il faut le composer uniquement pour mirlitons et bigophones
en carton...
— Sapristi! pourquoi ça?
— Parce que... Approche plus près ton oreille, que je te dise
ça tout bas : parce que tous les cuivres de l’empire sont à la
fonte ! »
*
* *
On vient de fonder officiellement en France une Académie
d’agriculture. Les communiqués qui nous en instruisent sont
d’une, avarice sordide de details.
Heureusement Le Rire, qui sait tout, peut suppléer à la pé-
nurie d’informations. Et il le prouve.
L’Academie d’agriculture sera, comme l’Institut de France,
divisée en classes, dont les principales seront: L’Académie des
fleurs, l’Académie des céréales, l’Académie de la vigne, 1 A-
cadémie des primeurs.
Ou avait pensé un moment à une Académie des li uits secs, et
puis l’on y a renoncé pour des raisons faciles à comprendre.
Le costume de cérémonie des nouveaux académiciens sera
semblable à celui des académiciens de Richelieu, sauf que le
laurier brodé légendaire, végétal symbolique essentiellement
intellectuel, sera remplacé par quelque plante potagère plus en
conformité avec le caractère et les fonctions de grosse légume
agricole.
L’épée habituelle, d’un aspect un peu trop belliqueux pour des
gens qui ne luttent que contre le ver blanc et le phylloxéra,
sera remplacée par un simple coupe-chou.
Nous sommes heureux d’offrir à nos lecteurs, avec ces quel-
ques renseignements inédits, les lignes essentielles du premier
discours de réception par lequel le président souhaitera la
bienvenue à l’un des plus gros agriculteurs de France.
« Monsieur,
« En vous appelant à elle l’Académie d’agriculture, institution
encore en herbe, n’a point entendu seulement remplir sa haute
mission qui est de séparer le bon grain de l’ivraie. En vous
donnant la pomme, en vous accordant la primeur de ses faveurs,
elle n’a point entendu vous honorer individuellement ; elle a
surtout voulu, par le choix de votre personne, rendre un hom-
mage de gratitude à la culture maraîchère tout entière... 11 faut
que cette vérité, tel un épandage bien fait, pénètre jusqu’aux
jacines profondes de votre orgueil !
« Mais ceci, Monsieur, ne tend point à rabaisser outre
I.ES DARDANELLES BOMBARDÉES
Allah! oh' la! la! On va être violées par des marsouins
Les mêmes obligations pour tous, y compris les socialistes.
Dessins de L. Métivet.
mesure les mérites réels que l’on vous accorde généralement.
Bien que moralement et physiquement taillé à coups de serpe,
vous cachez sous une rude écorce une indiscutable valeur pro-
fessionnelle dans la branche que vous avez choisie et honorée.
<i Vous avez pioché votre spécialité avec tant d’intelligence
que vous êtes arrivé à greffer adroitement sur la réussite tech-
nique la prospérité commerciale ; en même temps que vous
deveniez un grand maître dans l’art supérieur d’élever la
tomate — ce qui vous valut le Roireau à la dernière exposition
— vous trouviez le moyen de mettre du beurre dans vos épi-
nards... Qui vous en blâmerait? Nous abandonnons ce soin
cantaloup .. pardon ! quant à nous, à vos concurrents, à ces
parasites toujours prêts à bêcher leurs confrères !
« Ne vous souciez point des jaloux, ces lichens, ces « gour-
mands », ces champignons vénéneux de notre profession ■
Comme Candide, cultivez votre jardin. Continuez à mériter le
titre de » Prince des tomates » que vous gagnâtes dans les
champs de batailles horticoles à la pointe de votre hoyau! Ne
rougissez pas, tels les fruits écarlates — Lycopersicum, famille
des Solanées — tels les fruits purpurins, que dis-je ! pur purin,
d’être une des « binettes » les plus célèbres de France !
Continuez, en dépit de la grêle de dénigrements, en dépit de la
pluie d injures, à mettre vos tomates à toutes sauces! Persistez
à ratisser les premiers prix dans tous les concours pour mé-
riter 1 honneur anticipé qui vous échoit aujourd’hui!... Oui!
Vingt fois sur le lumier remettez votre ouvrage, pour gagner
bientôt, quand vous serez devenu le plus distingué de nos toma-
tologues, une rosette monstre, garance et côtelée comme votre
légume de prédilection !
» Il ne me reste plus, Monsieur, qu'à m’excuser d’avoir mis
ce qui est impardonnable dans un milieu d’agriculteurs la
charrue avant les bœuls, en plaçant dans ce discours l’ironie
traditionnelle avant la cordialité... Je veux réparer ma faute : on
dit communément que 1 Agriculture manque de bras, nous don-
nerons aujourd hui à ce dicton un éçlatant démenti en vous
ouvrant les nôtres ! »
1Applaudissements et bruit de sabots sur tous les bancs.)
Le Guetteur.
en carton...
— Sapristi! pourquoi ça?
— Parce que... Approche plus près ton oreille, que je te dise
ça tout bas : parce que tous les cuivres de l’empire sont à la
fonte ! »
*
* *
On vient de fonder officiellement en France une Académie
d’agriculture. Les communiqués qui nous en instruisent sont
d’une, avarice sordide de details.
Heureusement Le Rire, qui sait tout, peut suppléer à la pé-
nurie d’informations. Et il le prouve.
L’Academie d’agriculture sera, comme l’Institut de France,
divisée en classes, dont les principales seront: L’Académie des
fleurs, l’Académie des céréales, l’Académie de la vigne, 1 A-
cadémie des primeurs.
Ou avait pensé un moment à une Académie des li uits secs, et
puis l’on y a renoncé pour des raisons faciles à comprendre.
Le costume de cérémonie des nouveaux académiciens sera
semblable à celui des académiciens de Richelieu, sauf que le
laurier brodé légendaire, végétal symbolique essentiellement
intellectuel, sera remplacé par quelque plante potagère plus en
conformité avec le caractère et les fonctions de grosse légume
agricole.
L’épée habituelle, d’un aspect un peu trop belliqueux pour des
gens qui ne luttent que contre le ver blanc et le phylloxéra,
sera remplacée par un simple coupe-chou.
Nous sommes heureux d’offrir à nos lecteurs, avec ces quel-
ques renseignements inédits, les lignes essentielles du premier
discours de réception par lequel le président souhaitera la
bienvenue à l’un des plus gros agriculteurs de France.
« Monsieur,
« En vous appelant à elle l’Académie d’agriculture, institution
encore en herbe, n’a point entendu seulement remplir sa haute
mission qui est de séparer le bon grain de l’ivraie. En vous
donnant la pomme, en vous accordant la primeur de ses faveurs,
elle n’a point entendu vous honorer individuellement ; elle a
surtout voulu, par le choix de votre personne, rendre un hom-
mage de gratitude à la culture maraîchère tout entière... 11 faut
que cette vérité, tel un épandage bien fait, pénètre jusqu’aux
jacines profondes de votre orgueil !
« Mais ceci, Monsieur, ne tend point à rabaisser outre
I.ES DARDANELLES BOMBARDÉES
Allah! oh' la! la! On va être violées par des marsouins
Les mêmes obligations pour tous, y compris les socialistes.
Dessins de L. Métivet.
mesure les mérites réels que l’on vous accorde généralement.
Bien que moralement et physiquement taillé à coups de serpe,
vous cachez sous une rude écorce une indiscutable valeur pro-
fessionnelle dans la branche que vous avez choisie et honorée.
<i Vous avez pioché votre spécialité avec tant d’intelligence
que vous êtes arrivé à greffer adroitement sur la réussite tech-
nique la prospérité commerciale ; en même temps que vous
deveniez un grand maître dans l’art supérieur d’élever la
tomate — ce qui vous valut le Roireau à la dernière exposition
— vous trouviez le moyen de mettre du beurre dans vos épi-
nards... Qui vous en blâmerait? Nous abandonnons ce soin
cantaloup .. pardon ! quant à nous, à vos concurrents, à ces
parasites toujours prêts à bêcher leurs confrères !
« Ne vous souciez point des jaloux, ces lichens, ces « gour-
mands », ces champignons vénéneux de notre profession ■
Comme Candide, cultivez votre jardin. Continuez à mériter le
titre de » Prince des tomates » que vous gagnâtes dans les
champs de batailles horticoles à la pointe de votre hoyau! Ne
rougissez pas, tels les fruits écarlates — Lycopersicum, famille
des Solanées — tels les fruits purpurins, que dis-je ! pur purin,
d’être une des « binettes » les plus célèbres de France !
Continuez, en dépit de la grêle de dénigrements, en dépit de la
pluie d injures, à mettre vos tomates à toutes sauces! Persistez
à ratisser les premiers prix dans tous les concours pour mé-
riter 1 honneur anticipé qui vous échoit aujourd’hui!... Oui!
Vingt fois sur le lumier remettez votre ouvrage, pour gagner
bientôt, quand vous serez devenu le plus distingué de nos toma-
tologues, une rosette monstre, garance et côtelée comme votre
légume de prédilection !
» Il ne me reste plus, Monsieur, qu'à m’excuser d’avoir mis
ce qui est impardonnable dans un milieu d’agriculteurs la
charrue avant les bœuls, en plaçant dans ce discours l’ironie
traditionnelle avant la cordialité... Je veux réparer ma faute : on
dit communément que 1 Agriculture manque de bras, nous don-
nerons aujourd hui à ce dicton un éçlatant démenti en vous
ouvrant les nôtres ! »
1Applaudissements et bruit de sabots sur tous les bancs.)
Le Guetteur.