SOMMEIL TROUBLE
UNE VICTIME DE LA GUERRE
Mon ami Raphaël des Ormeaux — deux fois champion de
tennis, bretteur fameux et célèbre lanceur du disque — est
affecte au train des équipages. Il est, depuis le troisième jour
de la mobilisation, au service d’un haut fonctionnaire du camp
retranché; son emploi lui permet, tout en restant mobilisé (au
coin du feu), d'exhiber des bottes reluisantes, un képi île forme
exquise et un manteau coupé par le bon faiseur.
Je l’ai rencontré ce matin devant la Chambre des députés; il
avait l’air particuliérement triste, inquiet, maussade. J'en fus
effrayé. Après un instant de réflexion, je me décidai à l’aborder.
Par des questions habilement posées, j’essayai de connaître
le motif de sa méchante humeur. Avait-il été « débusqué » ?
Allait-il partir sur le front? Gérait-il mal ses affaires?
Nous arrivions au rond-point des Champs-Elysées et je
n’avais pu encore connaître le secret de sa tristesse.
— Sais-tu, me lança-t-il brusquement d'un ton bourru, ce qui
m’arrive??... Je viens de rencontrer un ministre de mes amis
et, tout en causant, j’ai appris que cette guerre serait, pour moi,
la ruine de huit ans de reflexions, d’efforts et de démarches...
Et larmoyant, il me contia :
— Il n’v aura pas, cette année, de promotions de palmes aca-
demiques...
Victor de Gignac.
rivent en trombe. Nous les taillons en pièces,
nous faisons dix mille prisonniers et nous nous
emparons des retranchements ennemis.
— Mâtin!... Vous revenez du front?
— ... Mais non! J’ai vu tout ça ce matin dans
le journal. Dessin de A. Foy.
IL FILE ! IL FILE !
— Enfin, lieutenant si vous rencontriez le Kronprinz, le reconnaîtriez-vous?
— Ma foi, je ne sais pas trop, capitaine... : jusqu’ici on ne l’a vu que de dos.
Dessin de Moriss,
UNE VICTIME DE LA GUERRE
Mon ami Raphaël des Ormeaux — deux fois champion de
tennis, bretteur fameux et célèbre lanceur du disque — est
affecte au train des équipages. Il est, depuis le troisième jour
de la mobilisation, au service d’un haut fonctionnaire du camp
retranché; son emploi lui permet, tout en restant mobilisé (au
coin du feu), d'exhiber des bottes reluisantes, un képi île forme
exquise et un manteau coupé par le bon faiseur.
Je l’ai rencontré ce matin devant la Chambre des députés; il
avait l’air particuliérement triste, inquiet, maussade. J'en fus
effrayé. Après un instant de réflexion, je me décidai à l’aborder.
Par des questions habilement posées, j’essayai de connaître
le motif de sa méchante humeur. Avait-il été « débusqué » ?
Allait-il partir sur le front? Gérait-il mal ses affaires?
Nous arrivions au rond-point des Champs-Elysées et je
n’avais pu encore connaître le secret de sa tristesse.
— Sais-tu, me lança-t-il brusquement d'un ton bourru, ce qui
m’arrive??... Je viens de rencontrer un ministre de mes amis
et, tout en causant, j’ai appris que cette guerre serait, pour moi,
la ruine de huit ans de reflexions, d’efforts et de démarches...
Et larmoyant, il me contia :
— Il n’v aura pas, cette année, de promotions de palmes aca-
demiques...
Victor de Gignac.
rivent en trombe. Nous les taillons en pièces,
nous faisons dix mille prisonniers et nous nous
emparons des retranchements ennemis.
— Mâtin!... Vous revenez du front?
— ... Mais non! J’ai vu tout ça ce matin dans
le journal. Dessin de A. Foy.
IL FILE ! IL FILE !
— Enfin, lieutenant si vous rencontriez le Kronprinz, le reconnaîtriez-vous?
— Ma foi, je ne sais pas trop, capitaine... : jusqu’ici on ne l’a vu que de dos.
Dessin de Moriss,