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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1915 (Nr. 7-58)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25444#0113
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LE KAISER DIRIGE LE BLOCUS

Manœuvrant à la gaffe un Zeppelin submersible, Sa Bochetee, est en train de couler un des plus gros vaisseaux de commerce du monde entier.

LE RIRE DE LA SEMAINE

On sait depuis longtemps que des soldats allemands, aussitôt
un village occupé, aspergent les murs de pétrole. Ce que l’on
sait depuis moins longtemps c’est que d’autres Allemands, rep-
tiles civils, aspergent activement de venin calomnieux, un peu
partout, et principalement chez les neutres, la maçonnerie de
nos alliances et de nos amitiés.

Leur dernière victime fut M. Léoncavallo, qu’ils ont tenté de
nous faire « exécuter ». Heureusement nos exécutions sont
moins sommaires et moins définitives que les leurs! Le célèbre
auteur de Paillasse ayant nettement exprimé ses sympathies
pour la France, au risque de se fermer les guichets et les
oreilles teutons, nous nous empressons de poser sur les
blessures que nos plumes abusées ont pu lui faire, un doux
pansement d’ouate italianophile et une bonne compresse de
baume sympathique.

Mais, puisque nous sommes dans la zone de guerre musicale
parlons encore un peu de M. Richard Strauss qui est, lui, le
prototype du musicien quadruple-boche.

M. Richard Strauss — qui ressemble à Wagner,en ce sens qu’il
s’appelle aussi Richard — a été mandé par l’empereur de toutes
les Allemagnes. Le kaiser est un homme bruyamment uni-
versel. Il touche à tout, même aux neutralités, et même à la
musique; il ne compose pas que son maintien, il compose
aussi des opéras et des ballets. On lui doit un certain Sarda-
napale qui fut pour lui, dans l’ordre musical, ce que fut, dans
l’ordre militaire, la bataille de la Marne.

Donc le Kaiser a mandé l’auteur de la nébuleuse Salomé,
auteur dont le nom sera sauvé de l’oubli par certaine valse du
Beau Danube bleu, composée jadis par un homonyme, et restée
le type de la rengaine universelle. Et le dialogue suivant s’en-
gagea entre Guillaume-Deux et Strauss-Cinq :

— Mon cher confrère, dit l’Empereur, je veux te confier une
importante kommandature... Pardon! une importante kom-
mande... Celle d’un hymne nouveau qui soit approprié aux
grandes circonstances prochaines...

— Une retraite en musique, alors?

— Gottdam ! Il s’agit d’un hymne magnifiquement victorieux
et bluffeur, d’une sorte de konkurrence à cette Marseillaise
si agaçante.

— Je veux bien essayer, Sire, mais une idée musicale ne se
trouve pas sous le pas d’un cheval, même impérial... Il faut
que le génie s’en mêle...

— Du génie? 11 te faut du génie? Parle! Combien? Une
escouade? Un bataillon? Un régiment?

— Mais non, Sire, j’entends par génie l’inspiration mysté-
rieuse et divine !

— Divine?... Si on invoquait le vieux Bon Dieu qui est mon
cousin Germain ?

— Peuh ! votre vieux Bon Dieu, Sire, m’a l’air, sauf votre
respect, de commencer à se désintéresser un peu de nos
affaires... et il serait peut-être temps de tâcher d’obtenir seu-
lement sa stricte neutralité... Mais revenons à notre hymne.

— J’ai mis de côté pour toi une idée musicale qui m'est venue
l’autre jour en assistant àla bataille par le téléphone...

— Bigre! une idée musicale de vous?... Enfin, allez-y... Ça
sera toujours moins dangereux qu’une idée stratégique...

— Eh bien, voilà : tralala, tralala, paf! paf / — les paflpaf!
ce sont les schrapnels— tralala, tralala, crae! crac! — ce
sont les mitraillleuses, — tralala, tralala, boum! boum! —
ce sont les quatre-cent-vingt... Voilà le thème... Avec ça
tâche d’être notre Rouget de Berlin, et fais-nous, non pas une
Marseillaise, puisque le titre est déjà pris, mais, par exemple,
une Mayençaise qui soit über ailes... Et je te ferai un beau
kadeau... Qu’est-ce que tu veux?

— Je veux la tête de Jonakaan-Debussy !

— Oui, mais à part ça?

— Je veux la tête de Jonakaan-Vincent d’Indy !

— Soit, mais ensuite?

— Je veux la tête de Jonakaan-Dukas !

— Dis donc ! mais c’est le refrain entêté — c’est le cas de
le dire — de ta Salomé que tu me serines-là !... « Je veux la
tête de Jonakaan ! ! »... Enfin, va travailler et bonne chance. ..

* Ah! à propos..., un dernier mot: le grand hymne en question,
 
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