LA CONSIGNE
Continue! Je te passe le balai...
LE RIRE DE LA SEMAINE
Gorenflot, étendant les mains sur la poularde dont il comptait
régaler son carême, prononça avec onction ces mots : « Je te
baptise carpe. »
La jeune Lucette Omnibus, ayant transporté ses affect;ons de
la rue Mansard à la rue Victor-Massé, prévint tout de suite le
nouveau titulaire de ses charmes d’une particularité surpre-
nante : « Tu sais, mon cher Alfred chéri, faudra pas t’étonner
si, dans de certains moments, je t’appelle Edouard. Ça ne t’en-
nuie pas? » — «Du tout, du tout, répondit Alfred, et je m’excuse
si, dans des moments qui sont sensiblement les mêmes, je te
remercie et célèbre tes mérites sous le nom d’Armandine. »
Nous avons cru de notre devoir d’envoyer ces deux anecdotes
à l’empereur Guillaume II, car elles constituent des précé-
dents exacts à ce qui vient d’être fait à Ostende, sur les ordres
teutoniques de ce pacifiste bien connu.
La garnison allemande de la capitale de M. Marquet a tout
simplement changé, au fronton des gares et des établissements
publics d’Ostende, ce dernier nom contre celui de « Kales ».
Vous entendez bien que Kales est l’appellation boche de Calais.
— Mais « Calais » fait mieux. Nous sommes bien décidés à gar-
der Calais, le nom et la ville.
Vous voyez l’ingéniosité du procédé. Les soldats du kaiser,
persuadés qu’ils habitent la ville des sept bourgeois, peuvent en
faire d’enthousiastes descriptions à leurs familles béates, et à
leurs fournisseurs.
Leur parfaite bonne foi leur assure un ton de sincérité presque
choquant en Allemagne. Et l’Agence Wolff trouve matière à
cL’éclatants communiqués. Les correspondants ingénus prendront
plaisir à situer le défilé des héros en chemise et l’intervention
pathétique de Philippine de Hainaut dans les sites profanés du
charmant petit port qu’ils occupent (faute de mieux) en Flandre
occidentale.
Fausses nouvelles et fosses nouvelles — ainsi peut se résumer
la campagne menée par le duc de Wurtemberg sur les bord
de l’Yser.
L’initiative prise à Ostende sera évidemment exploitée avec
fruit. Telle petite bourgade du Limbourg belge, ou telle ruine
de la Meuse sera intitulée avec la dernière facilité : Orléans,
Lyon, Marseille, Dunkerque ou Paris. Il suffira d’installer dans
les édifices publics les fonctionnaires allemahds désignés pour
occuper les postes officiels dans les villes convoitées, et cela
dès avant la mobilisation. Vous savez, en effet, que l’Allemagne
(prudente ménagère) s’appliquait maternellement, à la veille de
la guerre, à déterminer le régime auquel elle soumettrait les
provinces envahies. Tout fut cyniquement prévu, coordonné et
mis en scène. L’entrée à Bruxelles au pas de parade nécessita
plusieurs répétitions d'ensemble, en juillet dernier, dans une
petite ville teutonne. Et c’est seulement au dernier moment,
m’assure-t-on,— les ensembles étant réglés et la figuration suffi-
samment au point — que l’on décida de corser la chose au
moyen d’un s>nge et d’un petit ours apprivoisé.
Pitoyables enfantillages, directement issus du cabotinage
impérial et dont Manneken-Piss fut seul, peut-être, à être épaté!
Et savez-vous pourquoi les instincts de pillage de l’armée
austro-boche s’exercent particulièrement aux dépens des bazars,
des inoffensifs marchands de jouets? Tout simplement parce
que le Germain se plaît à adresser à sa Germaine soit un petit
bateau mécanique en forme de cuirassé allié qu’il intitule
ensuite Sydney ou France, soit un de ces petits châteaux de
bois ou de carton-pâte (qui furent les châteaux en Espagne de
notre enfance à tous) et que leur fantaisie baptise Blois,
Amboise ou Chambord. Il paraît même que ces trophées sont
fort goûtés dans les familles et que les femmes d’officiers orga-
nisent des five o’ clock pour le vernissage d’une tour Eiffel en
coquillages. On cite même le cas d’une générale obèse qui fit
elle-même une conférence en l’honneur d'une boîte de soidats
de plomb, récemment adressée du front, et intitulée « Armée
Sarrail ».
Les Prussiens savent y faire et profiter sur.
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LE RIRE DE LA SEMAINE
Gorenflot, étendant les mains sur la poularde dont il comptait
régaler son carême, prononça avec onction ces mots : « Je te
baptise carpe. »
La jeune Lucette Omnibus, ayant transporté ses affect;ons de
la rue Mansard à la rue Victor-Massé, prévint tout de suite le
nouveau titulaire de ses charmes d’une particularité surpre-
nante : « Tu sais, mon cher Alfred chéri, faudra pas t’étonner
si, dans de certains moments, je t’appelle Edouard. Ça ne t’en-
nuie pas? » — «Du tout, du tout, répondit Alfred, et je m’excuse
si, dans des moments qui sont sensiblement les mêmes, je te
remercie et célèbre tes mérites sous le nom d’Armandine. »
Nous avons cru de notre devoir d’envoyer ces deux anecdotes
à l’empereur Guillaume II, car elles constituent des précé-
dents exacts à ce qui vient d’être fait à Ostende, sur les ordres
teutoniques de ce pacifiste bien connu.
La garnison allemande de la capitale de M. Marquet a tout
simplement changé, au fronton des gares et des établissements
publics d’Ostende, ce dernier nom contre celui de « Kales ».
Vous entendez bien que Kales est l’appellation boche de Calais.
— Mais « Calais » fait mieux. Nous sommes bien décidés à gar-
der Calais, le nom et la ville.
Vous voyez l’ingéniosité du procédé. Les soldats du kaiser,
persuadés qu’ils habitent la ville des sept bourgeois, peuvent en
faire d’enthousiastes descriptions à leurs familles béates, et à
leurs fournisseurs.
Leur parfaite bonne foi leur assure un ton de sincérité presque
choquant en Allemagne. Et l’Agence Wolff trouve matière à
cL’éclatants communiqués. Les correspondants ingénus prendront
plaisir à situer le défilé des héros en chemise et l’intervention
pathétique de Philippine de Hainaut dans les sites profanés du
charmant petit port qu’ils occupent (faute de mieux) en Flandre
occidentale.
Fausses nouvelles et fosses nouvelles — ainsi peut se résumer
la campagne menée par le duc de Wurtemberg sur les bord
de l’Yser.
L’initiative prise à Ostende sera évidemment exploitée avec
fruit. Telle petite bourgade du Limbourg belge, ou telle ruine
de la Meuse sera intitulée avec la dernière facilité : Orléans,
Lyon, Marseille, Dunkerque ou Paris. Il suffira d’installer dans
les édifices publics les fonctionnaires allemahds désignés pour
occuper les postes officiels dans les villes convoitées, et cela
dès avant la mobilisation. Vous savez, en effet, que l’Allemagne
(prudente ménagère) s’appliquait maternellement, à la veille de
la guerre, à déterminer le régime auquel elle soumettrait les
provinces envahies. Tout fut cyniquement prévu, coordonné et
mis en scène. L’entrée à Bruxelles au pas de parade nécessita
plusieurs répétitions d'ensemble, en juillet dernier, dans une
petite ville teutonne. Et c’est seulement au dernier moment,
m’assure-t-on,— les ensembles étant réglés et la figuration suffi-
samment au point — que l’on décida de corser la chose au
moyen d’un s>nge et d’un petit ours apprivoisé.
Pitoyables enfantillages, directement issus du cabotinage
impérial et dont Manneken-Piss fut seul, peut-être, à être épaté!
Et savez-vous pourquoi les instincts de pillage de l’armée
austro-boche s’exercent particulièrement aux dépens des bazars,
des inoffensifs marchands de jouets? Tout simplement parce
que le Germain se plaît à adresser à sa Germaine soit un petit
bateau mécanique en forme de cuirassé allié qu’il intitule
ensuite Sydney ou France, soit un de ces petits châteaux de
bois ou de carton-pâte (qui furent les châteaux en Espagne de
notre enfance à tous) et que leur fantaisie baptise Blois,
Amboise ou Chambord. Il paraît même que ces trophées sont
fort goûtés dans les familles et que les femmes d’officiers orga-
nisent des five o’ clock pour le vernissage d’une tour Eiffel en
coquillages. On cite même le cas d’une générale obèse qui fit
elle-même une conférence en l’honneur d'une boîte de soidats
de plomb, récemment adressée du front, et intitulée « Armée
Sarrail ».
Les Prussiens savent y faire et profiter sur.