LES SIÈGES DE LA CONFÉRENCE
— Y en a de toutes les grandeurs...
. — Parce que vous n’avez pas l’œil diplomatique; si vous aviez l’œil diplomatique, vous verriez qu’ils sont tous pareils.
LE RIRE DE LA SEMAINE
La guerre est à peine finie qu’on annonce la reprise des
matcbes de boxe.
Evidemment, nous ne saurions vivre sans échanger des coups,
tout au moins sans voir des gens qui en échangent.
Que de fois, depuis août 1914, nous avons répété en levant les
yeux au ciel :
— Ah! quand reviendra-t-elle cette douce paix pendant
laquelle les hommes savourent le vrai bonheur, celui qui con-
siste à n’avoir que de tendres plaisirs, à cultiver l’amitié, à
pêcher à la ligne, à jouer de l’ocarina?... Quand finira ce ter-
rible match?
Eh bien, la paix n’est pas encore signée qu’il est question
d’organiser des pugilats publics et payants. Il paraît que cela
nous manquait terriblement... Pendant quatre ans et plus, les
hommes se sont battus avec les armes les plus perfectionnées,
d’autres—à moins que ce ne soient les mêmes — vont se
battre avec leurs poings... 11 faut bien varier ses distractions !
En même temps, on organise fébrilement des championnats
d’épée et de sabre, armes un peu périmées après cette guerre
scientifique.
L’escrime est un sport charmant, mais qui date.
Combien d’officiers ont eu l’occasion de se servir de leur
épée? Combien de sabreurs ont pu sabrer? La seule arme
blanche qui n’ait pas fait faillite pendant la guerre, c’est la
baïonnette.
J’oublie, il est vrai, le couteau de tranchée.
J’aurais mieux compris des tournois à la mitrailleuse, au
canon de 75, voire à l’obusier de 520...
Mais les escrimeurs vous diront :
— Ne plaisantez pas : il va y avoir des duels, beaucoup de
duels... On ferraillera énormément, cette année, au Parc des
Princes et à la Grande Roue.
Comment, nous allons revoir ces combats vraiment singuliers
où, ap nès avoir été piqué dans son amour-propre, on risquait
encore d’être pique à l’avant-bras?
Non, non, ce petit jeu est devenu rococo...
Il nous faut des rencontres à la grenade, avec tranchées pour
les combattants etcagnas pour les témoins. Je serais même par-
tisan du blocus... Un des partis s’efforcerait découper les vivres
à l’autre et c’est la famine qui terminerait ces duels d’usure.
— Allons déjeuner ! diraient vainqueur et vaincu...
Et en cela la tradition des duels d'avant 1914 ne serait pas
tout à fait perdue...
* * * Les mobilisés se plaignent de ne pas être démobilisés
et les démobilisés se plaignent d’ètre immobilises dans les
gares où passent les trains qui doivent les ramener dans leurs
foyers.
Un brave à sept brisques me disait l’autre jour :
— J’ai mis sept jours à rentrer chez moi, un par brisque !
Evidemment, ce n’est pas drôle et j’ai plaint ce pauvre poilu.
Après quoi, je lui ai dit :
— Je connais un démobilisé qui est resté plus longtemps en
route.
— Ah!... Huit jours?
— Plus que ça.
— Dix jours...
— Non, mon vieux, dix ans!...
—- Tu m’envoies des bobards, tu abîmes le pot de fleurs.
— Pas du tout... Il s’agit d’un nommé Ulysse qui avait fait la
guerre à Troie.
— Dans l’Aube? Tu parles d’un embusqué...
— Non, non, à Troie, près des Dardanelles.
— Ah! oui, l’armée d’Orient T 11 était avec Franchet d’Es-
pérey ?
— Non; son général s’appelait Agamemnon.
— J’ai jamais entendu parler de ce général-là !
— Bref, quand il a été démobilisé, Ulysse a mis dix ans à
rentrer chez lui... Il ratait chaque fois la correspondance! Pen-
dant ce temps-là, sa femme, une nommée Pénélope, se défen-
dait comme elle pouvait, contre un tas d’embusqués. Et pour
comble de malheur, quand Ulysse se présenta dans ses foyers,
personne ne le reconnut. Tout le monde l’avait oublié... Seul,
son chien Argos lui fit bon accueil.
— Il y en a plus d’un qui ne sera pas mieux reçu ! Mais dis-
moi, vieux frère, cet Ulysse a eu tout le temps d'user en route
le complet à 52 francs de M. Abramil...
L’histoire du plus célèbre et du plus malheureux des démobi-
lisés aurait pu faire l’objet d’une interpellation du citoyen
I
— Y en a de toutes les grandeurs...
. — Parce que vous n’avez pas l’œil diplomatique; si vous aviez l’œil diplomatique, vous verriez qu’ils sont tous pareils.
LE RIRE DE LA SEMAINE
La guerre est à peine finie qu’on annonce la reprise des
matcbes de boxe.
Evidemment, nous ne saurions vivre sans échanger des coups,
tout au moins sans voir des gens qui en échangent.
Que de fois, depuis août 1914, nous avons répété en levant les
yeux au ciel :
— Ah! quand reviendra-t-elle cette douce paix pendant
laquelle les hommes savourent le vrai bonheur, celui qui con-
siste à n’avoir que de tendres plaisirs, à cultiver l’amitié, à
pêcher à la ligne, à jouer de l’ocarina?... Quand finira ce ter-
rible match?
Eh bien, la paix n’est pas encore signée qu’il est question
d’organiser des pugilats publics et payants. Il paraît que cela
nous manquait terriblement... Pendant quatre ans et plus, les
hommes se sont battus avec les armes les plus perfectionnées,
d’autres—à moins que ce ne soient les mêmes — vont se
battre avec leurs poings... 11 faut bien varier ses distractions !
En même temps, on organise fébrilement des championnats
d’épée et de sabre, armes un peu périmées après cette guerre
scientifique.
L’escrime est un sport charmant, mais qui date.
Combien d’officiers ont eu l’occasion de se servir de leur
épée? Combien de sabreurs ont pu sabrer? La seule arme
blanche qui n’ait pas fait faillite pendant la guerre, c’est la
baïonnette.
J’oublie, il est vrai, le couteau de tranchée.
J’aurais mieux compris des tournois à la mitrailleuse, au
canon de 75, voire à l’obusier de 520...
Mais les escrimeurs vous diront :
— Ne plaisantez pas : il va y avoir des duels, beaucoup de
duels... On ferraillera énormément, cette année, au Parc des
Princes et à la Grande Roue.
Comment, nous allons revoir ces combats vraiment singuliers
où, ap nès avoir été piqué dans son amour-propre, on risquait
encore d’être pique à l’avant-bras?
Non, non, ce petit jeu est devenu rococo...
Il nous faut des rencontres à la grenade, avec tranchées pour
les combattants etcagnas pour les témoins. Je serais même par-
tisan du blocus... Un des partis s’efforcerait découper les vivres
à l’autre et c’est la famine qui terminerait ces duels d’usure.
— Allons déjeuner ! diraient vainqueur et vaincu...
Et en cela la tradition des duels d'avant 1914 ne serait pas
tout à fait perdue...
* * * Les mobilisés se plaignent de ne pas être démobilisés
et les démobilisés se plaignent d’ètre immobilises dans les
gares où passent les trains qui doivent les ramener dans leurs
foyers.
Un brave à sept brisques me disait l’autre jour :
— J’ai mis sept jours à rentrer chez moi, un par brisque !
Evidemment, ce n’est pas drôle et j’ai plaint ce pauvre poilu.
Après quoi, je lui ai dit :
— Je connais un démobilisé qui est resté plus longtemps en
route.
— Ah!... Huit jours?
— Plus que ça.
— Dix jours...
— Non, mon vieux, dix ans!...
—- Tu m’envoies des bobards, tu abîmes le pot de fleurs.
— Pas du tout... Il s’agit d’un nommé Ulysse qui avait fait la
guerre à Troie.
— Dans l’Aube? Tu parles d’un embusqué...
— Non, non, à Troie, près des Dardanelles.
— Ah! oui, l’armée d’Orient T 11 était avec Franchet d’Es-
pérey ?
— Non; son général s’appelait Agamemnon.
— J’ai jamais entendu parler de ce général-là !
— Bref, quand il a été démobilisé, Ulysse a mis dix ans à
rentrer chez lui... Il ratait chaque fois la correspondance! Pen-
dant ce temps-là, sa femme, une nommée Pénélope, se défen-
dait comme elle pouvait, contre un tas d’embusqués. Et pour
comble de malheur, quand Ulysse se présenta dans ses foyers,
personne ne le reconnut. Tout le monde l’avait oublié... Seul,
son chien Argos lui fit bon accueil.
— Il y en a plus d’un qui ne sera pas mieux reçu ! Mais dis-
moi, vieux frère, cet Ulysse a eu tout le temps d'user en route
le complet à 52 francs de M. Abramil...
L’histoire du plus célèbre et du plus malheureux des démobi-
lisés aurait pu faire l’objet d’une interpellation du citoyen
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