! vraiment! Laquelle?
— Tu ne m’as jamais fait souffrir!
Voilà un raffinement psychologique qui eût échappé à Robes-