LE BAHUT DU PALAIS-BOURBON
— Y en a-t-il ! y en a-t-il! Des neufs et des usagés, sans compter ceux qui sont cassés...
LE RIRE DE LA SEMAINE
Par ordre du gouvernement, le préfet de police avait dit aux
managers des dancings (parlons français) :
— A partir de demain soir, on ne dansera plus à Paris!
Celui qui mit un frein à la fureur des plots
Sait aussi des danseurs arrêter les tangos !
M. Raux grogne d’un air rogue :
— Vous consommez trop d’électricité et le charbon manque.
Les dancings sont des établissements frivoles dont la fermeture
nous vaudra une économie de combustibles en même temps que
les éloges des moralistes!
Est-ce bien certain ?
Les moralistes interviendront peut-être dans le débat en
disant :
— Evidemment, les dancings ne sont pas les plus sûrs refuges
de la vertu... Mais ils ne sont pas plus mal fréquentés que les
promenoirs des music-halls. Alors, pourquoi ne fermez-vous pas
les music-halls? Mieux vaut danser le tango, le fox-trot ou la
très-moutarde que de boire de l’alcool au café. Pourquoi ne
fermez-vous pas les cafés?
Les maisons où l’on danse sont, à coup sûr, moins pernicieuses
que les maisons où l'on passe. Certains établissements, dont la
façade est obscure, sont, à l’intérieur, éclairés d’une façon aveu-
glante : le salon, par exemple, est étincelant de lumières... Et
comme si cela ne suffisait pas, ehaque visiteur est tenu d’éclairer
aussi, personnellement. Est-ce parce que ces maisons sont déjà
closes que vous ne songez pas à les fermer?
Il est bien certain que les dancings sont les victimes d’une
odieuse injustice et si nous avions un nouveau Paul-Louis
Courier, il trouverait dans l’ukase du préfet de police un
excellent sujet de pamphlet. Sous la Restauration, le gouverne-
ment empêchait les paysans de danser: sous la République,
c’est le tour des citadins.
Et, pendant ce temps-là, on danse en Allemagne!
Berlin est un immense dancing...
Les vaincus rigolent et les vainqueurs n’ont pas le droit de
s’amuser : c’est admirable!
Ce n’est pas en supprimant quelques ampoules, que M. Raux
nous procurera du charbon... Des ampoules, bien au contraire,
il n’y en a pas assez! Car c’est parce que plus personne ne veut
travailler, que nous finirons par manquer de tout.
Quoi qu’il en soit, je trouve idiot que la danse soit interdite
sous prétexte de crise du charbon. Il suffisait de décider que
chaque « cavalier » et chaque « dame » assureraient l’éclairage
en apportant les bougies nécessaires ; tant de ces amateurs de
tango et de fox-trot ont l’habitude de brûler la chandelle par
les deux bouts !
Et puis, la danse, ça réchauffe!
Battre la semelle, c’est danser... M. Raux ne poussera cepen-
dant pas la tyrannie jusqu’à nous empêcher de battre la semelle
devant nos cheminées vides!
Le professeur Pinard vient d’être élu député. Son nom
le désignait aux suffrages des poilus... Pinard a autant contribué
à la victoire que Joft're, Foch ou Pétain.
Or, au lieu de s’occuper des questions viticoles, le professeur
Pinard ne songe qu’à la repopulation. Mais vous me direz. .
Ce nouveau représentant du peuple vient de dire aux femmes :
— Faites des enfants... C’est pour la France !
Si les femmes votaient, il est assez probable que ce brave
docteur ne siégerait pas actuellement au Palais-Bourbon.
Car les femmes n’aiment pas qu’on les invite à imiter
Mrae Gigogne. Elles répondent aux messieurs qui leur conseillent
de repeupler :
— On voit bien que c’est pas vous qui êtes chargés d’accoucher!
Il est vrai qu’à cela, le professeur Pinard pourrait répliquer :
— Pardon, je suis précisément médecin accoucheur!
Mais quel que soit le mal qu’il se donne, ce n’est tout de même
pas un mal d’enfant...
Pour ma part, je trouve qu’aucun homme n’a le droit de dire
à une femme, même à la sienne :
— Il faut que vous pondiez!...
De même, je trouvais odieux le monsieur réformé qui, pendant
la guerre, disait aux « bons pour le service » :
— Il faut aller au front!...
Le front, pour les femmes, c’est la maternité... Nous, mes-
sieurs, nous restons à l’arrière. En tout cas, si nous allons à
l’avant, ce n’est que pendant quelques minutes. Bientôt nous
nous replions en disant à notre compagne de combat : « J’ai
fait mon devoir... A toi de faire le tien! »
Le professeur Pinard ne se fait sans doute pas d’illusion sur
— Y en a-t-il ! y en a-t-il! Des neufs et des usagés, sans compter ceux qui sont cassés...
LE RIRE DE LA SEMAINE
Par ordre du gouvernement, le préfet de police avait dit aux
managers des dancings (parlons français) :
— A partir de demain soir, on ne dansera plus à Paris!
Celui qui mit un frein à la fureur des plots
Sait aussi des danseurs arrêter les tangos !
M. Raux grogne d’un air rogue :
— Vous consommez trop d’électricité et le charbon manque.
Les dancings sont des établissements frivoles dont la fermeture
nous vaudra une économie de combustibles en même temps que
les éloges des moralistes!
Est-ce bien certain ?
Les moralistes interviendront peut-être dans le débat en
disant :
— Evidemment, les dancings ne sont pas les plus sûrs refuges
de la vertu... Mais ils ne sont pas plus mal fréquentés que les
promenoirs des music-halls. Alors, pourquoi ne fermez-vous pas
les music-halls? Mieux vaut danser le tango, le fox-trot ou la
très-moutarde que de boire de l’alcool au café. Pourquoi ne
fermez-vous pas les cafés?
Les maisons où l’on danse sont, à coup sûr, moins pernicieuses
que les maisons où l'on passe. Certains établissements, dont la
façade est obscure, sont, à l’intérieur, éclairés d’une façon aveu-
glante : le salon, par exemple, est étincelant de lumières... Et
comme si cela ne suffisait pas, ehaque visiteur est tenu d’éclairer
aussi, personnellement. Est-ce parce que ces maisons sont déjà
closes que vous ne songez pas à les fermer?
Il est bien certain que les dancings sont les victimes d’une
odieuse injustice et si nous avions un nouveau Paul-Louis
Courier, il trouverait dans l’ukase du préfet de police un
excellent sujet de pamphlet. Sous la Restauration, le gouverne-
ment empêchait les paysans de danser: sous la République,
c’est le tour des citadins.
Et, pendant ce temps-là, on danse en Allemagne!
Berlin est un immense dancing...
Les vaincus rigolent et les vainqueurs n’ont pas le droit de
s’amuser : c’est admirable!
Ce n’est pas en supprimant quelques ampoules, que M. Raux
nous procurera du charbon... Des ampoules, bien au contraire,
il n’y en a pas assez! Car c’est parce que plus personne ne veut
travailler, que nous finirons par manquer de tout.
Quoi qu’il en soit, je trouve idiot que la danse soit interdite
sous prétexte de crise du charbon. Il suffisait de décider que
chaque « cavalier » et chaque « dame » assureraient l’éclairage
en apportant les bougies nécessaires ; tant de ces amateurs de
tango et de fox-trot ont l’habitude de brûler la chandelle par
les deux bouts !
Et puis, la danse, ça réchauffe!
Battre la semelle, c’est danser... M. Raux ne poussera cepen-
dant pas la tyrannie jusqu’à nous empêcher de battre la semelle
devant nos cheminées vides!
Le professeur Pinard vient d’être élu député. Son nom
le désignait aux suffrages des poilus... Pinard a autant contribué
à la victoire que Joft're, Foch ou Pétain.
Or, au lieu de s’occuper des questions viticoles, le professeur
Pinard ne songe qu’à la repopulation. Mais vous me direz. .
Ce nouveau représentant du peuple vient de dire aux femmes :
— Faites des enfants... C’est pour la France !
Si les femmes votaient, il est assez probable que ce brave
docteur ne siégerait pas actuellement au Palais-Bourbon.
Car les femmes n’aiment pas qu’on les invite à imiter
Mrae Gigogne. Elles répondent aux messieurs qui leur conseillent
de repeupler :
— On voit bien que c’est pas vous qui êtes chargés d’accoucher!
Il est vrai qu’à cela, le professeur Pinard pourrait répliquer :
— Pardon, je suis précisément médecin accoucheur!
Mais quel que soit le mal qu’il se donne, ce n’est tout de même
pas un mal d’enfant...
Pour ma part, je trouve qu’aucun homme n’a le droit de dire
à une femme, même à la sienne :
— Il faut que vous pondiez!...
De même, je trouvais odieux le monsieur réformé qui, pendant
la guerre, disait aux « bons pour le service » :
— Il faut aller au front!...
Le front, pour les femmes, c’est la maternité... Nous, mes-
sieurs, nous restons à l’arrière. En tout cas, si nous allons à
l’avant, ce n’est que pendant quelques minutes. Bientôt nous
nous replions en disant à notre compagne de combat : « J’ai
fait mon devoir... A toi de faire le tien! »
Le professeur Pinard ne se fait sans doute pas d’illusion sur