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https://doi.org/10.11588/diglit.28149#0043
LA BONNE EXIGEANTE
— Voilà tout ce que j’ai pu trouver ; cent francs par mois, quatre-
vingts pour le vin et promesse de l’épouser dans un an si elle se plaît
ici...
— Que veux-tu, mon pauvre papa..., nous ne pouvons pourtant pas
nous passer de bonne... Dessin de M. Radiguet.
MUSIC-HALL
Tout le monde ne peut pas être clairon des zouaves. On
n’imagine même pas sans frisson cette hypothèse réalisée :
quelle gloire, mais aussi quelle fanfare! C’est pourquoi
M. Léon Limandin, flûtiste et compositeur, de surcroît, quelque
noble opinion qu’il professât de lui-même, n’estima-t-il point
son auréole pâlie, quand le sort des armes l’affecta, vu sa terri-
torialité, à la garde d’un pont sur l’Adour, en Chalosse ; un
affreux petit pont métallique, jeté sur un lit de cailloux; mais
c’était un « ouvrage d’art » ; et surveiller un ouvrage d’art ne
peut; qu’honorer un artiste. Muni donc, d’un fusil, d'un sabre,
d’un traité d’harmonie -et d’un bidon, le maestro, sa belle
chevelure noire tassée sous un petit képi, son torse gras sanglé
dans une étroite capote, se mit, au milieu de la campagne
fleurie; embaumée des parfums de l’été, à regarder passer les
trains. Dans l’intervalle, il composait mentalement des sonates.
Toutefois le temps lui semblait long. Par bonheur, le destin lui
donna une compagne : c’était, venue d’un pré voisin, une
digne et douce vache laitière, qui, souvent, le mufle verdi
d’herbe, se dirigeait, mâchante, vefs Limandin morne, et con-
templait, à son côté, d’un œil louinl, encerclé par les mouches,
MUSIQUE GUERRIÈRE...
LE PAYS RÊVÉ
— Parle-moi de la Russie, mon vieux, en v’ià un chic pays : plus de
riches ni de pauvres, tout le monde crève de faim !
Dessin de H. Armengol.
le lent passage des convois sur le petit pont. Limandin la baptisa
Mélisande, assez arbitrairement; et ils ne faisaient point,
somme toute, mauvais ménage, quand, un jour, Mélisande, sans
motif appréciable, fonça cornes basses sur Léon. Le territorial
croisa la baïonnette et piqua le museau de la vache qui se mit
à beugler au vent, tandis qu’à cris aigus il appelait le poste. Un
prompt renfort le délivra. Mélisande s’enfuit, mutine, au peti
galop, et Limandin, évanoui, fut immédiatement transporté à
l’hôpital militaire.
* *
Là, uti major l’examina : aucune blessure, mais une commotion,
qui nécessitait quelques jours de repos. Limandin s’allongea dans
un bon petit lit blanc et, à son chevet, s’empressa, diligente,
une infirmière. Mais quelle infirmière, Seigneur 1 Limandin se
crut monté au Paradis, ou du moins, en quelque annexe : c’était
TOUT N’EST PAS PERDU
— Mon mari a bien fait tout ce que vous avez dit, mais il a été
impuissant...
— Espérons que je serai plus heureux que lui! Dessin de Quint.
— Voilà tout ce que j’ai pu trouver ; cent francs par mois, quatre-
vingts pour le vin et promesse de l’épouser dans un an si elle se plaît
ici...
— Que veux-tu, mon pauvre papa..., nous ne pouvons pourtant pas
nous passer de bonne... Dessin de M. Radiguet.
MUSIC-HALL
Tout le monde ne peut pas être clairon des zouaves. On
n’imagine même pas sans frisson cette hypothèse réalisée :
quelle gloire, mais aussi quelle fanfare! C’est pourquoi
M. Léon Limandin, flûtiste et compositeur, de surcroît, quelque
noble opinion qu’il professât de lui-même, n’estima-t-il point
son auréole pâlie, quand le sort des armes l’affecta, vu sa terri-
torialité, à la garde d’un pont sur l’Adour, en Chalosse ; un
affreux petit pont métallique, jeté sur un lit de cailloux; mais
c’était un « ouvrage d’art » ; et surveiller un ouvrage d’art ne
peut; qu’honorer un artiste. Muni donc, d’un fusil, d'un sabre,
d’un traité d’harmonie -et d’un bidon, le maestro, sa belle
chevelure noire tassée sous un petit képi, son torse gras sanglé
dans une étroite capote, se mit, au milieu de la campagne
fleurie; embaumée des parfums de l’été, à regarder passer les
trains. Dans l’intervalle, il composait mentalement des sonates.
Toutefois le temps lui semblait long. Par bonheur, le destin lui
donna une compagne : c’était, venue d’un pré voisin, une
digne et douce vache laitière, qui, souvent, le mufle verdi
d’herbe, se dirigeait, mâchante, vefs Limandin morne, et con-
templait, à son côté, d’un œil louinl, encerclé par les mouches,
MUSIQUE GUERRIÈRE...
LE PAYS RÊVÉ
— Parle-moi de la Russie, mon vieux, en v’ià un chic pays : plus de
riches ni de pauvres, tout le monde crève de faim !
Dessin de H. Armengol.
le lent passage des convois sur le petit pont. Limandin la baptisa
Mélisande, assez arbitrairement; et ils ne faisaient point,
somme toute, mauvais ménage, quand, un jour, Mélisande, sans
motif appréciable, fonça cornes basses sur Léon. Le territorial
croisa la baïonnette et piqua le museau de la vache qui se mit
à beugler au vent, tandis qu’à cris aigus il appelait le poste. Un
prompt renfort le délivra. Mélisande s’enfuit, mutine, au peti
galop, et Limandin, évanoui, fut immédiatement transporté à
l’hôpital militaire.
* *
Là, uti major l’examina : aucune blessure, mais une commotion,
qui nécessitait quelques jours de repos. Limandin s’allongea dans
un bon petit lit blanc et, à son chevet, s’empressa, diligente,
une infirmière. Mais quelle infirmière, Seigneur 1 Limandin se
crut monté au Paradis, ou du moins, en quelque annexe : c’était
TOUT N’EST PAS PERDU
— Mon mari a bien fait tout ce que vous avez dit, mais il a été
impuissant...
— Espérons que je serai plus heureux que lui! Dessin de Quint.