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le compte de sa nature artiste toute la bas-
sesse de ses instincts.

Servier l’aime sottement. Il ne parle que
d’elle, il ne s’applique qu’à lui plaire et
c’est charmant de voir quelle délicatesse
l’ancien grand homme peut avoir pour
cette ancienne gamine que la quarantaine
proche n’a pas assagie. Si elle est triste, il
s’inquiète; si elle sourit, il est heureux et
c’est tout juste, si lorsqu’elle se retourne
dans la rue pour faire de l’œil à un mon-
sieur, il ne court pas après pour le prier
d’être aimable avec son amie.

Au point qu’il envoya l’autre mois des
témoins — pauvre vieux!... — à un jeune
homme qui avait refusé de partager la
couche de l’ineffable amoureuse.

Mais la dernière aventure de Servier
laisse loin derrière elle les bornes de la
complaisance et il faut toute l’admiration
que j’ai conservée de son œuvre de jadis
pour lui pardonner sa faiblesse coupable et
sa misérable lâcheté.

L’autre matin, Juliette avise donc Servier qu’il n’ait point à se
présenter chez elle, car, soi-disant, elle avait modèle, désirait
travailler et ne voulait être dérangée à aucun prix. Le hasard
malveillant fit que la lettre parvint trop tard à son adresse et
Servier arriva chez son amie à une minute fâcheuse pour sa
vieille affection.

Juliette était en conversation galante, comme s’expriment les
rapports de police, avec un homme encore jeune pour qui elle
prétendait avoir un béguin.

Servier, debout dans l’atelier, malgré toute sa philosophie,
sentit des larmes lui piquer les yeux et allait se retirer quand
Juliette l’interpella :

— Je t’avais écrit de ne pas venir, vieille gourde. Ça t’appren-
dra à entrer sans frapper.

Servier fit une grimace qui pouvait ressembler à un sourire,
balbutia quelques mots incohérents et dit tout de même :

LE COUP DE FOUDRE

POLITIQUE

t e iç y vow

C5>

Vous ne nierez pas que mes idées sont plus propres que les vôtres.
Parbleu!... vous en changez trois fois par semaine.

Dessin do Boisyvon

— Si on n’avait pas déjà lu ça dans les journaux,
tombant, nous a complètement déshabillés!!...

— Allons, je vois que je suis de trop... Je m’en vais.

— Mais non, tu n’es pas de trop, si tu crois que tu vas me
gêner; n’est-ce pas, chéri?

Le complice, embêté comme on l’est dans ces occasions-là,
avait repris une attitude décente et cherchait une formule pour
s’en aller sans paraître fuir devant l’intrus.

Mais Juliette devina ses intentions et tout de suite le retint :

— Tu vas rester, je vais te présenter; c'est Servier, ça n’a
aucune importance, il a l’habitude.

Servier, assis maintenant sur le bord d’un fauteuil, enveloppé
dans un cache-nez, avait les lèvres qui remuaient et une grosse
larme tout de même roula le long de sa joue.

Juliette éclata de rire : « Vieux fourneau, va! » Mais le jeune
homme qui était là sentit une colère soudaine lui serrer les
poings, devant le spectacle de ce pauvre homme lamentable et
accablé, et de cette fille qui ricanait ; il ne put se maîtriser, il
attrapa Juliette parle bras, la rejeta violem-
ment en arrière et lui envoya à toute volée
la plus jolie paire de gifles que femme ait
reçue de sa vie.

Elle s’effondra sur le divan en bé-
gayant de surprise plus encore que de
douleur.

Mais alors Servier, qui aurait dû sauter
au cou de son vengeur, se leva en sursaut
et tremblant d’indignation, un parapluie ri-
dicule au poing, s’élança sur le jeune
homme pour le frapper en criant :

— Oh! la brute! la brute, cette pauvre
petite !

Alors, je me suis garé comme j’ai pu —
car le jeune homme c’était moi, dit Paturel
— et je suis parti en laissant Servier qui
consolait en sanglotant la petite rosse dont
il sera l’éternelle victime.

Si je vous raconte cette histoire, ce n’est
pas pour me vanter d’avoir eu Juliette, oh!
non! mais c’est seulement pour que vous
sachiez qu’il y a des femmes qui sont tout
de même de fameux chameaux.

ce serait à n’y pas croire : la foudre, en
Dessin de M. Radiguet.

Robert Dieudonné.
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