DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.25444#0048
L’ESPION
Le capitaine Robert Parville, niché dans
une bicoque aux trois quarts détruite du
hameau de Verlotjestock (près de Lange-
puut), expédie un déjeuner sommaire sur
une table aussi boiteuse que la Justice,
quand son ordonnance lui annonce qu’un
caporal de carabiniers demande à parler
sans retard au chef de détachement.
— Un caporal belge! Qu’est-ce qu’il
veut?
— Mon capitaine, il dit comme ça qu’il a
pris un espion.
— Eh bien ! est-ce qu’il compte me l’offrir
pour mes étrennes? Enfin, introduisez le
Belge.
(Intrat le carabinier, poussant devant
lui un individu sentant le Boche à quinze
pas, l'air piteux, mais les yeux fixes et
la mâchoire contractée.)
— Qu’est-ce que c’est, caporal ?
-— Ma capitaine, voyez seulement cette
espèce de smeerlap qui venait comme ça
rôder autour de moi, pour me tirer en
bouteille...
— Pourquoi ne l’avez-vous pas conduit à
votre chef immédiat?
— Tiens donc, parce que je suis en sen-
tinelle renforcée et je sais pas quitter mon
poste trop loin pour aller sur la grand’
garde. Alors, j’ai venu vite ici, pendant que
mes quatre hommes ils jettent une fois un
œil sur la route.
— Bon. Je vais interroger ce lascar-là.
^ k!\ id oJiîifc.
— Ça va mieux aller : les parlementaires sont
rentrés à la Chambre.
— Pensez-vous que cela va me faire louer les
miennes ? Dessin de Vidaillet.
— Ole, ma capitaine, c’est déjà bon ; pas
besoin d’essayer de causer à un kneule qui
veut tout le temps tenir les cinq minutes;
on sait plus de chemin avec! Il a voulu te-
nir le fou avec moi, et une fois prober de
jouer schampavie...
— Qu’est-ce que c’est que ce jeu-là?
— C’est ça, vous : essayer de fout' son
camp.
germania. — J’ai bien peur qu’il ne me la flanque quelque part.
Dessin de G. Delaw (Verdun, déc. 1914.)
Le capitaine Robert Parville, niché dans
une bicoque aux trois quarts détruite du
hameau de Verlotjestock (près de Lange-
puut), expédie un déjeuner sommaire sur
une table aussi boiteuse que la Justice,
quand son ordonnance lui annonce qu’un
caporal de carabiniers demande à parler
sans retard au chef de détachement.
— Un caporal belge! Qu’est-ce qu’il
veut?
— Mon capitaine, il dit comme ça qu’il a
pris un espion.
— Eh bien ! est-ce qu’il compte me l’offrir
pour mes étrennes? Enfin, introduisez le
Belge.
(Intrat le carabinier, poussant devant
lui un individu sentant le Boche à quinze
pas, l'air piteux, mais les yeux fixes et
la mâchoire contractée.)
— Qu’est-ce que c’est, caporal ?
-— Ma capitaine, voyez seulement cette
espèce de smeerlap qui venait comme ça
rôder autour de moi, pour me tirer en
bouteille...
— Pourquoi ne l’avez-vous pas conduit à
votre chef immédiat?
— Tiens donc, parce que je suis en sen-
tinelle renforcée et je sais pas quitter mon
poste trop loin pour aller sur la grand’
garde. Alors, j’ai venu vite ici, pendant que
mes quatre hommes ils jettent une fois un
œil sur la route.
— Bon. Je vais interroger ce lascar-là.
^ k!\ id oJiîifc.
— Ça va mieux aller : les parlementaires sont
rentrés à la Chambre.
— Pensez-vous que cela va me faire louer les
miennes ? Dessin de Vidaillet.
— Ole, ma capitaine, c’est déjà bon ; pas
besoin d’essayer de causer à un kneule qui
veut tout le temps tenir les cinq minutes;
on sait plus de chemin avec! Il a voulu te-
nir le fou avec moi, et une fois prober de
jouer schampavie...
— Qu’est-ce que c’est que ce jeu-là?
— C’est ça, vous : essayer de fout' son
camp.
germania. — J’ai bien peur qu’il ne me la flanque quelque part.
Dessin de G. Delaw (Verdun, déc. 1914.)