LES COMBATS MODERNES
Le bouclier de Philippe-Auguste, le heaume des croisés et les grenades
juerre de cent ans.
Nous avons le oif chagrin d'apprendre le décès de notre ami
G. de Caillavet qui, sous le pseudonyme de La Ramée, avait
bien voulu faire l'intérim d,e notre collaborateur C■ Vautel
dans la Causerie de Paris. Malade depuis de longs mois,
G. de Caillavet a voulu, jusqu'à la dernière minute, continuer
à écrire, et cette ultime collaboration au Rire rouge fut un
adoucissement aux souffrances de ses dernières semaines.
Un de nos plus brillants écrivains, auteur dramatique et
poète des plus illustres, fantaisiste délicieux, a bien voulu
accepter de remplacer notre pauvre ami, et nous l'en remer-
cions ; nos lecteurs, nous en sommes convaincus, joindront
bientôt leurs remerciements aux nôtres. N. D. !.. R.
LE RIRE DE LA SEMAINE
Les animaux savent-ils qu’il y a la guerre? Et si oui, qu’en
pensent-ils?
Ün avouera que ces deux questions prennent une énorme
importance... secondaire au moment où les atrocités teutonnes
nous révèlent avec une évidence aveuglante que nos frères les
plus inférieurs ne sont pas ceux que l’on pense, et bouleversent
toutes les idées admises sur la hiérarchie dans la cruauté,
donnant pour jamais au soldat allemand le pas sur le chacal et
sur le requin.
L) où rapide enquête personnelle auprès de quelques vétéri-
naires distingués (dans leur art), de quelques cochers de fiacre
in extremis, de quelques cornacs honoraires, et autres grands
panseurs zoologiques.
A tout seigneur tout honneur. L’infortuné cheval, en aperce-
vant la première affiche de la mobilisation a sûrement henni
— si j’ose dire, in petto — : « Il ne manquait plus que ça! » Car
ce n’est un secret pour personne que depuis longtemps les che-
vaux, dans leur extrême candeur, s’étonnaient que l’on fit tant
d histoires pour leur enlever l’œillère, au lieu de leur enlever la
voiture qui les gêne bien davantage.
Mais quoi! 11 a bien fallu obtempérer et aller composer le
grand bataillon des involontaires en sabots. Pourtant, une bonne
à main des soldats de Louis XIV. Sans compter les bombardes de la
surprise — une fois n’est pas coutume — attendait sur le champ
de bataille l’éternel sacrifié. La tactique militaire moderne
restreignait dans les plus heureuses proportions l’usage de la
a charge de cavalerie » dont, au dire des chevaux même les plus
réactionnaires, on avait un peu trop abusé sous l’Empire. La
nouvelle se répandit ventre à terre dans toutes les écuries, les
haras, les dépôts de remonte, et rassura un peu la plus noble
victime que la paresse de l’homme ait jamais faite.
Passons aux bestiaux comestibles, moins directement visés
que les chevaux, si l’on peut dire, mais non moins menacés. Leur
intelligence n’étant pas très ouverte, il leur a fallu pas mal de
temps pour s’émouvoir. Ayant l’habitude de regarder passer des
trains, ils ne s’étonnaient pas d’en voir passer davantage. Ils
pensaient simplement que les militaires et les canons voya-
geaient beaucoup cette année... Les fameux « pressentiments
douloureux », dont parle une énorme affiche qui vante partout
une conserve de viande, ne commencèrent à les hamer que
lorsqu’ils entendirent parler de certain camp de concentration
culinaire installé autour des tribunes de Longchamp, avec
admission périodique et inquiétante au pesage...
Aujourd’hui, beaucoup de ceux et de celles qui regardaient de
leurs gros yeux ronds passer les trains, font quotidiennement le
voyage pour leur compte. Ils conservent une grande sérénité, le
ciel leur ayant fort à propos refusé la compréhension précise du
mot « ravitaillement », et se hâtent presque joyeusement,
quartiers de viande inconscients, vers le quartier général.
De même qu’il y a des célébrités et des martyrs parmi les
chevaux — le pur sang français, par exemple, que le Kronpnnz
fait marcher sous lui, ne pouvant l’obliger à marcher devant —
il y a des bestiaux fameux. L’histoire anecdotique a enregistré
déjà les aventures de quelques vaches laitières qui sont allées
au feu autrement qu’en bifteck, et ont fréquenté les « mar-
mites » autrement qu’en locataires cuisant dans leur jus. La
tâche agréable et patriotique leur a été dévolue par le sort de
réconforter,grâce à un lait pur et non écrémé, ncs braves petits
troupiers de première ligne, et l’on cite à ce sujet une foule de
traites héroïques qui sont tout à leur honneur.
Avec leur résignation coutumière les braves moutons, si
Le bouclier de Philippe-Auguste, le heaume des croisés et les grenades
juerre de cent ans.
Nous avons le oif chagrin d'apprendre le décès de notre ami
G. de Caillavet qui, sous le pseudonyme de La Ramée, avait
bien voulu faire l'intérim d,e notre collaborateur C■ Vautel
dans la Causerie de Paris. Malade depuis de longs mois,
G. de Caillavet a voulu, jusqu'à la dernière minute, continuer
à écrire, et cette ultime collaboration au Rire rouge fut un
adoucissement aux souffrances de ses dernières semaines.
Un de nos plus brillants écrivains, auteur dramatique et
poète des plus illustres, fantaisiste délicieux, a bien voulu
accepter de remplacer notre pauvre ami, et nous l'en remer-
cions ; nos lecteurs, nous en sommes convaincus, joindront
bientôt leurs remerciements aux nôtres. N. D. !.. R.
LE RIRE DE LA SEMAINE
Les animaux savent-ils qu’il y a la guerre? Et si oui, qu’en
pensent-ils?
Ün avouera que ces deux questions prennent une énorme
importance... secondaire au moment où les atrocités teutonnes
nous révèlent avec une évidence aveuglante que nos frères les
plus inférieurs ne sont pas ceux que l’on pense, et bouleversent
toutes les idées admises sur la hiérarchie dans la cruauté,
donnant pour jamais au soldat allemand le pas sur le chacal et
sur le requin.
L) où rapide enquête personnelle auprès de quelques vétéri-
naires distingués (dans leur art), de quelques cochers de fiacre
in extremis, de quelques cornacs honoraires, et autres grands
panseurs zoologiques.
A tout seigneur tout honneur. L’infortuné cheval, en aperce-
vant la première affiche de la mobilisation a sûrement henni
— si j’ose dire, in petto — : « Il ne manquait plus que ça! » Car
ce n’est un secret pour personne que depuis longtemps les che-
vaux, dans leur extrême candeur, s’étonnaient que l’on fit tant
d histoires pour leur enlever l’œillère, au lieu de leur enlever la
voiture qui les gêne bien davantage.
Mais quoi! 11 a bien fallu obtempérer et aller composer le
grand bataillon des involontaires en sabots. Pourtant, une bonne
à main des soldats de Louis XIV. Sans compter les bombardes de la
surprise — une fois n’est pas coutume — attendait sur le champ
de bataille l’éternel sacrifié. La tactique militaire moderne
restreignait dans les plus heureuses proportions l’usage de la
a charge de cavalerie » dont, au dire des chevaux même les plus
réactionnaires, on avait un peu trop abusé sous l’Empire. La
nouvelle se répandit ventre à terre dans toutes les écuries, les
haras, les dépôts de remonte, et rassura un peu la plus noble
victime que la paresse de l’homme ait jamais faite.
Passons aux bestiaux comestibles, moins directement visés
que les chevaux, si l’on peut dire, mais non moins menacés. Leur
intelligence n’étant pas très ouverte, il leur a fallu pas mal de
temps pour s’émouvoir. Ayant l’habitude de regarder passer des
trains, ils ne s’étonnaient pas d’en voir passer davantage. Ils
pensaient simplement que les militaires et les canons voya-
geaient beaucoup cette année... Les fameux « pressentiments
douloureux », dont parle une énorme affiche qui vante partout
une conserve de viande, ne commencèrent à les hamer que
lorsqu’ils entendirent parler de certain camp de concentration
culinaire installé autour des tribunes de Longchamp, avec
admission périodique et inquiétante au pesage...
Aujourd’hui, beaucoup de ceux et de celles qui regardaient de
leurs gros yeux ronds passer les trains, font quotidiennement le
voyage pour leur compte. Ils conservent une grande sérénité, le
ciel leur ayant fort à propos refusé la compréhension précise du
mot « ravitaillement », et se hâtent presque joyeusement,
quartiers de viande inconscients, vers le quartier général.
De même qu’il y a des célébrités et des martyrs parmi les
chevaux — le pur sang français, par exemple, que le Kronpnnz
fait marcher sous lui, ne pouvant l’obliger à marcher devant —
il y a des bestiaux fameux. L’histoire anecdotique a enregistré
déjà les aventures de quelques vaches laitières qui sont allées
au feu autrement qu’en bifteck, et ont fréquenté les « mar-
mites » autrement qu’en locataires cuisant dans leur jus. La
tâche agréable et patriotique leur a été dévolue par le sort de
réconforter,grâce à un lait pur et non écrémé, ncs braves petits
troupiers de première ligne, et l’on cite à ce sujet une foule de
traites héroïques qui sont tout à leur honneur.
Avec leur résignation coutumière les braves moutons, si