peureux, se sont hâtés vers les rôtissoires, et l’on n’a signalé,
de leur part, sur le front, aucun coup de tête.
Les seuls ruminants qui ont été désagréablement surpris, ce
sont les chèvres. Elles se croyaient sérieusement embusquées
dans les laiteries pour convalescents ou dans les brancards des
petites voitures des Champs-Elysées, quand 1 arrivée des Hin-
dous troubla fâcheusement leur quiétude. 11 est entendu dans la
chanson que le bâton ne veut pas frapper le chien, que le chien
ne veut pas mordre la chèvre et queJla chèvre ne veut pas
manger le chou!... Mais l’Hindou, lui, dans la réalité, veut
manger la chèvre, et, ce qui est plus grave, ne veut manger que
de la chèvre!... La chèvre est une victime de l’intervention des
troupes coloniales dans la grande guerre!
Un petit tour dans nos jardins zoologiques nous a renseigné
sur la mentalité spéciale de quelques bêtes que Ion ne ren-
contre pas journellement sur son chemin.
Un animal qui a éprouvé une grosse émotion au début de
septembre, au moment où l’on parlait d’un investissement pos-
sible de Paris et du Jardin d’Aoclnnatation, c’est 1 éléphant. On
a constaté à ce moment-là sur son épiderme, que dis-je! sur son
pachyderme, l’éclosion subite d’une chair de poule propor-
tionnée à sa grosseur. C’est que l’eléphant connaît l’histoire du
Siège. Il sait qu’en mil huit cent soixante-dix deux de ses pareils
contr ibuèrent ,sous forme de viande de boucherie, à la défense
nationa le, et que dans des circonstances analogues le même sort
lui pendrait à ce qui lui sert généreusement de nez.
Tous les animaux susceptibles d’ètre mangés ont légitimement
partagé cet émoi, depuis l’âne avec lequel on fait du saucisson
de Lyon, jusqu’au lion que rien n’einpècherait de convertir en
saucisson d’âne.
Si on les avait laissés faire, les zèbres, au début de septembre,
auraient file comme des personnes.
On a beaucoup remarqué qu’à cette même époque toutes les
grues se tenaient obstinément, dans les volières, du côté du sud-
ouest.
On n’a pas pu retenir dans la capitale les grands canards
LA RÉDUCTION DE L’ÉCLAIRAGE PUBLIC
HERACLITE ET DÈMOCRITE
A BRUXELLES
... Le nonce du pape aurait offert
un grand dîner aux autorités alle-
mandes. (Quelques journaux.)
— Au dessert, on jouera à vous faire deviner combien nous avons
massacré d’abbés belges.
Dessins de L. Métivet.
parisiens. Ils se sont envolés à l’approche du danger, et se sont
abattus un peu partout, mais principalement sur des bords
d’eau.
Quant à la girafe, son histoire vaut d’être contée. Lors de la
proclamation de l’etat de siège, il paraîtrait qu’un commissaire
de police vint inopinément, à la suite d'une dénonciation ano-
nyme, s’assurer que le cou gigantesque de cet animal ne jouait
pas le rôle d’antenne dans une installation occulte de télé-
graphié sans fil. Le commissaire en fut pour l’escalade d’une
interminable échelle, mais depuis cette aventure la malheureuse
girafe donne tous les signes d’une terreur folle chaque fois
qu elle aperçoit un avion : elle a peur d’être confondue avec la
tour Eiffel... Le gouvernement militaire de Paris aurait même
ingénieusement tiré profit de cette particularité, et promu la
gn-afe au rang de guetteur : chaque fois qu’elle commence à
s agiter, notre parc d’aviation, prévenu par téléphone, envoie
immédiatement dans les airs un aéroplane inquisiteur.
J ai noté, en passant, les affres du porc-épic qui ne veut plus
sortir de sa cabane depuis qu’il a grignoté un bout de journal
où il était question des fléchettes meurtrières que laissent tom-
ber les aviateurs. On croit comprendre que le porc-épic en a
plein le dos, des fléchettes, mais que, les ayant eues jusqu’à pré-
sent dans le bon sens, il ne se soucie pas de les recevoir désor-
mais la pointe en avant.
Comme le manchot me paraissait particulièrement inquiet, je
me suis informé des raisons de son agitation : « C’est, m’a affir-
mé un gardien, qu’en sa qualité de manchot, il est très préoc-
cupé de 1 endroit où il mettra son brassard en cas de mobilisa-
tion générale des volatiles. »
Quant à 1 autruche, elle symbolise d’une façon frappante la
lou e des citoyens et des citoyennes que leur parfait égoïsme
empêche de se mêler de façon utile aux tragiques événements
e heure présente. L’autruche, dés le début de la guerre, s'est
tourré la tête sous l’aile pour ne pas voir... Elle la sort de loin
en loin, furtivement, pour demander si c’est fini, et, quand on
lui a répondu que non, elle l’y remet précipitamment, en glapis-
sant que c’est bien long ! Le Guetteur-
de leur part, sur le front, aucun coup de tête.
Les seuls ruminants qui ont été désagréablement surpris, ce
sont les chèvres. Elles se croyaient sérieusement embusquées
dans les laiteries pour convalescents ou dans les brancards des
petites voitures des Champs-Elysées, quand 1 arrivée des Hin-
dous troubla fâcheusement leur quiétude. 11 est entendu dans la
chanson que le bâton ne veut pas frapper le chien, que le chien
ne veut pas mordre la chèvre et queJla chèvre ne veut pas
manger le chou!... Mais l’Hindou, lui, dans la réalité, veut
manger la chèvre, et, ce qui est plus grave, ne veut manger que
de la chèvre!... La chèvre est une victime de l’intervention des
troupes coloniales dans la grande guerre!
Un petit tour dans nos jardins zoologiques nous a renseigné
sur la mentalité spéciale de quelques bêtes que Ion ne ren-
contre pas journellement sur son chemin.
Un animal qui a éprouvé une grosse émotion au début de
septembre, au moment où l’on parlait d’un investissement pos-
sible de Paris et du Jardin d’Aoclnnatation, c’est 1 éléphant. On
a constaté à ce moment-là sur son épiderme, que dis-je! sur son
pachyderme, l’éclosion subite d’une chair de poule propor-
tionnée à sa grosseur. C’est que l’eléphant connaît l’histoire du
Siège. Il sait qu’en mil huit cent soixante-dix deux de ses pareils
contr ibuèrent ,sous forme de viande de boucherie, à la défense
nationa le, et que dans des circonstances analogues le même sort
lui pendrait à ce qui lui sert généreusement de nez.
Tous les animaux susceptibles d’ètre mangés ont légitimement
partagé cet émoi, depuis l’âne avec lequel on fait du saucisson
de Lyon, jusqu’au lion que rien n’einpècherait de convertir en
saucisson d’âne.
Si on les avait laissés faire, les zèbres, au début de septembre,
auraient file comme des personnes.
On a beaucoup remarqué qu’à cette même époque toutes les
grues se tenaient obstinément, dans les volières, du côté du sud-
ouest.
On n’a pas pu retenir dans la capitale les grands canards
LA RÉDUCTION DE L’ÉCLAIRAGE PUBLIC
HERACLITE ET DÈMOCRITE
A BRUXELLES
... Le nonce du pape aurait offert
un grand dîner aux autorités alle-
mandes. (Quelques journaux.)
— Au dessert, on jouera à vous faire deviner combien nous avons
massacré d’abbés belges.
Dessins de L. Métivet.
parisiens. Ils se sont envolés à l’approche du danger, et se sont
abattus un peu partout, mais principalement sur des bords
d’eau.
Quant à la girafe, son histoire vaut d’être contée. Lors de la
proclamation de l’etat de siège, il paraîtrait qu’un commissaire
de police vint inopinément, à la suite d'une dénonciation ano-
nyme, s’assurer que le cou gigantesque de cet animal ne jouait
pas le rôle d’antenne dans une installation occulte de télé-
graphié sans fil. Le commissaire en fut pour l’escalade d’une
interminable échelle, mais depuis cette aventure la malheureuse
girafe donne tous les signes d’une terreur folle chaque fois
qu elle aperçoit un avion : elle a peur d’être confondue avec la
tour Eiffel... Le gouvernement militaire de Paris aurait même
ingénieusement tiré profit de cette particularité, et promu la
gn-afe au rang de guetteur : chaque fois qu’elle commence à
s agiter, notre parc d’aviation, prévenu par téléphone, envoie
immédiatement dans les airs un aéroplane inquisiteur.
J ai noté, en passant, les affres du porc-épic qui ne veut plus
sortir de sa cabane depuis qu’il a grignoté un bout de journal
où il était question des fléchettes meurtrières que laissent tom-
ber les aviateurs. On croit comprendre que le porc-épic en a
plein le dos, des fléchettes, mais que, les ayant eues jusqu’à pré-
sent dans le bon sens, il ne se soucie pas de les recevoir désor-
mais la pointe en avant.
Comme le manchot me paraissait particulièrement inquiet, je
me suis informé des raisons de son agitation : « C’est, m’a affir-
mé un gardien, qu’en sa qualité de manchot, il est très préoc-
cupé de 1 endroit où il mettra son brassard en cas de mobilisa-
tion générale des volatiles. »
Quant à 1 autruche, elle symbolise d’une façon frappante la
lou e des citoyens et des citoyennes que leur parfait égoïsme
empêche de se mêler de façon utile aux tragiques événements
e heure présente. L’autruche, dés le début de la guerre, s'est
tourré la tête sous l’aile pour ne pas voir... Elle la sort de loin
en loin, furtivement, pour demander si c’est fini, et, quand on
lui a répondu que non, elle l’y remet précipitamment, en glapis-
sant que c’est bien long ! Le Guetteur-