DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.25471#0471
TERREUR JUSTIFIÉE
— Oui, vieux, j’ai quitté ma place, et rapidement, encore, et tout le monde,
entends-tu, tout le monde aurait fait comme moi.
C’était pourtant une ferme épatante que celle où je travaillais, ah! ça, épatante!
'Le boulot insignifiant, bien payé, un singe doux comme un agneau; y avait à peu près
qu’à se laisser vivre gentiment.
Malheureusement, ça péchait par la nourriture. Oh ! pas qu’on n’en eût à sa
suffisance: ça, non, au contraire; seulement, voilà : quand par hasard une bête mourait,
une vache par exemple, on la mangeait, et alors, mon pauvre gars, à tous les repas,
c’était de la vache, encore de la vache, et toujours de la vache!
Quand c’était un cochon, kif kif : c’était du cochon, et du cochon, et encore du
cochon! Mais avant-hier, les jambes m’en tremblent encore quand j’y pense, v’ià-t’y
pas que c’est la belle-mère elle-même du patron qui crève!!!...
Tu parles si je me suis'cavalé! A. Bertrand.
LE RIRE A TRAVERS LES AGES
LE PREMIER RIRE
Adam errait, solitaire, au Paradis. L’exis-
tence l’assommait. Il devenait neurasthéni-
que et ne parlait pas de moins que de mettre
un terme à ses jours. Le Seigneur, ému de
cet état de choses, comprit qu’il ne suffisait
pas de créer, mais qu’il fallait encore ré-
créer. C’est alors qu’il inventa le bilboquet,
le monologue, la carabine « eurêka » et la
physique amusante. Mais cela ne parvint
pas à dérider le premier homme. Il eut tôt
fait de _p$sser le bilboquet, d’apprendre
tous les monologues, de détraquer la ca-
rabine et de connaître à fond chacun des
tours de passe-passe.
Il importait de trouver autre chose. Jé-
hovah songea à lui donner quelqu’un sur
qui il pourrait déverser sa méchante hu-
meur, à qui il pourrait raconter ses ennuis;
qu’il pourrait enfin, au gré de sa fantaisie,
appeler, éloigner, battre, caresser, aimer,
haïr, etc... Bref il résolut de lui offrir une
petite amie...
La proposition de Dieu séduisit d’abord
assez le premier homme, mais, quand il sut
qu’il devrait disposer d’une de ses côtes, il
demanda à réfléchir!
Cependant le Tout-Puissant passa outre,
et sachant qu’Adam n’aurait qu’à s’en
louer il résolut de l’opérer à son corps dé-
fendant.
11 l’appela donc un beau soir et pour
l’amuser il lui dit : « Je vais te raconter
une histoire drôle et qui, je crois, te fera
bien rire. »
...Quelques minutes après, Adam était
endormi. Retroussant ses manches, le
chirurgien céleste en profita aussitôt pour
lui extraire sans douleur la côtelette pre-
mière qui devait servir d’entrée... en ce
monde à notre mère Eve.
Mais lorsque notre opéré se réveilla et
qu’il aperçut sa nouvelle compagne, son
premier soin fut de se rendre compte si on
ne lui avait pas joué de mauvais tours...
Du moment, en effet, que quelqu’un était
en plus, c’est qu’il avait quelque chose en
moins. Et, en se tâtant, il ne fut pas long à
s’apercevoir qu’on avait eu quelques-uns de
ses os, sinon sa peau... Il comprit égale-
ment qu’il était trop tard pour se mettre
en colère et pour espérer rentrer dans son
bien. Aussi, faisant contre mauvaise for-
tune bon cœur, il ne se plaignit pas, mais,
prudent, se jura qu’à l’avenir on ne l’y
prendrait plus à écouter des histoires
drôles.
Et si, de hasard, on lui en racontait une,
dès qu’il se sentait l’envie de rire, il prenait
la sage habitude (dont nous avons hérité
sans doute) de rire, mais en se tenant les
côtes... Albert Metzvil.
LES BONNES AMIES
— Fernande?... Il n’y a pas de femme plus intéressée... : elle a des poches jusque sous les yeux!
Dessin de Testevuide.
LIQUEUR
DIGESTIVE
RAFRAICHISSANTE
3
— Oui, vieux, j’ai quitté ma place, et rapidement, encore, et tout le monde,
entends-tu, tout le monde aurait fait comme moi.
C’était pourtant une ferme épatante que celle où je travaillais, ah! ça, épatante!
'Le boulot insignifiant, bien payé, un singe doux comme un agneau; y avait à peu près
qu’à se laisser vivre gentiment.
Malheureusement, ça péchait par la nourriture. Oh ! pas qu’on n’en eût à sa
suffisance: ça, non, au contraire; seulement, voilà : quand par hasard une bête mourait,
une vache par exemple, on la mangeait, et alors, mon pauvre gars, à tous les repas,
c’était de la vache, encore de la vache, et toujours de la vache!
Quand c’était un cochon, kif kif : c’était du cochon, et du cochon, et encore du
cochon! Mais avant-hier, les jambes m’en tremblent encore quand j’y pense, v’ià-t’y
pas que c’est la belle-mère elle-même du patron qui crève!!!...
Tu parles si je me suis'cavalé! A. Bertrand.
LE RIRE A TRAVERS LES AGES
LE PREMIER RIRE
Adam errait, solitaire, au Paradis. L’exis-
tence l’assommait. Il devenait neurasthéni-
que et ne parlait pas de moins que de mettre
un terme à ses jours. Le Seigneur, ému de
cet état de choses, comprit qu’il ne suffisait
pas de créer, mais qu’il fallait encore ré-
créer. C’est alors qu’il inventa le bilboquet,
le monologue, la carabine « eurêka » et la
physique amusante. Mais cela ne parvint
pas à dérider le premier homme. Il eut tôt
fait de _p$sser le bilboquet, d’apprendre
tous les monologues, de détraquer la ca-
rabine et de connaître à fond chacun des
tours de passe-passe.
Il importait de trouver autre chose. Jé-
hovah songea à lui donner quelqu’un sur
qui il pourrait déverser sa méchante hu-
meur, à qui il pourrait raconter ses ennuis;
qu’il pourrait enfin, au gré de sa fantaisie,
appeler, éloigner, battre, caresser, aimer,
haïr, etc... Bref il résolut de lui offrir une
petite amie...
La proposition de Dieu séduisit d’abord
assez le premier homme, mais, quand il sut
qu’il devrait disposer d’une de ses côtes, il
demanda à réfléchir!
Cependant le Tout-Puissant passa outre,
et sachant qu’Adam n’aurait qu’à s’en
louer il résolut de l’opérer à son corps dé-
fendant.
11 l’appela donc un beau soir et pour
l’amuser il lui dit : « Je vais te raconter
une histoire drôle et qui, je crois, te fera
bien rire. »
...Quelques minutes après, Adam était
endormi. Retroussant ses manches, le
chirurgien céleste en profita aussitôt pour
lui extraire sans douleur la côtelette pre-
mière qui devait servir d’entrée... en ce
monde à notre mère Eve.
Mais lorsque notre opéré se réveilla et
qu’il aperçut sa nouvelle compagne, son
premier soin fut de se rendre compte si on
ne lui avait pas joué de mauvais tours...
Du moment, en effet, que quelqu’un était
en plus, c’est qu’il avait quelque chose en
moins. Et, en se tâtant, il ne fut pas long à
s’apercevoir qu’on avait eu quelques-uns de
ses os, sinon sa peau... Il comprit égale-
ment qu’il était trop tard pour se mettre
en colère et pour espérer rentrer dans son
bien. Aussi, faisant contre mauvaise for-
tune bon cœur, il ne se plaignit pas, mais,
prudent, se jura qu’à l’avenir on ne l’y
prendrait plus à écouter des histoires
drôles.
Et si, de hasard, on lui en racontait une,
dès qu’il se sentait l’envie de rire, il prenait
la sage habitude (dont nous avons hérité
sans doute) de rire, mais en se tenant les
côtes... Albert Metzvil.
LES BONNES AMIES
— Fernande?... Il n’y a pas de femme plus intéressée... : elle a des poches jusque sous les yeux!
Dessin de Testevuide.
LIQUEUR
DIGESTIVE
RAFRAICHISSANTE
3