SOLENNITÉ MONDAINE
CHOUPETTE
h \ j u -,
— Pour une fois que nous venons au Grand Prix, je veux te mener au pesage...
Qu’est-ce que ça peut te faire combien je pèse?
SOIXANTE-SEPTIÈME AMATEUR. — Le Joueur
téméraire est d’une adresse remarquable.
11 ne rate jamais les cases. Mais fatalité,
jamais il ne réussit à lancer son palet dans
la bouche du maudit crapaud.
CHŒUR DES AMATEURS DE <( TONNEAU ». —
Voici la quatre-vingt-dixième et dernière
partie. L’imbattable Champion du monde
de tonneau lance une dernière fois ses
palets et remplit les cases et la bouche du
crapaud avec une extraordinaire facilité.
VINGT-TROISIÈME AMATEUR. — Le Joueur
téméraire lance également ses palets sous
le regard ironique de son adversaire.
Mais, étrange fatalité, il rate encore une
fois le diabolique crapaud.
(Emporté par la rage, le Joueur témé-
raire, d’un formidable coup de pied, fait
voltiger le jeu de tonneau.)
CHŒUR DES AMATEURS DE «TONNEAU». —
Oh ! que veut dire cela? Le crapaud en
fonte se met à sautiller sur le gazon, à la
grande confusion de l’imbattable Cham-
pion.
le joueur téméraire, à l'imbattable
Champion. — Misérable ! quelle est cette
odieuse supercherie?
l’imbattable champion du monde de ton-
neau. — Eh bien ! oui, je vais tout avouer.
Depuis dix ans, je suis vainqueur grâce à
la complicité de ce crapaud vivant, savam-
ment dressé.
Recouvert d’une couche de peinture
dorée, ce batracien restait immobile au
milieu du jeu de tonneau, imitant à s’y
méprendre le classique crapaud en fonte.
Lorsque je jouais, mon fidèle crapaud ou-
vrait la bouche toute grande, mais la re-
fermait impitoyablement dès que mon
adversaire lançait ses palets. Voilà le se-
cret de mes victoires. Voilà.
Dessin de J. Plumet.
PUDEUR
Choupette est la plus délicieuse, la nlus
charmante, la plus délicate des demi-mon-
daines en vogue. Elle est renommée non
seulement pour sa beauté, mais aussi pour
l’élégance, le raffiné qu’elle déploie tant
dans sa toilette que dans son intérieur. Les
heureux élus qu’elle daigne accepter pour
partager sa couche sont triés sur le volet;
ses liaisons sont toutes de bon aloi. Elle a
le coup d’œil scrutateur et infaillible. Elle
s’en vante et s’en fait gloire. Elle rencontre
un jour, en certain thé tango, un grand
garçon d’une élégance rare et d'une dis-
tinction indiscutable; il parle peu, sans
doute par timidité ou par réserve. Impos-
sible de se tromper; il est de bonne famille,
tout l’indique, et puis la distinction est un
signe de race !... Une dernière œillade en-
flammée, après un tango langoureux, et la
voilà vaincue. Choupette enlève sa con-
quête.
Après une nuit, en la chambre parfumée,
grisante, une nuit d’extases multiples, de
caresses inoubliables, au matin, Chou-
pette, délicieusement lasse, sonne la
femme de chambré et, d’une voix pleine
de tendresse reconnaissante :
— Mon chéri, votre tub, le prenez-vous
froid ou chaud?
— Merci, toute belle ; je ne mange ja-
mais rien le matin.
C’était trop fort pour la pauvrette; elle
s’évanouit.
R. POUTEAU.
(Rideau.) _ -pu p0urrajs frapper avant d’entrer...: une minute
Cami. plus tôt et tu me surprenais en costume de courtisane.
Dessin de Ch. Laborde.
CHOUPETTE
h \ j u -,
— Pour une fois que nous venons au Grand Prix, je veux te mener au pesage...
Qu’est-ce que ça peut te faire combien je pèse?
SOIXANTE-SEPTIÈME AMATEUR. — Le Joueur
téméraire est d’une adresse remarquable.
11 ne rate jamais les cases. Mais fatalité,
jamais il ne réussit à lancer son palet dans
la bouche du maudit crapaud.
CHŒUR DES AMATEURS DE <( TONNEAU ». —
Voici la quatre-vingt-dixième et dernière
partie. L’imbattable Champion du monde
de tonneau lance une dernière fois ses
palets et remplit les cases et la bouche du
crapaud avec une extraordinaire facilité.
VINGT-TROISIÈME AMATEUR. — Le Joueur
téméraire lance également ses palets sous
le regard ironique de son adversaire.
Mais, étrange fatalité, il rate encore une
fois le diabolique crapaud.
(Emporté par la rage, le Joueur témé-
raire, d’un formidable coup de pied, fait
voltiger le jeu de tonneau.)
CHŒUR DES AMATEURS DE «TONNEAU». —
Oh ! que veut dire cela? Le crapaud en
fonte se met à sautiller sur le gazon, à la
grande confusion de l’imbattable Cham-
pion.
le joueur téméraire, à l'imbattable
Champion. — Misérable ! quelle est cette
odieuse supercherie?
l’imbattable champion du monde de ton-
neau. — Eh bien ! oui, je vais tout avouer.
Depuis dix ans, je suis vainqueur grâce à
la complicité de ce crapaud vivant, savam-
ment dressé.
Recouvert d’une couche de peinture
dorée, ce batracien restait immobile au
milieu du jeu de tonneau, imitant à s’y
méprendre le classique crapaud en fonte.
Lorsque je jouais, mon fidèle crapaud ou-
vrait la bouche toute grande, mais la re-
fermait impitoyablement dès que mon
adversaire lançait ses palets. Voilà le se-
cret de mes victoires. Voilà.
Dessin de J. Plumet.
PUDEUR
Choupette est la plus délicieuse, la nlus
charmante, la plus délicate des demi-mon-
daines en vogue. Elle est renommée non
seulement pour sa beauté, mais aussi pour
l’élégance, le raffiné qu’elle déploie tant
dans sa toilette que dans son intérieur. Les
heureux élus qu’elle daigne accepter pour
partager sa couche sont triés sur le volet;
ses liaisons sont toutes de bon aloi. Elle a
le coup d’œil scrutateur et infaillible. Elle
s’en vante et s’en fait gloire. Elle rencontre
un jour, en certain thé tango, un grand
garçon d’une élégance rare et d'une dis-
tinction indiscutable; il parle peu, sans
doute par timidité ou par réserve. Impos-
sible de se tromper; il est de bonne famille,
tout l’indique, et puis la distinction est un
signe de race !... Une dernière œillade en-
flammée, après un tango langoureux, et la
voilà vaincue. Choupette enlève sa con-
quête.
Après une nuit, en la chambre parfumée,
grisante, une nuit d’extases multiples, de
caresses inoubliables, au matin, Chou-
pette, délicieusement lasse, sonne la
femme de chambré et, d’une voix pleine
de tendresse reconnaissante :
— Mon chéri, votre tub, le prenez-vous
froid ou chaud?
— Merci, toute belle ; je ne mange ja-
mais rien le matin.
C’était trop fort pour la pauvrette; elle
s’évanouit.
R. POUTEAU.
(Rideau.) _ -pu p0urrajs frapper avant d’entrer...: une minute
Cami. plus tôt et tu me surprenais en costume de courtisane.
Dessin de Ch. Laborde.