CERCLE VICIEUX
LOGIQUE
LES TOURISTES SUR LE FRONT
— Du charbon? Y en a des trains entiers, mais on peut pas l’expé-
dier... : les locomotives manquent de combustible.
Dessin de Hervé Baille.
Ouvre tes oreilles, ma chère ! Je vais quérir la chose la plus
utile, la plus précieuse, la plus rare !...
luce, dans un élan. — Une bonne ?...
maud. — Tu l’as dit !
luce, jalouse. — Veinarde, va! Et moi qui suis toujours sans
personne ! Mais comment as-tu pu ?...
maud. — Ah voilà! Cet été, une de mes amies est allée aux
« Grandes Falaises », un petit trou perdu près de... voyons...
près de...
la dame au chapeau vert, qui
éeoute amusée. — Près de Fé-
camp, je crois.
maud, dans un sourire.— Oui,
c’est cela. Alors, là, elle m’a
déniché une boniche : la nièce
de la cousine de... Bref, une
petite qui voulait se placer à
Paris. J’ai envoyé l’argent du
voyage, et elle débarque !
luce, avec envie. — Mes com-
pliments! Mais comment vas-tu
la reconnaître à la gare?
maud. — Facile comme bon-
jour : une petite blonde, man-
teau bleu, chapeau blanc avec
une grosse pivoine, journal dans
la main droite, valise dans la
gauche, voilà! {Tirant sa mon-
tre.) Pourvu que j’arrive à
l’heure ! Le train est à 18,
14 h. 18, je crois. Je n’ai pas pu
bien lire : ces filles écrivent si
mal !
la dame au chapeau vert, ré-
fléchissant. — Le train de Fé-
camp ? Oh ! non, madame. Ne
vous pressez pas, il n’arrive
qu’à 48.
— C’est sans doute la fameuse « maison du passeur » ?
Dessin de Jack.
• 'WC
— Qu’est-ce qu’il y a encore? On t’a donné un beau chemin de fer et
tu peux seulement pas t’amuser avec...
— C’est pas un vrai, parce que voilà une heure que je le fais marcher
et il y a pas encore eu d’accident. Dessin de J.-J. Roussau.
maud. — Vous en êtes bien sûre?
la dame au chapeau vert, pleine d’assurance. — Je l’ai pris
avant-hier.
luce. — Alors, écoute ; tu ne vas pas faire le planton comme
cela, une demi-heure dans la gare. Viens avec moi jusqu’au
coin de la rue Caumartin, je veux te montrer un modèle de
robe.
maud, avec terreur. — Oh! non! Vois-tu que je rate ma bonne!
Elle ne connaît pas Paris!
luce. — Mais puisque madame t’affirme...
LA DAME AU CHAPEAU VERT. —
Oui, oui, soyez tranquille : c’est
à 48.
luce. — Tu vois ! (Ne le-
vant.) Saint-Lazare! (Entraî-
nant Maud.) Allons, viens ! Tu
vas voir un amour de robe
qui...
{Le Métro se vide; Luce, Maud,
la dame au chapeau vert, etc.,
se perdent dans la foule.)
ACTE II
La gare Saint-Lazare. A l’hor-
loge, 14 h.40. Légère, joyeuse,
Maud, souriante, gravit le
grand escalier. La voici sur
le quai ; elle attrape un em-
ployé au vol.
maud. — Sur quelle voie le
train de Fécamp?
l’employé, sans s'arrêter. —
L’ train d’Fécamp ?
maud, trottinant à ses côtés.
— Oui, le train qui arrive à 48?
l’employé, marchant tou-
jours. — 48 ? Y en a pas! C’est
à 18.
LOGIQUE
LES TOURISTES SUR LE FRONT
— Du charbon? Y en a des trains entiers, mais on peut pas l’expé-
dier... : les locomotives manquent de combustible.
Dessin de Hervé Baille.
Ouvre tes oreilles, ma chère ! Je vais quérir la chose la plus
utile, la plus précieuse, la plus rare !...
luce, dans un élan. — Une bonne ?...
maud. — Tu l’as dit !
luce, jalouse. — Veinarde, va! Et moi qui suis toujours sans
personne ! Mais comment as-tu pu ?...
maud. — Ah voilà! Cet été, une de mes amies est allée aux
« Grandes Falaises », un petit trou perdu près de... voyons...
près de...
la dame au chapeau vert, qui
éeoute amusée. — Près de Fé-
camp, je crois.
maud, dans un sourire.— Oui,
c’est cela. Alors, là, elle m’a
déniché une boniche : la nièce
de la cousine de... Bref, une
petite qui voulait se placer à
Paris. J’ai envoyé l’argent du
voyage, et elle débarque !
luce, avec envie. — Mes com-
pliments! Mais comment vas-tu
la reconnaître à la gare?
maud. — Facile comme bon-
jour : une petite blonde, man-
teau bleu, chapeau blanc avec
une grosse pivoine, journal dans
la main droite, valise dans la
gauche, voilà! {Tirant sa mon-
tre.) Pourvu que j’arrive à
l’heure ! Le train est à 18,
14 h. 18, je crois. Je n’ai pas pu
bien lire : ces filles écrivent si
mal !
la dame au chapeau vert, ré-
fléchissant. — Le train de Fé-
camp ? Oh ! non, madame. Ne
vous pressez pas, il n’arrive
qu’à 48.
— C’est sans doute la fameuse « maison du passeur » ?
Dessin de Jack.
• 'WC
— Qu’est-ce qu’il y a encore? On t’a donné un beau chemin de fer et
tu peux seulement pas t’amuser avec...
— C’est pas un vrai, parce que voilà une heure que je le fais marcher
et il y a pas encore eu d’accident. Dessin de J.-J. Roussau.
maud. — Vous en êtes bien sûre?
la dame au chapeau vert, pleine d’assurance. — Je l’ai pris
avant-hier.
luce. — Alors, écoute ; tu ne vas pas faire le planton comme
cela, une demi-heure dans la gare. Viens avec moi jusqu’au
coin de la rue Caumartin, je veux te montrer un modèle de
robe.
maud, avec terreur. — Oh! non! Vois-tu que je rate ma bonne!
Elle ne connaît pas Paris!
luce. — Mais puisque madame t’affirme...
LA DAME AU CHAPEAU VERT. —
Oui, oui, soyez tranquille : c’est
à 48.
luce. — Tu vois ! (Ne le-
vant.) Saint-Lazare! (Entraî-
nant Maud.) Allons, viens ! Tu
vas voir un amour de robe
qui...
{Le Métro se vide; Luce, Maud,
la dame au chapeau vert, etc.,
se perdent dans la foule.)
ACTE II
La gare Saint-Lazare. A l’hor-
loge, 14 h.40. Légère, joyeuse,
Maud, souriante, gravit le
grand escalier. La voici sur
le quai ; elle attrape un em-
ployé au vol.
maud. — Sur quelle voie le
train de Fécamp?
l’employé, sans s'arrêter. —
L’ train d’Fécamp ?
maud, trottinant à ses côtés.
— Oui, le train qui arrive à 48?
l’employé, marchant tou-
jours. — 48 ? Y en a pas! C’est
à 18.