ÉCHOS DU RIRE
Sous séquestre.
Lisez-vous les listes des Maisons alle-
mandes et austro-allemandes mises sous
séquestre par notre vigilante magistrature ?
Non? Vous avez tort, gravement tort.
D’abord, vous retrouveriez là nombre de
vos fournisseurs, et, mon Dieu 1 oui, quel-
ques-unes de vos relations. Voilà autant de
gens chez qui vous ne remettrez jamais les
pieds. A moins que ce ne soit « quelque
part», s’ils avaient le toupet de revenir...
après.
Et puis, on fait de petites remarques
amusantes. Vous n’imagineriez pas le
nombre kolossal de bijouteries en toc qui
ont été frappées. Il semble bien que, dans
cet article, que leurs vendeurs impudents
étiquetaient « Articles de Paris », l’indus-
trie française ne soit pas de taille à concur-
rencer l’industrie allemande. Pour faire
du faux, nous ne saurions lutter avec les
Boches.
Enfin, il y a les séquestrés joyeux.
Témoins (soyons discrets et généreux) :
Osw.ld (Charles-Emile) et sa maîtresse
R.th (Emma); Fr..d (Lazare) et sa maî-
tresse L.ble (Régine); S. mi (Alexandre) et
sa maîtresse Et.lka (Angèle).
Toutes ces idylles fleurissaient dans un
délicieux petit pays de Seine-et-Oise.
Vertueuse Germania, que tu dois souffrir!
Encore si ces dames étaient des damnées
Parisiennes, tu pourrais alléguer l’air per-
nicieux de Babylone, et que tes excellents
fils ont été traîtreusement séduits et entraî-
nés, tels jadis le sage Ulysse par les Si-
rènes. Mais leurs délicats prénoms ne
laissent, hélas! aucun doute sur leur natio-
nalité. Elles aussi ont été « made in Ger-
many » !
Peut-être convient-il de rappeler à
M. J. Dart, qui a la garde du séquestre, la
dernière circulaire du ministre de la Jus-
tice, où il est dit :
« A moins qu’il ne s’agisse de marchan-
dises périssables ou encombrantes, l’actif"
ne saurait être réalisé» et « les séquestres
ne sont pas, en effet, des liquidateurs ».
Voyez-vous que M. J. Dart, aille liquider
(comme on dit entre hommes) une de ces
liaisons dangereuses ?
*
* *
A la devanture de la photographie Otto, rue
Royale, une superbe photographie a parti-
culièrement attiré notre attention : elle est
placée au milieu de portraits de militaires
blessés au front.
Celle-là. représente un élégant secrétaire
d’état-major de la 20e section; ses vêtements
sont coupés avec art. Sur sa tunique, de
nombreuses décorations et le baromètre
parlementaire. Au bas, le photographe a eu
soin de mettre :
M. Jacques Stem, député des Basses-
Alpes.
*
* *
Chaque jour paraît une nouvelle publica-
tion illustrée. Nos confrères s’ingénient à
trouver de sensationnelles photographies.
Les reporters sont sur les dents : il leur faut
parlois aller jusqu’au Bourget ou à Auber-
dufrontP°Ur " prendre ” des photographies
Il y a, fort heureusement, des figurants
complaisants.
Cest ainsi qu’on a pu remarquer, sur une
photographie de la bataille de la Marne
la haute et distinguée silhouette d'un offi-
cier. Il contemplait l’horizon d’un œil
grave. Autour de lui, des niasses sombres
des cadavres allemands jonchaient le sol
ravagé.
Cet aimable officier n’a, jusqu’ici, assisté
à aucune bataille. Il s’y conduirait, certai-
nement, en héros et s y distinguerait. Pour
le moment, on ne le connaît que par quel-
ques histoires de jeu, dans un grand cercle
parisien, qui firent beaucoup de bruit 1 an
dernier. ,,,
Il est simplement attaché à 1 état-major
de Paris. Au fait, c’est peut-être au service
des... cartes?
*
* *
On annonce que deux nouvelles roulettes
ont été ouvertes à Monte-Carlo. La saison
reprend... . , .
Mais dans le temps de purée qui sévit
est-ce que la Société fera ses frais?
C’est à voir; en attendant roulez, rou-
lettes...
Une danseuse, chanteuse et auteur
même, bien connue, entrait 1 autre jour
dans le cabinet d’un de nos confrères et
tout de go lui déclarait... qu’on ne pariait
pas assez d’elle en ce moment et qu elle
tenait à ce que sa publicité reprenne sa
marche normale.
Notre confrère, très embêté, lui fit re-
marquer que ce n’était guère l’heure de
faire parler de soi.
Et voilà pourquoi sur le banc, où géné-
ralement passent les mauvais soldats, on
vit prendre place deux marchandes de plai-
sir, inculpées de « vol militaire ».
La guerre a modifié bien des choses et,
plus que toute autre, la question mode a eu
à souffrir... Souffrir est une façon de parler,
car elle est, au contraire, beaucoup moins
torturée qu’autrefois.
Nos élégantes s’habillent maintenant
très simplement. Nous avons pu le consta-
ter déjà à plusieurs reprises. Mlle F..., la
Parisienne bien connue, porte une sorte de
robe-peignoir en gros drap bleu à peine
serrée à la taille par une ceinture lâche et
MUe S. R..., l’amie du plus parisien des
couturiers, a des corsages .et des jupes
toutes simplettes qui n’ont plus de volants
ni de fentes.
Bravo, mesdemoiselles... : continuez.
On lit dans la vitrine d’un magasin de
fruiterie de la rue Saint-Jacques :
Avis. — Le patron avait épousé, en 1904,
une Allemande. Mais, pour couper court à
toutes les mauvaises langues, il est heu-
reux d’informer ses clients qu’il est divorcé
d’avec sa Boche depuis 1905. (.Jugement du
Tribunal de la Seine en date du 22 juin
1905.)
C’était l’autre jour, dans un thé de la rue
Caumartin. La jeune Ginette Darcourt qu’on
applaudira prochainement à la Comédie
royale dans la Revue de MM. Max Eddy,
Robert Beunke et Paul Perret, aperçoit
soudain un poète bien connu, qui ordinai-
rement porte... corset.
— Tiens, il n’est pas parti, celui-là, fait-
elle à un de nos confrères... Mais il a
changé, il a grandi... Avant il était busqué,
simplement; maintenant il est embusqué.
Pas mal. comme mot.
1914 1915
Oh! quel changement s’est produit! Le tango
prend un air martial et Eve s’habille à la mode
militaire.
(The Tatler, Londres.)
Alors, elle, dans un sourire, murmura...
qu’il n’était pas d'heure pour les braves.
On savait déjà que M1191. R... était brave;
elle l’avait prouve (?) quand elle s’en fut
visiter le champ de bataille de la Marne,
mais nous n’aurions quand même pas sup-
posé qu’elle le fût à ce point-là.
*
* *
M. Rip proteste contre le fait d’être em-
bousqué. Il nous déclare que s’il est cycliste
à Paris ce n’est pas à des sollicitations
particulières qu’il le doit, mais au seul ha-
sard qui lui a donné cette affectation; que,
d ailleurs, il est de l’armée auxiliaire et que,
s il était envoyé au front, il y ferait son de-
voir tout comme un autre. Ce dont nous
ne doutons pas.
* *
Aujourd’hui, tout est militarisé, même la
justice. Témoin, cette petite anecdote :
Deux filles de joie qui opèrent, en temps
de paix, comme en temps de guerre, aux
environs de la place de la République,
avaient « entôlé » un pauvre soldat de la
coloniale en quête d’amour à prix réduit...
Elles 1 avaient entôlé de dix-sept sous.
L affaire lut soumise au Gouverneur miliT
taire de Paris, qui décida que ces deux
hétaïres passeraient en conseil de guerre,
au heu d’ètre traduites devant le Tribunal
correctionnel.
*
* *
Extrait d’un ordre de mise en jugement
du troisième conseil de guerre du Gouver-
nement militaire de Paris :
« Vu la procédure instruite contre les
nommés Lebail, clairon réserviste ; Loui-
chet (Hélène) et Etelin (Germaine), filles
soumises, accusés d'abandon de poste et de
vol qualifié... »
Sûrement, ces deux filles ont dû déserter
la place où, d’habitude, elles racolent.
*
* *
Deux magasins boches contigus avaient
fermé boutique quelques jours avant la
mobilisation. A leur place viennent de
s’installer deux honorables commerçants.
Sur la boutique du premier, on peut lire :
Recouvrements de parapluiés.
Sur celle du second :
Recouvrages de créances.
Pour les incrédules disons que ces deux
magasins sont situés rue de la Fidélité.
4-
4= *
Un marchand de ciseaux de la rue Mouf-
fetard annonce sur sa vitrine :
Fournisseur de la censure.
4-
4= 4:
Rue de Reuilly, chez un coiffeur :
On ne fait plus
la tête à la François-Joseph.
(•Interdit par la Chambre syndicale.)
ÉOLE.
DLi-4 £ ifkàû '
à la GLYCÉRINE £
Sous séquestre.
Lisez-vous les listes des Maisons alle-
mandes et austro-allemandes mises sous
séquestre par notre vigilante magistrature ?
Non? Vous avez tort, gravement tort.
D’abord, vous retrouveriez là nombre de
vos fournisseurs, et, mon Dieu 1 oui, quel-
ques-unes de vos relations. Voilà autant de
gens chez qui vous ne remettrez jamais les
pieds. A moins que ce ne soit « quelque
part», s’ils avaient le toupet de revenir...
après.
Et puis, on fait de petites remarques
amusantes. Vous n’imagineriez pas le
nombre kolossal de bijouteries en toc qui
ont été frappées. Il semble bien que, dans
cet article, que leurs vendeurs impudents
étiquetaient « Articles de Paris », l’indus-
trie française ne soit pas de taille à concur-
rencer l’industrie allemande. Pour faire
du faux, nous ne saurions lutter avec les
Boches.
Enfin, il y a les séquestrés joyeux.
Témoins (soyons discrets et généreux) :
Osw.ld (Charles-Emile) et sa maîtresse
R.th (Emma); Fr..d (Lazare) et sa maî-
tresse L.ble (Régine); S. mi (Alexandre) et
sa maîtresse Et.lka (Angèle).
Toutes ces idylles fleurissaient dans un
délicieux petit pays de Seine-et-Oise.
Vertueuse Germania, que tu dois souffrir!
Encore si ces dames étaient des damnées
Parisiennes, tu pourrais alléguer l’air per-
nicieux de Babylone, et que tes excellents
fils ont été traîtreusement séduits et entraî-
nés, tels jadis le sage Ulysse par les Si-
rènes. Mais leurs délicats prénoms ne
laissent, hélas! aucun doute sur leur natio-
nalité. Elles aussi ont été « made in Ger-
many » !
Peut-être convient-il de rappeler à
M. J. Dart, qui a la garde du séquestre, la
dernière circulaire du ministre de la Jus-
tice, où il est dit :
« A moins qu’il ne s’agisse de marchan-
dises périssables ou encombrantes, l’actif"
ne saurait être réalisé» et « les séquestres
ne sont pas, en effet, des liquidateurs ».
Voyez-vous que M. J. Dart, aille liquider
(comme on dit entre hommes) une de ces
liaisons dangereuses ?
*
* *
A la devanture de la photographie Otto, rue
Royale, une superbe photographie a parti-
culièrement attiré notre attention : elle est
placée au milieu de portraits de militaires
blessés au front.
Celle-là. représente un élégant secrétaire
d’état-major de la 20e section; ses vêtements
sont coupés avec art. Sur sa tunique, de
nombreuses décorations et le baromètre
parlementaire. Au bas, le photographe a eu
soin de mettre :
M. Jacques Stem, député des Basses-
Alpes.
*
* *
Chaque jour paraît une nouvelle publica-
tion illustrée. Nos confrères s’ingénient à
trouver de sensationnelles photographies.
Les reporters sont sur les dents : il leur faut
parlois aller jusqu’au Bourget ou à Auber-
dufrontP°Ur " prendre ” des photographies
Il y a, fort heureusement, des figurants
complaisants.
Cest ainsi qu’on a pu remarquer, sur une
photographie de la bataille de la Marne
la haute et distinguée silhouette d'un offi-
cier. Il contemplait l’horizon d’un œil
grave. Autour de lui, des niasses sombres
des cadavres allemands jonchaient le sol
ravagé.
Cet aimable officier n’a, jusqu’ici, assisté
à aucune bataille. Il s’y conduirait, certai-
nement, en héros et s y distinguerait. Pour
le moment, on ne le connaît que par quel-
ques histoires de jeu, dans un grand cercle
parisien, qui firent beaucoup de bruit 1 an
dernier. ,,,
Il est simplement attaché à 1 état-major
de Paris. Au fait, c’est peut-être au service
des... cartes?
*
* *
On annonce que deux nouvelles roulettes
ont été ouvertes à Monte-Carlo. La saison
reprend... . , .
Mais dans le temps de purée qui sévit
est-ce que la Société fera ses frais?
C’est à voir; en attendant roulez, rou-
lettes...
Une danseuse, chanteuse et auteur
même, bien connue, entrait 1 autre jour
dans le cabinet d’un de nos confrères et
tout de go lui déclarait... qu’on ne pariait
pas assez d’elle en ce moment et qu elle
tenait à ce que sa publicité reprenne sa
marche normale.
Notre confrère, très embêté, lui fit re-
marquer que ce n’était guère l’heure de
faire parler de soi.
Et voilà pourquoi sur le banc, où géné-
ralement passent les mauvais soldats, on
vit prendre place deux marchandes de plai-
sir, inculpées de « vol militaire ».
La guerre a modifié bien des choses et,
plus que toute autre, la question mode a eu
à souffrir... Souffrir est une façon de parler,
car elle est, au contraire, beaucoup moins
torturée qu’autrefois.
Nos élégantes s’habillent maintenant
très simplement. Nous avons pu le consta-
ter déjà à plusieurs reprises. Mlle F..., la
Parisienne bien connue, porte une sorte de
robe-peignoir en gros drap bleu à peine
serrée à la taille par une ceinture lâche et
MUe S. R..., l’amie du plus parisien des
couturiers, a des corsages .et des jupes
toutes simplettes qui n’ont plus de volants
ni de fentes.
Bravo, mesdemoiselles... : continuez.
On lit dans la vitrine d’un magasin de
fruiterie de la rue Saint-Jacques :
Avis. — Le patron avait épousé, en 1904,
une Allemande. Mais, pour couper court à
toutes les mauvaises langues, il est heu-
reux d’informer ses clients qu’il est divorcé
d’avec sa Boche depuis 1905. (.Jugement du
Tribunal de la Seine en date du 22 juin
1905.)
C’était l’autre jour, dans un thé de la rue
Caumartin. La jeune Ginette Darcourt qu’on
applaudira prochainement à la Comédie
royale dans la Revue de MM. Max Eddy,
Robert Beunke et Paul Perret, aperçoit
soudain un poète bien connu, qui ordinai-
rement porte... corset.
— Tiens, il n’est pas parti, celui-là, fait-
elle à un de nos confrères... Mais il a
changé, il a grandi... Avant il était busqué,
simplement; maintenant il est embusqué.
Pas mal. comme mot.
1914 1915
Oh! quel changement s’est produit! Le tango
prend un air martial et Eve s’habille à la mode
militaire.
(The Tatler, Londres.)
Alors, elle, dans un sourire, murmura...
qu’il n’était pas d'heure pour les braves.
On savait déjà que M1191. R... était brave;
elle l’avait prouve (?) quand elle s’en fut
visiter le champ de bataille de la Marne,
mais nous n’aurions quand même pas sup-
posé qu’elle le fût à ce point-là.
*
* *
M. Rip proteste contre le fait d’être em-
bousqué. Il nous déclare que s’il est cycliste
à Paris ce n’est pas à des sollicitations
particulières qu’il le doit, mais au seul ha-
sard qui lui a donné cette affectation; que,
d ailleurs, il est de l’armée auxiliaire et que,
s il était envoyé au front, il y ferait son de-
voir tout comme un autre. Ce dont nous
ne doutons pas.
* *
Aujourd’hui, tout est militarisé, même la
justice. Témoin, cette petite anecdote :
Deux filles de joie qui opèrent, en temps
de paix, comme en temps de guerre, aux
environs de la place de la République,
avaient « entôlé » un pauvre soldat de la
coloniale en quête d’amour à prix réduit...
Elles 1 avaient entôlé de dix-sept sous.
L affaire lut soumise au Gouverneur miliT
taire de Paris, qui décida que ces deux
hétaïres passeraient en conseil de guerre,
au heu d’ètre traduites devant le Tribunal
correctionnel.
*
* *
Extrait d’un ordre de mise en jugement
du troisième conseil de guerre du Gouver-
nement militaire de Paris :
« Vu la procédure instruite contre les
nommés Lebail, clairon réserviste ; Loui-
chet (Hélène) et Etelin (Germaine), filles
soumises, accusés d'abandon de poste et de
vol qualifié... »
Sûrement, ces deux filles ont dû déserter
la place où, d’habitude, elles racolent.
*
* *
Deux magasins boches contigus avaient
fermé boutique quelques jours avant la
mobilisation. A leur place viennent de
s’installer deux honorables commerçants.
Sur la boutique du premier, on peut lire :
Recouvrements de parapluiés.
Sur celle du second :
Recouvrages de créances.
Pour les incrédules disons que ces deux
magasins sont situés rue de la Fidélité.
4-
4= *
Un marchand de ciseaux de la rue Mouf-
fetard annonce sur sa vitrine :
Fournisseur de la censure.
4-
4= 4:
Rue de Reuilly, chez un coiffeur :
On ne fait plus
la tête à la François-Joseph.
(•Interdit par la Chambre syndicale.)
ÉOLE.
DLi-4 £ ifkàû '
à la GLYCÉRINE £