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Le rire: journal humoristique — 25.1919

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https://doi.org/10.11588/diglit.28149#0883
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— Tu ne me vaux pas! di-
sait le Poing anglais — en
effleurant le nez de la Savate.

— Je te suis supérieure!
répliquait la Savate, en s’em-
berlificotant dans un savant chassé-croisé.

La controverse dura, ainsi, des années.
Pour les mettre d’accord survint la

Méthode américaine.

Elle fut d’abord révélée aux Anglais.

Leurs champions — qui avaient traversé la mare aux harengs

— la retraversèrent précipitamment. Ils revinrent avec des yeux
comme des lettres de faire-part, et leurs dents dans leur poche.
C’était la méthode américaine.

Willie Lewis nous montra cela, à la Grande-Roue, devant la
barbe étonnée de Tristan Bernard. 11 fit une énorme consom-
mation d’Anglais qui — pieds rivés au feutre du ring et swings
faisant le grand tour — s’entêtaient à ne pas comprendre.

C’était pourtant simple : pas de garde, — les mains dans les
poches, s’il avait eu des poches, — petits coups — cross, jabs,
uppercuts — de tout près, esquives calculées au
millimètre, — le tout sur la pointe des pieds —
comme une ballerine.

Nos boxeurs en prirent de la graine.

Si je m’étais appelé Georges Carpentier, je n’au-
rais jamais voulu taper sur Willie Lewis : cela
m’aurait paru sacrilège...

L’entraînement.

« Une barbe bien savonnée est à moitié rasée, » dit-on
L’apophtegme vaut pour la boxe : «‘Un match bien pi
paré est à moitié gagné.» II faut s’entraîner, — c’est
loi de nature. Mais en quoi consiste l’entrainement? De
mandez à Cuny — qui nous fabriqua tant de champion

— il vous répondra : ; - j

— Voilà : le matin, tu fais ton persil au Bois — gandin, avec
ta bâche et tes trois maillots.Tu sprintes derrière les chignolles :
c'est pour le souffle. Quand ça stoppe brusquement, t’apprends à
encaisser... Tu lances des pierres — des deux mains. C’est pour
le punch. Si tu veux faire un petit round, laisse-les tomber sur
des soldats américains... Midi. Le boulot. Pas d’excès ; c’est
facile ; mets-y trénterçinqgsous ! Pas de petits verres, pas de
tabac (ça, c’est ene.otejdus facile ! ). L’après-midi, «occupe-toi de
tes muscles ! » Culture, punching, poussing, boxing, in-fight-
ing, douching... A neuf heures, couching. Et surtout, nib de
femmes!

Pas de femmes ! pas de femmes! C'est l’ordre du manager...

Ordre qui n’est pas toujours observé — car bien des boxeurs
ont une tendance à croire que l’entrainement consiste à se
laisser entraîner. Mais les formes sont préjudiciables à la forme!

Ah! que j'en ai connu, de jeunes fighters...

Le match.

Maintenant, voici le cirque : — lumière, foule, grand carré
blanc du ring, et toi au centre. Un nègre ‘ exécute, aux

environs, la danse du
scalp. A ton oeil bour-
souflé, il paraît fabuleux.
Sur un mauvais direct

c’est sort

— qui file con-
tre ton oreille
en chou-fleur, i
vient en corps
à corps. Carré
comme une ar-
moire— et comme elle, d’ébène poli, il pèse à
tes épaules, meuble massif et encombrant.

Non, ce n'est pas la clé qui t’entre dans l’estomac
droit, qu’il t’applique en corkscreœ, vicieusement...

Tu ripostes par un chop. Le nègre a reculé. Rumeur... mais-
pourquoi te trouves-tu à quatre pattes, au milieu du « cercle
enchanté » — comme si tu cherchais une épingle? Tu le sauras
demain. L’Auto te dira comment tu as été knockoutc... Pour
l’instant, l’arbitre penché t’assène les secondes fatales : one...
two...three...

Oh! se laisser glisser doucement! Être emporté comme un
enfant vers le havre souhaité — où les serviettes claquent comme
des voiles, où l’embrun d’une éponge pressée vous cingle le-
visage! Entendre les bravos, qui roulent comme un flot et hurler-
la sirène du vaisseau populaire!

Mais ce n’est pas l’avis de ton manager. Lui aussi
veut encaisser ! A 9, il a frappé le bord du ring, et
te voilà — comme par miracle — sur tes jambes.
Attention! L’armoire dégringole!

— Planque-toi! crient tes seconds.

Tu la reçois, pesante, avec ses deux portes ou-
vertes qui battent et meurtrissent tes flancs. Tu t’y ac-
croches, pour amener le break-away libérateur. Ça ne-
vient, pas; tu essaies le coup de tête défendu... Mais-
'arbitre ne veut rien voir. Et ce nègre fait la grimace,,
recule, titube et se cache dans ses gants... Qu’est-ce que-
tu as bien pu lui casser?

Le cirque s’emplit de clameurs... Comme il est petit,,
ce nègre! Ivre, tu le pourchasses dans les cordes qui
vibrent, tu martèles son corps luisant, et plié, tu l’ac-
cules dans ce coin dont il ne faut pas qu'il sorte! De quoi
l’achèveras-tu? D’un direct au plexus ou d'un uppercut à la.
gorge ?

— Au buffet! hurle ton manager.

Tu l’ajustes. Partiras-tu en crochet? Le îirne ne va-t-il pas
le sauver? Et si — sur ce feutre mouillé — tu glissais? Bien
malin celui qui dira ce qui va se passer...

11 peut, comme toi, ressaisir sa chance... Qui sentira, sous
soi, le ring dérouler ses kilomètres de toile blanche? Qui verra
l’arbitre agiter quatre bras? Est-ce sous ta tète ou sous la
sienne, que le silence va glisser, tout à l’heure, son oreiller de
plumes? Qui pleurera dans son coin?

Tu ne l’auras peut-être qu’aux points ? Et si ç'allait être un
match nul? CM lo sa?... 11 est dit que tu connaîtras, jusqu’au
bout, la « glorieuse incer-
titude » du sport,—jusqu’au
bout : — car même si l’ar-
bitre te proclame justement
vainqueur, sais-tu si le pu-
blic — le public imbécile —
ne te jettera pas des pom-
mes cuites?

Marcel Arnac.

Dessins de Ch. Genty.

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