— Tu n’as pas encore fini avec ton travail? Tu vas te tuer... Si au moins tu te dépêchais. Dessin de Ch. Laborde.
L’amiral a éperon. — Oui. C’était indispensable pour la bonne
réussite de mon idée. Arrivés à l’endroit, habituel de nos pêches
à la baleine, nous vîmes bientôt surgir un de ces monstres
marins si redoutés des agriculteurs. Sur mon ordre, tous mes
« gabiers ferrugineux » se mirent à bâiller en même temps. Le
bâillement est contagieux, vous ne l’ignorez pas. La baleine se
mit donc à bâiller par contagion. C’était ce que je désirais.
Aussitôt je lançai adroitement dans son immense gueule ouverte
un de mes phonographes. Puis la Casquette à trois ponts se
dirigea rapidement vers une petite île voisine où mes «gabiers
ferrugineux » et moi débarquâmes aussitôt pour attendre la
baleine.
Chœur des auditeurs effarés.— Pour attendre la baleine?
L’amiral a éperon. — Oui. Nous étions
à peine débarqués dans Pile, qu’un spec-
tacle merveilleux s’offrit à nos regards.
Surgissant de l’océan, notre baleine, se
servant de ses nageoires en guise d’ailes,
notre baleine s’élançait d’un vol majestueux
hors des dots, et telle une hirondelle gra-
cieuse, venait se poser sur la plus haute
branche d’un arbre de notre petite île.
Chœur des auditeurs effarés. — Voilà
qui est impossible, amiral à éperon!
L’amiral a éperon. — Impossible! Mais
non, simple phénomène d’auto-suggestion.
J’avais fait avaler à la baleine un phono-
graphe qui, grâce à un mécanisme spécial,
se mit à chanter la chanson suivante dès
qu’il fut dans l’estomac du monstre :
Je suis la légère hirondelle,
Messagère du gai printemps;
Je vole, vole à tire d’aile
En chantant ce refrain charmant.
Et comme refrain charmant le phono-
graphe exécutait de merveilleuses imita-
tions de chants d’oiseaux. Alors, vous com-
prenez : la baleine, en s’entendant chan-
ter . « Je suis la légère hirondelle » et
en écoutant les chants mélodieux qui sortaient de son gigan-
tesque gosier, la baleine se prit pour une véritable hiron-
delle; ses nageoires se mirent à battre comme des ailes, et,
dans un effort suprême, elle réussit à s’envoler et à se per-
cher sur l’arbre de l’île. Nous visâmes rapidement la baleine-
hirondelle, et, quelques secondes après, le monstrueux oiseau
tombait à nos pieds. Nous recommençâmes le lendemain avec
une autre baleine, et mon merveilleux stratagème réussit ainsi
chaque jour pendant toute la durée de nos chasses. Et si vous
en doutez, messieurs, je vous en montrerai une que j’ai attrapée
vivante et qui chante du matin au soir dans la grande cage
accrochée à mon balcon : oui, messieurs, au balcon de ma petite
villa de Marseille. Cami.
LE PETIT MODÈLE
— En ce moment, je pose chez un artiste.
— Peintre ou sculpteur?
— Oh! tu sais, je ne suis pas curieuse : je ne lui ai pas demandé.
Dessin de P. Falké.
L’amiral a éperon. — Oui. C’était indispensable pour la bonne
réussite de mon idée. Arrivés à l’endroit, habituel de nos pêches
à la baleine, nous vîmes bientôt surgir un de ces monstres
marins si redoutés des agriculteurs. Sur mon ordre, tous mes
« gabiers ferrugineux » se mirent à bâiller en même temps. Le
bâillement est contagieux, vous ne l’ignorez pas. La baleine se
mit donc à bâiller par contagion. C’était ce que je désirais.
Aussitôt je lançai adroitement dans son immense gueule ouverte
un de mes phonographes. Puis la Casquette à trois ponts se
dirigea rapidement vers une petite île voisine où mes «gabiers
ferrugineux » et moi débarquâmes aussitôt pour attendre la
baleine.
Chœur des auditeurs effarés.— Pour attendre la baleine?
L’amiral a éperon. — Oui. Nous étions
à peine débarqués dans Pile, qu’un spec-
tacle merveilleux s’offrit à nos regards.
Surgissant de l’océan, notre baleine, se
servant de ses nageoires en guise d’ailes,
notre baleine s’élançait d’un vol majestueux
hors des dots, et telle une hirondelle gra-
cieuse, venait se poser sur la plus haute
branche d’un arbre de notre petite île.
Chœur des auditeurs effarés. — Voilà
qui est impossible, amiral à éperon!
L’amiral a éperon. — Impossible! Mais
non, simple phénomène d’auto-suggestion.
J’avais fait avaler à la baleine un phono-
graphe qui, grâce à un mécanisme spécial,
se mit à chanter la chanson suivante dès
qu’il fut dans l’estomac du monstre :
Je suis la légère hirondelle,
Messagère du gai printemps;
Je vole, vole à tire d’aile
En chantant ce refrain charmant.
Et comme refrain charmant le phono-
graphe exécutait de merveilleuses imita-
tions de chants d’oiseaux. Alors, vous com-
prenez : la baleine, en s’entendant chan-
ter . « Je suis la légère hirondelle » et
en écoutant les chants mélodieux qui sortaient de son gigan-
tesque gosier, la baleine se prit pour une véritable hiron-
delle; ses nageoires se mirent à battre comme des ailes, et,
dans un effort suprême, elle réussit à s’envoler et à se per-
cher sur l’arbre de l’île. Nous visâmes rapidement la baleine-
hirondelle, et, quelques secondes après, le monstrueux oiseau
tombait à nos pieds. Nous recommençâmes le lendemain avec
une autre baleine, et mon merveilleux stratagème réussit ainsi
chaque jour pendant toute la durée de nos chasses. Et si vous
en doutez, messieurs, je vous en montrerai une que j’ai attrapée
vivante et qui chante du matin au soir dans la grande cage
accrochée à mon balcon : oui, messieurs, au balcon de ma petite
villa de Marseille. Cami.
LE PETIT MODÈLE
— En ce moment, je pose chez un artiste.
— Peintre ou sculpteur?
— Oh! tu sais, je ne suis pas curieuse : je ne lui ai pas demandé.
Dessin de P. Falké.