APRES-GUERRE
— Tu ne vas pas me faire une scène pour une heure de retard, tu
as bien été absen pendant quatre an» et je n’ai rien dit.
Dessin de Raymond Pallier.
boutique verte, et tu vas te gargariser avec du pinard comme
t’en as jamais seulement renifle. Mais, en attendant, on peut
toujours faire la pause chez l’bistro qu’est là, histoire de se-4'aire
le gosier.
(Ils entrent chez un marchand de vin. Absorptions copieuses
et prolongées, puis sertie terriblement zigzaguante.)
premier poilu, blindé comme un tank. — L’était pas mauvais
son pinard. Un peu jeunot, mais ça vous tient l’gésier tout de
même. Seul’ment, mon ,colon, quéqu’tu diras d’çui qu’on va s’en-
foncer, çui du bistro vert?
deuxième poilu, encore plus complètement enlevé aux contin-
gences du réel. — Oui, mais l’bistro vert, la boutique verte, l'est
pas dans l’bon secteur... J’en ai mare de cavaler après.
premier poilu. — T’en fais pas, Joseph. La v’ià. Zieute un peu
si c'est pas comme j t’ai causé: une boutique qu’est verte et puis
conséquente avec des lettres blanches sur le dessus. Allez,
entre-moi dans la boite et tu me diras après si j’suis pas un
copain.
(Ils entrent dans un bureau de poste, aperçoivent deux chai-
ses vides près de la table de la téléphoniste et s'effondrent
dessus.)
premier poilu, commandant. — Une de rouge à vingt-cinq
ronds.
* (Silence de stupeur autour d'eux.)
deuxième poilu. — Sont longs à servir tout d’même. (Aperce-
vant dans une brume épaisse les employées derrière les guichets
grillagés.) Pourtant pas .les bonnes qui manquent. Qu’est-ce
qu’elles foutent-là-à nous regarder? q
A l’auberge DU « SOLEIL u’OR »
— Je viens de 'faire un rêve épatant !...
_?...
— Je te t rompais et tu trouvais cela tout naturel !
Dessin de II. Armengol.
— Probab’ qu’il aura ’té incommodé par l’odeur pour qu'il les mette
dehors. Dessin de G. IIautot.
premier poilu. — Tu vois bien qu’ell’s sont dans les casiers à
bouteilles. Y en a-t-i ! mon pote, de ces casiers, y en a-t-’i!
Mais t’as raison de rouspéter. (Au surveillant du bureau qui
commence à s'émouvoir :) Eh là! papa, pourquoi qu’on nous
sert pas?
le surveillant. — Vous savez bien qu’on ne vous donnera pas
à boire ici.
premier poilu, avec l'accent résigné de l’homme habitué q
toutes les déceptions. — Faut l’dire, donc, que vous êtes consi-
gné à la troupe. (Philosophiquement, au deuxième poilu :) Ben
quoi? On r’viendra à la prochaine perm.
(Ils sortent dans un mouvement de toupie abandonnée à ses
dernières oscillations.)
Louis Sonolet.
— Tu ne vas pas me faire une scène pour une heure de retard, tu
as bien été absen pendant quatre an» et je n’ai rien dit.
Dessin de Raymond Pallier.
boutique verte, et tu vas te gargariser avec du pinard comme
t’en as jamais seulement renifle. Mais, en attendant, on peut
toujours faire la pause chez l’bistro qu’est là, histoire de se-4'aire
le gosier.
(Ils entrent chez un marchand de vin. Absorptions copieuses
et prolongées, puis sertie terriblement zigzaguante.)
premier poilu, blindé comme un tank. — L’était pas mauvais
son pinard. Un peu jeunot, mais ça vous tient l’gésier tout de
même. Seul’ment, mon ,colon, quéqu’tu diras d’çui qu’on va s’en-
foncer, çui du bistro vert?
deuxième poilu, encore plus complètement enlevé aux contin-
gences du réel. — Oui, mais l’bistro vert, la boutique verte, l'est
pas dans l’bon secteur... J’en ai mare de cavaler après.
premier poilu. — T’en fais pas, Joseph. La v’ià. Zieute un peu
si c'est pas comme j t’ai causé: une boutique qu’est verte et puis
conséquente avec des lettres blanches sur le dessus. Allez,
entre-moi dans la boite et tu me diras après si j’suis pas un
copain.
(Ils entrent dans un bureau de poste, aperçoivent deux chai-
ses vides près de la table de la téléphoniste et s'effondrent
dessus.)
premier poilu, commandant. — Une de rouge à vingt-cinq
ronds.
* (Silence de stupeur autour d'eux.)
deuxième poilu. — Sont longs à servir tout d’même. (Aperce-
vant dans une brume épaisse les employées derrière les guichets
grillagés.) Pourtant pas .les bonnes qui manquent. Qu’est-ce
qu’elles foutent-là-à nous regarder? q
A l’auberge DU « SOLEIL u’OR »
— Je viens de 'faire un rêve épatant !...
_?...
— Je te t rompais et tu trouvais cela tout naturel !
Dessin de II. Armengol.
— Probab’ qu’il aura ’té incommodé par l’odeur pour qu'il les mette
dehors. Dessin de G. IIautot.
premier poilu. — Tu vois bien qu’ell’s sont dans les casiers à
bouteilles. Y en a-t-i ! mon pote, de ces casiers, y en a-t-’i!
Mais t’as raison de rouspéter. (Au surveillant du bureau qui
commence à s'émouvoir :) Eh là! papa, pourquoi qu’on nous
sert pas?
le surveillant. — Vous savez bien qu’on ne vous donnera pas
à boire ici.
premier poilu, avec l'accent résigné de l’homme habitué q
toutes les déceptions. — Faut l’dire, donc, que vous êtes consi-
gné à la troupe. (Philosophiquement, au deuxième poilu :) Ben
quoi? On r’viendra à la prochaine perm.
(Ils sortent dans un mouvement de toupie abandonnée à ses
dernières oscillations.)
Louis Sonolet.