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Le rire: journal humoristique — 25.1919

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https://doi.org/10.11588/diglit.28149#0102
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L A K RO B US

LES SPÉCULATEURS

— Décidément, pour être tranquille, il faudra
passer sa vie à mettre du vin en bouteilles !

Dessin de M. Nardeau.

que vous m’avez quelquefois entendu ron-
fler?

Justine affirma avec feu n’avoir jamais
rien entendu de tel. Mais que vaut le
témoignage d’une domestique qui se laisse
glisser des louis dans la poche? De plus
en plus troublé, Hector rentra chez lui.
Il commençait à trouver insoutenable
d’ignorer une chose qui lui était si person-
nelle. 11 ne prit même pas le temps de
poser son chapeau et alla droit à l’office.

— Louis, demanda-t-il à brûle-pour-
point à son valet de chambre, est-ce que je
ronfle ?

— Si Monsieur... ? Je ne m’en suis jamais
aperçu, monsieur.

— C est bien. Cette nuit, tu t’assoiras
.sur un fauteuil dans ma chambre, et tu
m’écouteras dormir. Je veux être fixé, à
la fin !

Le lendemain, quand il se réveilla, quel-
qu un ronflait dans la chambre, mais c’était

Louis sur son fauteuil ! Hector commen-
çait à douter de jamais connaître la vérité
sur ce point, quand une idée lui vint .sou-
dain. Puisque le témoignage des hommes
ne suffisait pas, il aurait recours a celui
d’une machine. 11 mettrait en marche,
avant d'aller au lit, un phonographe pourvu
d'un disque de cire vierge, et l’appareil
enregistrerait tous les bruits de la nuit.
Ainsi Hector saurait. .

Une difficulté pourtant lui apparut : un
disque est vite gravé, et parfois on ne
s’endort pas profondément sitôt couché.
Mais Hector se connaissait des sommeils
brusques, épais et courts : quand, par un
bel après-midi, après quelques prouesses
galantes, dans les bras de MUe Lily Gra-
fouille, il se reposait sur ses lauriers.

Là était la solution. La complicité, faci-
lement acquise, de Justine, plaça le pho-
nographe dans le cabinet de toilette. Hector
fut heureux, heureux encore, et plus heu-
reux. Levé un instant, il vint mettre l’ap-
pareil en mouvement, et, recouché, ne
tarda pas deux minutes à s’anéantir dans
un bon sommeil.

Rentré chez lui, épanoui, il ouvrit la
boîte et posa l’aiguille sur le disque avec
un peu d’émotion. 11 entendit d'abord quel-
ques grincements qui étaient-la façon dont
l’imparfaite machine rendait ie silence...
puis un bruit de petits pas... puis le bruit
glougloutant et divers d’une eau glissant
dans la faïence (et Hector sourit;... puis le
bruit d’une voix (et l’amoureux Hector re-
connut la voix de sa bien-aimée), mais
avec des indexions brutales et un peu ca-
nailles qui ne provenaient cependant pas
de la machine, si imparfaite qu'elle fût.

LA PAILLE ET LA POUTRE

— La dégradation commerciale, voyons, pou-
lette, qu’est-ce que tu veux que ça me fasse
maintenant que je suis- rentier !

Dessin de Em. Jodelet.

Et la voix disait :

— Justine, faites chauffer de l’eau... S’il
ne trouvait pas de l’eau chaude quand il
se lèvera, il gueulerait!... Ah! la la, ma
pauvre Justine, quel métier! Il faut bien
que ce soit pour l’argent qu’il me donne
que je reste avec un pareil outil!... Si je
n'avais pas mon petit Robert pour me dé-
dommager!...

Hector, accablé, regardait le phonogra-
phe.Et le phonographe, imperturbable, con-
tinuait. mais sur an ton, cette fois, langou-
reux :

— Ah! tu te réveilles, mon chéri... Bon-
jour, mon coco aimé... Qui c’est qui aime
son petit Totor? C’est Lily...

C’était plus de révélations qu’Hector n'en
attendait. Mais il avait, du moins, pour se
consoler, ia certitude qu’il ne ronflait pas.

André Birabeau

IP?*;

— Fi ! le vilain lâche qui a battu son petit frère plus faible que lui !!!

Dessin du H. Gazais.
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