— Malédiction ! nos prisonniers ne nous seront rendus que si nous
observons loyalement nos promesses.
— Tarteiflet autant dire, que nous ne les reverrons jamais!
Dessin de M. Radiguet
LE TÉMOIGNAGE
Il y avait tant de promesses dans le regard bleu de Cydalise,
la danseuse des Folies-Folies, que l’homme le plus froid ne
pouvait s’approcher de la jeune artiste sans éprouver le frisson
du désir.
Blonde et fine, avec un corps souple et bien fait, elle mettait,
dans ses danses arabes, une ardeur si voluptueuse et si pudique
à la fois, qu’elle forçait le succès d’une revue monotone et bête
où il n’y avait que vingt femmes pour attirer le public.
Cydalise, de son nom de jeune fille, se nommait Virginie
Loupe, ce qui la désolait. Elle habitait au quatrième d’un riche
immeuble en pleine avenue des Ternes, tout près de Sarah
Bernhardt. Elle vivait de façon calme, ne recevant que quel-
ques visites, si discrètes et si régulières que personne ne pou-
vait y trouver à redire.
La danseuse était honnête à sa manière. Son esprit d’indépen-
dance l’éloignait de la C. G. T., mais lui permettait de se syn-
diquer de temps à autre, pour une durée indéterminée, avec
des camarades généralement plus fortunés qu’elle. Mais ces
unions étaient si élégamment conclues et dénouées qu’il eût
fallu avoir mauvais
le nouveau député et la crise des loyers esprit pour affirmer
que l’étoile des Fo-
lies-Folies fût une
personne de mœurs
légères.
— Il est rigolo encore, celui-là ! Il a voulu absolument me faire un
enfant, et à présent, il ne veut plus le reconnaître !
Dessin de Nob.
Pourtant, — le monde est méchant,— la concierge de Virginie
Loupe, une vieille femme sans grâce qui buvait du matin au
soir, affirmait que sa locataire était « à louer plus facilement
qu’un appartement » et qu’elle déshonorait Vimmobe par sa con-
duite scandaleuse.
Un jour, au lendemain d’une nuit un peu agitée, puisque les
voisins disaient avoir vu Cydalise exécuter une danse provo-
cante dans la tenue la plus simple et cela sur le palier du qua-
trième, un congé en bonne forme vint inviter la pécheresse à
transporter ailleurs son salon de débauche.
Virginie pleura, car elle n’ignorait point la crise du loge-
ment. Elle se vit, courant de porte en porte, pour découvrir les
cinq pièces qu’il lui fallait, se heurtant au mauvais vouloir des'
concierges, ou condamnée à reprendre pour 20.000 francs, un
mobilier de 5.000 qui lui donnerait le droit de louer un appar-
tement dont les inconvénients lui apparaîtraient après la signa-
ture du bail !
Cependant, comme elle était débrouillarde, elle voulut mettre
des atouts dans son jeu et se rendit chez Me Jean Destra,
avocat, un ami de longue date.
— Ma chérie, lui dit le maître, si j’ai bien compris ton aven-
ture, on te met à la porte pour inconduite ?
AU SALON DE L’AÉRONAUTIQUE
— Impossible de vous louer l’appartement,
monsieur, si vous n’avez pas de meubles...
— Excusez, madame, j’ai un siège au Palais-
Bourbon ! Dessin de Jodelet.
observons loyalement nos promesses.
— Tarteiflet autant dire, que nous ne les reverrons jamais!
Dessin de M. Radiguet
LE TÉMOIGNAGE
Il y avait tant de promesses dans le regard bleu de Cydalise,
la danseuse des Folies-Folies, que l’homme le plus froid ne
pouvait s’approcher de la jeune artiste sans éprouver le frisson
du désir.
Blonde et fine, avec un corps souple et bien fait, elle mettait,
dans ses danses arabes, une ardeur si voluptueuse et si pudique
à la fois, qu’elle forçait le succès d’une revue monotone et bête
où il n’y avait que vingt femmes pour attirer le public.
Cydalise, de son nom de jeune fille, se nommait Virginie
Loupe, ce qui la désolait. Elle habitait au quatrième d’un riche
immeuble en pleine avenue des Ternes, tout près de Sarah
Bernhardt. Elle vivait de façon calme, ne recevant que quel-
ques visites, si discrètes et si régulières que personne ne pou-
vait y trouver à redire.
La danseuse était honnête à sa manière. Son esprit d’indépen-
dance l’éloignait de la C. G. T., mais lui permettait de se syn-
diquer de temps à autre, pour une durée indéterminée, avec
des camarades généralement plus fortunés qu’elle. Mais ces
unions étaient si élégamment conclues et dénouées qu’il eût
fallu avoir mauvais
le nouveau député et la crise des loyers esprit pour affirmer
que l’étoile des Fo-
lies-Folies fût une
personne de mœurs
légères.
— Il est rigolo encore, celui-là ! Il a voulu absolument me faire un
enfant, et à présent, il ne veut plus le reconnaître !
Dessin de Nob.
Pourtant, — le monde est méchant,— la concierge de Virginie
Loupe, une vieille femme sans grâce qui buvait du matin au
soir, affirmait que sa locataire était « à louer plus facilement
qu’un appartement » et qu’elle déshonorait Vimmobe par sa con-
duite scandaleuse.
Un jour, au lendemain d’une nuit un peu agitée, puisque les
voisins disaient avoir vu Cydalise exécuter une danse provo-
cante dans la tenue la plus simple et cela sur le palier du qua-
trième, un congé en bonne forme vint inviter la pécheresse à
transporter ailleurs son salon de débauche.
Virginie pleura, car elle n’ignorait point la crise du loge-
ment. Elle se vit, courant de porte en porte, pour découvrir les
cinq pièces qu’il lui fallait, se heurtant au mauvais vouloir des'
concierges, ou condamnée à reprendre pour 20.000 francs, un
mobilier de 5.000 qui lui donnerait le droit de louer un appar-
tement dont les inconvénients lui apparaîtraient après la signa-
ture du bail !
Cependant, comme elle était débrouillarde, elle voulut mettre
des atouts dans son jeu et se rendit chez Me Jean Destra,
avocat, un ami de longue date.
— Ma chérie, lui dit le maître, si j’ai bien compris ton aven-
ture, on te met à la porte pour inconduite ?
AU SALON DE L’AÉRONAUTIQUE
— Impossible de vous louer l’appartement,
monsieur, si vous n’avez pas de meubles...
— Excusez, madame, j’ai un siège au Palais-
Bourbon ! Dessin de Jodelet.