Le Congrès de la paix réunit dans la Ville-Lumière des
douzaines d’ambassadeurs, des centaines d’attachés, des milliers
de secrétaires... Il faut beaucoup de monde pour faire la paix,
mais il en a fallu bien plus encore pour faire la guerre!...
J’ai rencontré la blonde Gaby qui m’a demandé :
— Est-ce que tu crois qu’ils marchent?
— Qui ça, « ils » ?
— Les types du Congrès de la paix.
— Pour quoi veux-tu qu’ils marchent ? Pour la rive gauche du
Rhin ?
— T’es bête ! Je te demande s’ils veulent des poules...
— Ah ! ça, j’ignore...
— C’est qu3, tu comprends, les Américains commencent à
s’en aller. Les Anglais sont partis ou à peu près... Les Belges,
c’est fini.
— Je comprends; nous entrons dans l’ère des vaches maigres!
— Hélas!... Mais nous sommes quelques-unes qui comptons
sur le Congrès. Tu comprends, les diplomates...
— Oui, ils ont la réputation de ne pas être sérieux.
— Tu n’as pas de tuyaux?
— Aucun... D’ailleurs, ma pauvre enfant, personne n’a de
tuyaux sur le Congrès : Anastasie garde tout pour elle...
— Anastasie? Tu la connais? Elle est bien?...
Je ne sais pas du tout ce que donnera le Congrès au point de
vue qui intéresse MUo Gaby.
Sera-t-il sévère ou frivole ?
Suivra-t-il la tradition des diplomates du répertoire, ceux qui
faisaient de la diplomatie secrète? Ou bien se piquera-t-il d’une
vertu très démocratique, sous prétexte qu’il a rompu avec les
traditions de M. de Talleyrand?
Je l’ignore complètement... Mais nous ne tarderons pas à être
renseignés, sans avoir besoin pour cela d’aller demander des
renseignements dans l’ancien palais de feu Dufayel.
* * * En revanche, nous ne saurons probablement jamais ce
que sont devenus tant de trains partis de Paris pour Metz, Bor-
deaux ou Clermont-Ferrand.
Jusqu’à présent, les Compagnies et l’Etat se contentaient
d’égarer des wagons-réservoirs et des plates-formes à marchan-
dises.
Maintenant, ce son., les trains de voyageurs qui disparaissent,
tels ces omnibus Panthéon-Courcelles qui, si nous en croyons
Alphonse Allais, partaient bien du Panthéon, mais se perdaient
ON A PUBLIÉ LA LISTE DES (( POINTS DE CHUTE »
l ini'Ormé. Moi qui m étais fait une spécialité de les annoncer dans
les salons, je ne suis pas fâché de pouvoir enfin les connaître.
SOUVENIRS d’hier ET d’aVANT-HIeR
— La Seine dans la cave !
— Heureusement qu’on n’attend plus de gothas.
Dessins de L. Metivet.
inévitablement dans le néant, puisque la place de Courcelles
n’existe pas...
Il y a des trains de voyageurs qui partent et qui n’arrivent
jamais, ou si peu...
Quel est ce mystère?
Naguère, les trains « prenaient » simplement six, dix, quinze,
vingt-quatre heures de retard!... Cela pouvait s’admettre. Main-
tenant, c’est l’inconnu. On ne sait plus... Les réseaux sont
encombrés de trains errants, de trains fantômes qui, pareils au
mystérieux navire d’Edgar Poë, restent probablement en route
pendant des années et des années.
On lira, dans quelque temps, ce fait-divers :
Un train en retard.
« L’autre matin, à Noiraud-les-Trompes, un train inattendu est
entré en gare...
« La locomotive était d’un modèle ancien ; le mécanicien et
son chauffeur paraissaient très âgés. Quant aux voyageurs, ils
portaient tous de longues chevelures et des barbes blanches. Les
voyageuses, vêtues a la mode de 1918, avaient toutes l’aspect
d'aïeules vénérables
«Le conducteur du train,— un vieillard à la voix chevrotante,
— expliqua au chef de gare :
„ — Nous sommes partis en 1919 de Paris pourallerà Caen...
Mais nous avons pris un peu de retard : quarante-cinq ans, je
crois.
« Un contrôleur passa dans les compartiments pour vérifier-
les billets. Il interpella en ces termes un monsieur vêtu d’un
complet évidemment trop petit pour lui :
„ — Mais, monsieur, vous voyagez avec un billet à demi-
place... Pourquoi?
« — Quand le train a quitté Paris, je n’avais pas encore sept
ans... Maintenant j’en ai cinquante-deux. Mais, en 1919, j’avais,
droit à une réduction de 50 0/0!
« Ces explications n’ont pas satisfait le contrôleur qui, se
montrant sans pitié, dressa contravention. »
Je dédie cette petite histoire à M. Claveille qui répond,-
paraît-il, aux victimes de ces retards incroyables :
— Qu’esi-ce que vous voulez que cela me tasse?... Moi, je
douzaines d’ambassadeurs, des centaines d’attachés, des milliers
de secrétaires... Il faut beaucoup de monde pour faire la paix,
mais il en a fallu bien plus encore pour faire la guerre!...
J’ai rencontré la blonde Gaby qui m’a demandé :
— Est-ce que tu crois qu’ils marchent?
— Qui ça, « ils » ?
— Les types du Congrès de la paix.
— Pour quoi veux-tu qu’ils marchent ? Pour la rive gauche du
Rhin ?
— T’es bête ! Je te demande s’ils veulent des poules...
— Ah ! ça, j’ignore...
— C’est qu3, tu comprends, les Américains commencent à
s’en aller. Les Anglais sont partis ou à peu près... Les Belges,
c’est fini.
— Je comprends; nous entrons dans l’ère des vaches maigres!
— Hélas!... Mais nous sommes quelques-unes qui comptons
sur le Congrès. Tu comprends, les diplomates...
— Oui, ils ont la réputation de ne pas être sérieux.
— Tu n’as pas de tuyaux?
— Aucun... D’ailleurs, ma pauvre enfant, personne n’a de
tuyaux sur le Congrès : Anastasie garde tout pour elle...
— Anastasie? Tu la connais? Elle est bien?...
Je ne sais pas du tout ce que donnera le Congrès au point de
vue qui intéresse MUo Gaby.
Sera-t-il sévère ou frivole ?
Suivra-t-il la tradition des diplomates du répertoire, ceux qui
faisaient de la diplomatie secrète? Ou bien se piquera-t-il d’une
vertu très démocratique, sous prétexte qu’il a rompu avec les
traditions de M. de Talleyrand?
Je l’ignore complètement... Mais nous ne tarderons pas à être
renseignés, sans avoir besoin pour cela d’aller demander des
renseignements dans l’ancien palais de feu Dufayel.
* * * En revanche, nous ne saurons probablement jamais ce
que sont devenus tant de trains partis de Paris pour Metz, Bor-
deaux ou Clermont-Ferrand.
Jusqu’à présent, les Compagnies et l’Etat se contentaient
d’égarer des wagons-réservoirs et des plates-formes à marchan-
dises.
Maintenant, ce son., les trains de voyageurs qui disparaissent,
tels ces omnibus Panthéon-Courcelles qui, si nous en croyons
Alphonse Allais, partaient bien du Panthéon, mais se perdaient
ON A PUBLIÉ LA LISTE DES (( POINTS DE CHUTE »
l ini'Ormé. Moi qui m étais fait une spécialité de les annoncer dans
les salons, je ne suis pas fâché de pouvoir enfin les connaître.
SOUVENIRS d’hier ET d’aVANT-HIeR
— La Seine dans la cave !
— Heureusement qu’on n’attend plus de gothas.
Dessins de L. Metivet.
inévitablement dans le néant, puisque la place de Courcelles
n’existe pas...
Il y a des trains de voyageurs qui partent et qui n’arrivent
jamais, ou si peu...
Quel est ce mystère?
Naguère, les trains « prenaient » simplement six, dix, quinze,
vingt-quatre heures de retard!... Cela pouvait s’admettre. Main-
tenant, c’est l’inconnu. On ne sait plus... Les réseaux sont
encombrés de trains errants, de trains fantômes qui, pareils au
mystérieux navire d’Edgar Poë, restent probablement en route
pendant des années et des années.
On lira, dans quelque temps, ce fait-divers :
Un train en retard.
« L’autre matin, à Noiraud-les-Trompes, un train inattendu est
entré en gare...
« La locomotive était d’un modèle ancien ; le mécanicien et
son chauffeur paraissaient très âgés. Quant aux voyageurs, ils
portaient tous de longues chevelures et des barbes blanches. Les
voyageuses, vêtues a la mode de 1918, avaient toutes l’aspect
d'aïeules vénérables
«Le conducteur du train,— un vieillard à la voix chevrotante,
— expliqua au chef de gare :
„ — Nous sommes partis en 1919 de Paris pourallerà Caen...
Mais nous avons pris un peu de retard : quarante-cinq ans, je
crois.
« Un contrôleur passa dans les compartiments pour vérifier-
les billets. Il interpella en ces termes un monsieur vêtu d’un
complet évidemment trop petit pour lui :
„ — Mais, monsieur, vous voyagez avec un billet à demi-
place... Pourquoi?
« — Quand le train a quitté Paris, je n’avais pas encore sept
ans... Maintenant j’en ai cinquante-deux. Mais, en 1919, j’avais,
droit à une réduction de 50 0/0!
« Ces explications n’ont pas satisfait le contrôleur qui, se
montrant sans pitié, dressa contravention. »
Je dédie cette petite histoire à M. Claveille qui répond,-
paraît-il, aux victimes de ces retards incroyables :
— Qu’esi-ce que vous voulez que cela me tasse?... Moi, je