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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1914 (Nr. 1-6)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25443#0058
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ÉQUIPEMENTS MILITAIRES

— Pour la tranchée ?

— Non, pour le boulevard.

LE RIRE DE LA SEMAINE

Quai d’Orsay, onze heures du matin. Un jeune homme
rebondi, florissant, rasé à miracle, descend de l’automobile qu’il
conduit. Elle est militarisée, lui aussi. 11 porte • courageusement
l’uniforme de fantassin et un brassard où éclate la lettre A.
Si notre chauffeur s’est arrêté, ce n'est pas sans but. Il s’élance
vers une-dame grisonnante qui passe le long du quai.

— Ma tante..., quatre mois qu’on ne s’etait vus !

— Mais oui, je ne suis rentrée à Paris que d’hier. Et toi? Que
te voilà brave! Je suis fière de toi.

— Vous pouvez. Je crois qu’il n’y a pas beaucoup de bons-
hommes pour s’étre donné autant de tintouin que votre neveu.
Ah ! quelle campagne !

— Raconte-moi?

— D’abord, n’est-ce pas, je ne me souciais pas beaucoup de
porter le sac et de faire l’étape. Alors, je me suis fait, si j’ose
dire, attacher à mon auto : 50 HP, ça ne se refuse pas. Seulement,
tout de suite, première [taille : on m’annonce qu’on va me coller
une mitrailleuse dans le baquet. Moi, vous comprenez, je préfé-
rais un service plus mondain; je ne fais ni une ni deux, je
racheté une autre voiture, la 15-20 du père de famille, et j’aban-
donne ma 50. J’en suis pour 20.000...

— Balles ?

— C’est le mot.Mais quoi, ma peau vaut bien ça? Avec mon petit
phaéton très capitonné, léger, 80 en palier, j’ai tout de suite
donné dans l’œil d’un général du camp retranché. Ça allait à
merveille, mais fin septembre, deuxième paille : mon supérieur
commence à toussoter le matin, il se plaint de la violence de
l’air aux grandes vitesses. Moi, je me dis : « Cet homme va me
lâcher pour une carrosserie fermée. » A la guerre, n’est-ce-pas, il
faut de la résolution, de l’énergie. Je ne fais ni deux ni trois,
j’achète une autre voiture, oh ! une merveille : la limousine

chambre de malade, tous les secours à portée de la main, gar-
garismes dans le capot et stérilisation automatique, [meus gon-
fles à l’oxygène, et pour' comble, un petit moteur' grand comme
la main, à peine de force, évitant le plus faible choc aux rhuma-
tismes du patron. J’en ai été, cette fois, pour trente mille; mais
quoi, ma peau vaut ça? Et voilà comment votre petit neveu s’est
débrouillé dans des circonstances qui peuvent compter parmi les
plus difficiles de la tactique actuelle. J’ai encore lu, hier-, dans
un journal anglais, cette apprec ation : le soldat français est
merveilleux d’ingéniosité et d’adaptation aux circonstances.

— Et tu t’es appliqué ça, mon petit?

— Dame...

— Dis-moi, mon garçon, tu comptes toujours sur mon héri-
tage ?

— Vous pensez! Surtout après les dépenses que je viens de
faire !

— Alors, rappelle-toi ceci, je suis femme de parole : si tu ne
lâches pas tes autos, ton général et ton tirage au flanc, et si tu
ne vas pas te faire tuer avant la fin de la guerre, je ne te laisse
pas un sou !

Et, avant de s’éloigner, la vieille dame indignée lorgne une
dernière fois, de la tete aux pieds, sa descendance accablée.
Elle tique sur le brassard— le beau brassard — et touchant du
bout de son face-à-main l’A brodé qui s’v détache, elle murmure ;
« Je ne savais pas qu’embusqué commençait par un A ! »

*

* *

On annonce que les troupes bavaroises ont été renvoyées de
Belgique en Pologne à cause de certain état d’esprit dont les
Prussiens n’avaient pas lieu d’être satisfaits. 11 est de fait qu’à
cette heure, Wurtembergeois, Saxons et autres Hanovriens sont
un peu dans la situation d'actionnaires de théâtre dont un dir ec-
teur excessif a engagé éperdument le capital. Il en est qui rechi-
gnent et qui le laissent voir.
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