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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1915 (Nr. 7-58)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25444#0078
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inquiètes et prendront manifestement des attitudes de poules
mouillées, on chargera les canons spéciaux.

Rien n’empêchera, je pense, les particuliers, si 1 autorité les
déclare efficaces, d’user pour leur compte des mêmes précau-
tions. Il faut s’attendre à voir installer là-bas sur chaque fenêtre
et sur chaque balcon une cage où l’oiseau neutre (c est le serin
hollandais que je veux dire) sera remplacé par une poule a
l’œil de lynx, une poule hambourgeoise, naturellement, car
nous espérons bien qu’une brave pondeuse de chez nous, de
Houdan, par exemple, refuserait de nous trahir en révélant
par un claquement des dents l’arrivée d’un oiseau guerrier qui
vient de Fran-an-ee!...

Au demeurant, et réflexion faite, il se pourrait bien que 1 his-
toire du remplacement imminent des fameuses oies du Capitole
par des poulets ne soit qu’un canard.

*

* *

Une preuve vient d’être donnée de l’exact tude du proverbe
qui affirme que tous les goûts sont dans la nature. La netteté
avec laquelle cette preuve s’est manifestée, et le fait que ce fut
au milieu de la mitraille, en font même une preuve doublement
éclatante. Jugez-en. Que croyez-vous que le kaiser a demandé
à ses soldats pour l’anniversaire de la fondation de l’Empire?
Non ! Vous n’y êtes pas... Ce n’est, comme vous le supposez, ni
une nouvelle idée stratégique, ni une paire de bottes, néces-
sairement à revers, c’est tout simplement une victoire! Une
grande victoire si possible, une victoire moyenne au besoin; et
même, l’article victoire paraissant hors de prix en ce moment,
une toute petite victoire de rien du tout... Juste enfin de quoi
tromper la faim du peuple qui commence à trouver que six mois
de guerre et plus de deux millions d’hommes hors de combat
pour aboutir au pain KK, c’est un piètre résultat!

Les soldats teutons ont du la trouver mauvaise ! Quand on a
de l'autre côté des fils de fer des Kamarades aussi résolus que
les troupiers français, une victoire ne se trouve pas comme un

LES CADEAUX DU TRÉSORIER-PAYEUR

— Que de gâteries ! Ça ne vous prive pas, au moins ?

— Du tout : c’était pour les tranchées. Dessins de L. Métivet.

rond de serviette au bazar, et ne se décroche pas aussi facile-
ment que de la lingerie de femme dans une maison déserte au
pillage... Les soldats en question auraient préféré de beaucoup se
kôtiser pour offrir au bénéficiaire de mark une blague à tabac
ou une pipe. Mais que faire ? La blague, c’est à eux qu’on la
faisait, et c’est leur pipe à eux qu’on leur demandait de casser
pour le roi de Prusse.

11 est bien difficile de refuser de faire un cadeau qu’on vous de-
mande par l’entremise d’un peloton d’exécution. Les fidèles sujets
ont donc pris — tout étant relatif — le meilleur parti : celui de
s’exécuter eux-mêmes. Ils se sont élancés par ordre, pour tâcher
d’aller acheter la victoire exigée dans le dangereux magasin
d en face, après avoir chargé leurs canons des premiers pour-
parlers. Nous leur avons rendu la monnaie de leurs pièces avec
usure, et leur avons ensuite refusé la marchandise convoitée
avec cette furia made in Frankreieh, qui n’est pas, celui-là, un
article aisément falsifiable. A défaut d’une petite Victoire, il
leur a fallu se contenter d’acheter chèrement un jeu d’échecs.
Les rescapés l’ont fidèlement rapporté à leur empereur qui,
selon 1 usage, attendait dans le coin le plus abrité du fonds du
tréfonds du fin-fond de l’arrière-boutique, et qui refourra incon-
tinent dans son escarcelle, avec un stok important de Croix
de fer, la prime de 700 mark qu’il avait promise pour la cap-
ture d’une mitrailleuse française.

Lest tout de même, on l’avouera, une singulière mentalité
que celle de ce souverain qui, à l’occasion d’un heureux anni-
versaire, ollre à ses troupes, non pas une trêv£, non pas un
tepos et un quart de vin par-dessus le marché — mais une
occasion supplémentaire de se faire massacrer, et qui s’offre à
soi-même, comme don de joyeux avènement, un épouvantable
tableau de chasse de pas mal de milliers de cadavres !

Et voilà de quoi illuminer — mais avec des cierges!

Le Guetteur.
 
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