MUe Fauvet, une séraphique apparition.
Blonde, du blond des chérubins, les yeux
d’un bleu limpide, aux cils si longs qu’ils
semblaient des cordes de harpes célestes,
la bouche emperlée de dents éblouissantes,
et si pourpre, si menue qu’elle eût fait
l'envie d’un ange, MUe Fauvet allait, venait,
d’une marche aérienne, ailée, portant son
sourire édenique aux malades, dont elle
constituait, à coup sûr, le plus tonique
réconfortant. Limandin en devint, sur la
minute, amoureux éperdument.
— Hé bien, mon gros! Ça ne va pas? lui
demanda-t-elle d’une voix si suave qu’il
crut défaillir d’extase. Nous vous guérirons
vivement. Prenez cette potion.
— Oui, mademoiselle!.. Ah! mademoi-
selle! Laissez-moi vous dédier une ro-
mance !
— Vous êtes musicien f '
— Je le suis. A vous mes chants!
— Allons! ne vous énervez pas. Avalez...
Là, ça y est.
— Oh ! rythmique!...
— Oui. A présent, tâchez de dormir.
Et elle passa à un autre malade.
Ce dialogue, entendu par les voisins, fut
rapidement commenté par toute la salle.
En termes crus. Le gros alité se trouvait
au milieu de dégourdis de la Légion et de
joyeux chasseurs d’Afrique, pareils à lui,
en leurs robes de chambre, mais combien
opposés, en leurs vêtements de plein air et
principalement en leurs âmes! Limandin
reçut en plein cœur des appréciations telles
qu'on ne sauvait, décemment, en rapporter
la lettre; l’esprit en était qu’il devait ban-
nir tout espoir d’union charnelle avec l’in-
— Vous me prenez pour un Boche ! Pensez-
vous que j’vas attraper le choléra à réparer votre
cheminée prussienne ! Dessin de H. Armenrol.
fîrmière; que si la petite Fauvet éprouvait
le désir de lier connaissance intime avec
un militaire, son élu ne serait point un
blême préposé à la garde des ponts de
l’Adour. Et mainte' gentillesse similaire.
— Causez toujours! songeait Limandin
11 y a des façons d’offrir une tisane qui ne
trompent point. Et il se mit à composer une
romance.
Sur ces entrefaites, la nature des re-
mèdes et de la nourriture, l’immobilité
forcée, affligèrent le maestro d’une atter-
rante constipation. Le major prescrivit,
laconique : « Lavement. »
*
* *
Lavement! Le même jour, la divine Fau-
vet dit à Limandin :
— Vous êtes trop exigeant, mon gendre. Non
seulement vous avez la paix, mais vous voudriez
encore la tranquillité !
Dessin de Léo I.echevàllier.
— Dis donc, fallait la guerre, pour qu’on fasse salon, nous autres. Dessin de G. P avis.
Blonde, du blond des chérubins, les yeux
d’un bleu limpide, aux cils si longs qu’ils
semblaient des cordes de harpes célestes,
la bouche emperlée de dents éblouissantes,
et si pourpre, si menue qu’elle eût fait
l'envie d’un ange, MUe Fauvet allait, venait,
d’une marche aérienne, ailée, portant son
sourire édenique aux malades, dont elle
constituait, à coup sûr, le plus tonique
réconfortant. Limandin en devint, sur la
minute, amoureux éperdument.
— Hé bien, mon gros! Ça ne va pas? lui
demanda-t-elle d’une voix si suave qu’il
crut défaillir d’extase. Nous vous guérirons
vivement. Prenez cette potion.
— Oui, mademoiselle!.. Ah! mademoi-
selle! Laissez-moi vous dédier une ro-
mance !
— Vous êtes musicien f '
— Je le suis. A vous mes chants!
— Allons! ne vous énervez pas. Avalez...
Là, ça y est.
— Oh ! rythmique!...
— Oui. A présent, tâchez de dormir.
Et elle passa à un autre malade.
Ce dialogue, entendu par les voisins, fut
rapidement commenté par toute la salle.
En termes crus. Le gros alité se trouvait
au milieu de dégourdis de la Légion et de
joyeux chasseurs d’Afrique, pareils à lui,
en leurs robes de chambre, mais combien
opposés, en leurs vêtements de plein air et
principalement en leurs âmes! Limandin
reçut en plein cœur des appréciations telles
qu'on ne sauvait, décemment, en rapporter
la lettre; l’esprit en était qu’il devait ban-
nir tout espoir d’union charnelle avec l’in-
— Vous me prenez pour un Boche ! Pensez-
vous que j’vas attraper le choléra à réparer votre
cheminée prussienne ! Dessin de H. Armenrol.
fîrmière; que si la petite Fauvet éprouvait
le désir de lier connaissance intime avec
un militaire, son élu ne serait point un
blême préposé à la garde des ponts de
l’Adour. Et mainte' gentillesse similaire.
— Causez toujours! songeait Limandin
11 y a des façons d’offrir une tisane qui ne
trompent point. Et il se mit à composer une
romance.
Sur ces entrefaites, la nature des re-
mèdes et de la nourriture, l’immobilité
forcée, affligèrent le maestro d’une atter-
rante constipation. Le major prescrivit,
laconique : « Lavement. »
*
* *
Lavement! Le même jour, la divine Fau-
vet dit à Limandin :
— Vous êtes trop exigeant, mon gendre. Non
seulement vous avez la paix, mais vous voudriez
encore la tranquillité !
Dessin de Léo I.echevàllier.
— Dis donc, fallait la guerre, pour qu’on fasse salon, nous autres. Dessin de G. P avis.