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https://doi.org/10.11588/diglit.28149#0876
LE TRAITÉ DE PAIX
— Qu’est-ce qu’ils ont donc à ne pas reconnaître leur écriture?...
LE RIRE DE LA SEMAINE
M. Clemenceau cherche des ministres pratiques, réalisateurs,
débrouillards.
Je vais lui en indiquer un : c’est mon ami Coquillon, le nou-
veau député d’Indre-et-Garonne.
Voilà un gaillard qui, bien certainement, nous tirera d’affaire.
J’ai rencontré Coquillon le 20 novembre, exactement, chez
Pousset.
— Vous êtes élu, lui dis-je; je vous félicite... Vous devez être
un homme heureux!
— Non, me répondit-il; en tout cas, ma joie est gâtée par de
graves préoccupations...
— Lesquelles ?
— La situation n’est vraiment pas drôle. La crise des loge-
ments, la crise des transports, la crise du charbon...
— Bah! cela s’arrangera!
— Vous êtes optimiste. Pour ma part, je suis résolu à m’oc-
cuper avec ardeur de ces questions essentielles... C’est le devoir
de tous les nouveaux députés!
— Mon cher Coquillon, je suis- ravi de vous voir dans ces
bonnes dispositions. Ah ! si tous vos collègues étaient comme
vous! Espérez-vous réussir?
— Je crois être sur la bonne voie...
— Tant mieux!
— Oui, car il importe que ces crises soient réglées rapidement!
Quelques jours après, je revois Coquillon.
— Ça y est, me dit-il, j’ai trouvé!...
— Déjà?
— Oui, il n’y a plus de crise du logement, plus de crise des
transports, plus de crise du charbon...
— Vous crevez?
— J’en suis sûr... La preuve en est que j’ai trouvé un appar-
tement, que mes meubles me sont parvenus de province et que
ma cave est remplie d’anthracite.
— Comment avez-vous fait?
— Mon cher, ce ne serait pas la peine d’être député, si je
n’arrivais pas à me débrouiller rapidement!
— Très bien ; mais nous autres, simples électeurs...
Coquillon haussa les épaules en disant, avec je ne sais quelle
intonation sarcastique :
— Oh! les électeurs!...
— Je croyais, je vous l’avoue, que ces crises vous préoccu-
paient au point de vue général...
Coquillon eut un bon rire :
— Attendez que je sois ministre...
11 est bien certain qu’un député qui est parvenu en quelques
jours à se loger, à se meubler et à se chauffer à Paris, est tout'
indiqué pour un portefeuille.
M. Clemenceau sait ce qui lui reste à faire.
* * * Certains blackboulés ne manquent pas non plus d’un
certain sens pratique.
Je lis dans le Salut, journal publié à Saint-Malo (numéro du
3 décembre) :
« Remerciements. — M. Jean Sost, tailleur à Saint-Servan,
38, place Carnot, candidat non élu aux élections municipales,
nous prie de bien vouloir remercier les 577 électeurs qui lui ont
accordé leurs suffrages. En reconnaissance, il leur'offre 10 0/0
sur tous les travaux qu’ils voudront bien lui confier. »
Au moins, le citoyen Sost n’est pas un ingrat 1
Il a remporté une veste, mais il offre aux électeurs des ves-
tons avec une réduction appréciable. Ça, c’est gentil!
J’imagine que si ce brave homme est jamais élu, il habillera
ses clients pour rien.
D’habitude, les candidats blackboulés se contentent de faire
apposer sur les murs une vague affiche de remerciements
— l’affiche de consolation! — et s’en retournent à leurs chères
études... Le citoyen Jean Sost tire parti de la situation et son
aventure électorale se termine par une bonne petite réclame
qui, je l’espère, produira ses fruits.
Malheureusement, tous les recalés du suffrage universel ne
peuvent suivre cet exemple. Beaucoup se trouvent complète-
ment désemparés... Nombre de députés — sans parler de cer-
tains conseillers municipaux de Paris — ont tout perdu en per-
dant lour siège. Leur mandat était leur seul moyen d’existence.
Que vont-ils devenir?
J’en connais un que son échec— d’ailleurs inattendu — menace
de condamner à un divorce désastreux. Sa femme l’a quitté dès
la proclamation des résultats du scrutin en disant :
— Qu’est-ce qu’ils ont donc à ne pas reconnaître leur écriture?...
LE RIRE DE LA SEMAINE
M. Clemenceau cherche des ministres pratiques, réalisateurs,
débrouillards.
Je vais lui en indiquer un : c’est mon ami Coquillon, le nou-
veau député d’Indre-et-Garonne.
Voilà un gaillard qui, bien certainement, nous tirera d’affaire.
J’ai rencontré Coquillon le 20 novembre, exactement, chez
Pousset.
— Vous êtes élu, lui dis-je; je vous félicite... Vous devez être
un homme heureux!
— Non, me répondit-il; en tout cas, ma joie est gâtée par de
graves préoccupations...
— Lesquelles ?
— La situation n’est vraiment pas drôle. La crise des loge-
ments, la crise des transports, la crise du charbon...
— Bah! cela s’arrangera!
— Vous êtes optimiste. Pour ma part, je suis résolu à m’oc-
cuper avec ardeur de ces questions essentielles... C’est le devoir
de tous les nouveaux députés!
— Mon cher Coquillon, je suis- ravi de vous voir dans ces
bonnes dispositions. Ah ! si tous vos collègues étaient comme
vous! Espérez-vous réussir?
— Je crois être sur la bonne voie...
— Tant mieux!
— Oui, car il importe que ces crises soient réglées rapidement!
Quelques jours après, je revois Coquillon.
— Ça y est, me dit-il, j’ai trouvé!...
— Déjà?
— Oui, il n’y a plus de crise du logement, plus de crise des
transports, plus de crise du charbon...
— Vous crevez?
— J’en suis sûr... La preuve en est que j’ai trouvé un appar-
tement, que mes meubles me sont parvenus de province et que
ma cave est remplie d’anthracite.
— Comment avez-vous fait?
— Mon cher, ce ne serait pas la peine d’être député, si je
n’arrivais pas à me débrouiller rapidement!
— Très bien ; mais nous autres, simples électeurs...
Coquillon haussa les épaules en disant, avec je ne sais quelle
intonation sarcastique :
— Oh! les électeurs!...
— Je croyais, je vous l’avoue, que ces crises vous préoccu-
paient au point de vue général...
Coquillon eut un bon rire :
— Attendez que je sois ministre...
11 est bien certain qu’un député qui est parvenu en quelques
jours à se loger, à se meubler et à se chauffer à Paris, est tout'
indiqué pour un portefeuille.
M. Clemenceau sait ce qui lui reste à faire.
* * * Certains blackboulés ne manquent pas non plus d’un
certain sens pratique.
Je lis dans le Salut, journal publié à Saint-Malo (numéro du
3 décembre) :
« Remerciements. — M. Jean Sost, tailleur à Saint-Servan,
38, place Carnot, candidat non élu aux élections municipales,
nous prie de bien vouloir remercier les 577 électeurs qui lui ont
accordé leurs suffrages. En reconnaissance, il leur'offre 10 0/0
sur tous les travaux qu’ils voudront bien lui confier. »
Au moins, le citoyen Sost n’est pas un ingrat 1
Il a remporté une veste, mais il offre aux électeurs des ves-
tons avec une réduction appréciable. Ça, c’est gentil!
J’imagine que si ce brave homme est jamais élu, il habillera
ses clients pour rien.
D’habitude, les candidats blackboulés se contentent de faire
apposer sur les murs une vague affiche de remerciements
— l’affiche de consolation! — et s’en retournent à leurs chères
études... Le citoyen Jean Sost tire parti de la situation et son
aventure électorale se termine par une bonne petite réclame
qui, je l’espère, produira ses fruits.
Malheureusement, tous les recalés du suffrage universel ne
peuvent suivre cet exemple. Beaucoup se trouvent complète-
ment désemparés... Nombre de députés — sans parler de cer-
tains conseillers municipaux de Paris — ont tout perdu en per-
dant lour siège. Leur mandat était leur seul moyen d’existence.
Que vont-ils devenir?
J’en connais un que son échec— d’ailleurs inattendu — menace
de condamner à un divorce désastreux. Sa femme l’a quitté dès
la proclamation des résultats du scrutin en disant :