HERMANN. — O ma Dorothée, aussi douce que la rave, cuisan
agréablement sur un feu de houx, que voulez-vous emporter de
ce château?
dorothée. — O mon Hermann, semblable par la simplicité du
cœur à l’agreste pissenlit, emportons tout. Nous choisirons à la
maison.
hermann. — Que dites-vous, ma Dorothée, de ce petit vide-
boche?
dorothée. — Je dis, mon Hermann, qu’il est « Kolossal •» !
hermann. •— Que pensez-vous de cette bergère?
dorothée. — Elle est Kolossale !
hermann. — Regardez-vous dans cette glace, ô Dorothée, et
dites-moi ce que vous pensez de votre taille?
dorothée. — Elle est Kolossale!
hermann. — Oui, mon amour. Votre cœur, véridique comme
les petits ruisseaux de la forêt du Harzber-g, a dit la vérité : vous
êtes Kolossale ! Et c’est pour cela que je vous aime — d’un amour
Kolossal !
dorothée. — O mon Hermann, je suis trop heureuse : je veux
chanter !
hermann. — O ma Dorothée, il faut faire toutes les choses
dont on a envie, lesquelles n’offensent point notre vieux Dieu
et notre jeune fiancée. Chantons donc.
Ensemble :
Nous irons, à Paris,
Tous les deux, tous les deux,
Et les yeux dans les yeux,
Si Herr von Klück lé veut...
Quinze jours après, toujours Ensemble, mais d’une voix
angoissée :
A Paris, on n’va plus,
Tous les deux, nom de Dieu,
A Paris on n’va plus,
Herr von Klück est foutu !
*
* *
... Un indiscutable ménage à trois cambriole dans le hall.
lui. — Werther, diplomate neurasthénique, lieutenant de
réserve. L’air aussi ennuyé que s’il venait de lire un roman
de Mme D...-M.... Très porté sur les brownings.
elle. — Charlotte, jeune personne indécise, bonne musicienne
et timorée. Regard de myosotis peuplé de préjugés. Ne se décide
l’offre a joffre
U Académie réserve au généralis-
sime le fauteuil d’Albert de Mun.
ATTENTION DELICATE
Le Kronprinz a envoyé une pipe à chacun de ses soldats : ça leur en
fera deux à casser. Dessins de L. Métivet.
pas à sauter le faux pas. Arrêtée sur le bord de la faute, avec
une obstination de chèvre luthérienne. Au demeurant, bonne
petite femme d’intérieur : préoccupée de ses tartines comme
des scrupules de sa vertu. Elle hésite à croquer la pomme. Il y
a entre cette Charlotte et les pommes un petit fossé et pas de
culbute.
l’autre, le mari, s’appelle Albert, comme Brasseur, et n’est
pourtant nullement gai. Ce n’est pas un lâche, né complaisant,
mais il s’est fait à une situation sans issue que tout le monde
trouve si poétique et dont la musique de Masçenet a dû adoucir
bien des angles. Mobilisé. Aime les voyages. Est très ennuyé,
mais se sait encore plus ennuyeux, et se console par cetté forte
pensée. Un peu de vanité, en songeant que ses cornes appar-
tiennent à l’Histoire; les transporte partout avec lui. Il aime
Werther et s’en sait aimé ; Charlotte passe au second plan.
Werther opère avec conscience. Une belle collection d’armes
retient son attention. Tout à coup, s’adressant à Albert, il
s’écrie :
— Je pars pour un lointain voyage ! Voulez-vous me prêter vos
mortiers 420?
Et il entonne, sans se faire prier, son grand air de bravoure,
l’air connu sous le nom des Armes de Werther.
*
* *
.Dans le petit château français, là-bas, du côté de la fron-
tière, le pillage vient de prendre fin, et l’on repart en automo-
bile, sans hâte, à l’aube, lourd de butin. Un jour livide éclaire la
scène, le désordre brutal, les bureaux éventrés. Et les Barbares
s’en vont, repus, parmi le mugissement des sirènes et la pous-
sière de nos chemins, — abandonnant derrière eux, sans honte,
le pauvre charmant intérieur qu’ils ont assassiné !
Les jolis bibelots anciens, les braves petits meubles de France,
saccagés, muets, violés, demeurent là — chez eux. L’orage est
passé, mais ils sentent qu’un grand malheur est arrivé... La Ramée.
agréablement sur un feu de houx, que voulez-vous emporter de
ce château?
dorothée. — O mon Hermann, semblable par la simplicité du
cœur à l’agreste pissenlit, emportons tout. Nous choisirons à la
maison.
hermann. — Que dites-vous, ma Dorothée, de ce petit vide-
boche?
dorothée. — Je dis, mon Hermann, qu’il est « Kolossal •» !
hermann. •— Que pensez-vous de cette bergère?
dorothée. — Elle est Kolossale !
hermann. — Regardez-vous dans cette glace, ô Dorothée, et
dites-moi ce que vous pensez de votre taille?
dorothée. — Elle est Kolossale!
hermann. — Oui, mon amour. Votre cœur, véridique comme
les petits ruisseaux de la forêt du Harzber-g, a dit la vérité : vous
êtes Kolossale ! Et c’est pour cela que je vous aime — d’un amour
Kolossal !
dorothée. — O mon Hermann, je suis trop heureuse : je veux
chanter !
hermann. — O ma Dorothée, il faut faire toutes les choses
dont on a envie, lesquelles n’offensent point notre vieux Dieu
et notre jeune fiancée. Chantons donc.
Ensemble :
Nous irons, à Paris,
Tous les deux, tous les deux,
Et les yeux dans les yeux,
Si Herr von Klück lé veut...
Quinze jours après, toujours Ensemble, mais d’une voix
angoissée :
A Paris, on n’va plus,
Tous les deux, nom de Dieu,
A Paris on n’va plus,
Herr von Klück est foutu !
*
* *
... Un indiscutable ménage à trois cambriole dans le hall.
lui. — Werther, diplomate neurasthénique, lieutenant de
réserve. L’air aussi ennuyé que s’il venait de lire un roman
de Mme D...-M.... Très porté sur les brownings.
elle. — Charlotte, jeune personne indécise, bonne musicienne
et timorée. Regard de myosotis peuplé de préjugés. Ne se décide
l’offre a joffre
U Académie réserve au généralis-
sime le fauteuil d’Albert de Mun.
ATTENTION DELICATE
Le Kronprinz a envoyé une pipe à chacun de ses soldats : ça leur en
fera deux à casser. Dessins de L. Métivet.
pas à sauter le faux pas. Arrêtée sur le bord de la faute, avec
une obstination de chèvre luthérienne. Au demeurant, bonne
petite femme d’intérieur : préoccupée de ses tartines comme
des scrupules de sa vertu. Elle hésite à croquer la pomme. Il y
a entre cette Charlotte et les pommes un petit fossé et pas de
culbute.
l’autre, le mari, s’appelle Albert, comme Brasseur, et n’est
pourtant nullement gai. Ce n’est pas un lâche, né complaisant,
mais il s’est fait à une situation sans issue que tout le monde
trouve si poétique et dont la musique de Masçenet a dû adoucir
bien des angles. Mobilisé. Aime les voyages. Est très ennuyé,
mais se sait encore plus ennuyeux, et se console par cetté forte
pensée. Un peu de vanité, en songeant que ses cornes appar-
tiennent à l’Histoire; les transporte partout avec lui. Il aime
Werther et s’en sait aimé ; Charlotte passe au second plan.
Werther opère avec conscience. Une belle collection d’armes
retient son attention. Tout à coup, s’adressant à Albert, il
s’écrie :
— Je pars pour un lointain voyage ! Voulez-vous me prêter vos
mortiers 420?
Et il entonne, sans se faire prier, son grand air de bravoure,
l’air connu sous le nom des Armes de Werther.
*
* *
.Dans le petit château français, là-bas, du côté de la fron-
tière, le pillage vient de prendre fin, et l’on repart en automo-
bile, sans hâte, à l’aube, lourd de butin. Un jour livide éclaire la
scène, le désordre brutal, les bureaux éventrés. Et les Barbares
s’en vont, repus, parmi le mugissement des sirènes et la pous-
sière de nos chemins, — abandonnant derrière eux, sans honte,
le pauvre charmant intérieur qu’ils ont assassiné !
Les jolis bibelots anciens, les braves petits meubles de France,
saccagés, muets, violés, demeurent là — chez eux. L’orage est
passé, mais ils sentent qu’un grand malheur est arrivé... La Ramée.