« PRO PATRIA !
D
PERPLEXITÉ
Je ne sais pas s’il avait les yt ux bigles, si son poil était roux
ou si son nez était rubicond! Je puis seulement vous assurer que
Siegfried Grosskrupensheim était un Teuton, simple soldat de
la kolossale armée de Guillaume II le Tout-Petit.
* Ce matin-là, il lisait béatement la proclamation que le
kaiser avait lancée a ses armées : « Soldat, y disait-il, la
« guerre peut durer longtemps, longtemps, cinquante ans...,
« que dis-je, soixante ans, peut-être ; chaque année, soldats,
« nous lèverons une nouvelle classe, mais songez que dans
« vingt ans le contingent sera bien faible, car vous ne pouvez
« pas servir la patrie en même temps dans les tranchées et...
■n chez vous ! Nos savants sociologues se sont occupés de la
« question et ont enfin trouvé la solution du problème ! C’est
« ainsi, soldats, que votre kaiser accorde à chacun de vous,
» à tour de rôle une permission de huit jours... Allez et multi-
« pliez... C’est pour la Patrie ! »
Siegfried Grosskrupensheim se frotta vigoureusement les
paumes l’une contre l’autre, tira sa grosse pipe de porcelaine de
sa poche graisseuse et, après l’avoir consciencieusement bourrée
et allumée, se mit à la fumer béatement. Ses yeux se mouillè-
rent de larmes : « Hoch ! murmura-t-il, hoeh fil »
Ah ! si vous aviez pu soupçonner tout ce que cette interjec-
tion contenait de choses, vous auriez compati à l’émotion du
boboche ! « Meine kleine geliebte Hildegard », et les souvenirs
de Siegfried Grosskrupensheim le ramenèrent à Francfort-sur-
le-Mein, aux interminables beuveries d’autrefois, aux parties de
pêche avec ses vieux amis Otto Baumsickingen, Friedrich
Schweinfleisch, Godfried Salomon et tant d’autres... De fil en
aiguilles il en était venu à penser à sa doulce moitié Hildegard
Grosskrupensheim, et à son devoir patriotique.
Lorsque son tour vint, Siegfried Grosskrupensheim boucla son
ceinturon, quitta la tranchée marécageuse où il croupissait
— Si je célèbre cet anniversaire, le monde va encore se f... de moi.
Dessin de Nob.
TACTIQUE MODERNE
napoléon. — Est-ce vrai que la troupe des intellectuels allemands, chargée de masquer la g -
Frédéric. — Commandée?... Commanditée..., plutôt!
est commandée par Krupp?
Dessin de d’Ostoya.
D
PERPLEXITÉ
Je ne sais pas s’il avait les yt ux bigles, si son poil était roux
ou si son nez était rubicond! Je puis seulement vous assurer que
Siegfried Grosskrupensheim était un Teuton, simple soldat de
la kolossale armée de Guillaume II le Tout-Petit.
* Ce matin-là, il lisait béatement la proclamation que le
kaiser avait lancée a ses armées : « Soldat, y disait-il, la
« guerre peut durer longtemps, longtemps, cinquante ans...,
« que dis-je, soixante ans, peut-être ; chaque année, soldats,
« nous lèverons une nouvelle classe, mais songez que dans
« vingt ans le contingent sera bien faible, car vous ne pouvez
« pas servir la patrie en même temps dans les tranchées et...
■n chez vous ! Nos savants sociologues se sont occupés de la
« question et ont enfin trouvé la solution du problème ! C’est
« ainsi, soldats, que votre kaiser accorde à chacun de vous,
» à tour de rôle une permission de huit jours... Allez et multi-
« pliez... C’est pour la Patrie ! »
Siegfried Grosskrupensheim se frotta vigoureusement les
paumes l’une contre l’autre, tira sa grosse pipe de porcelaine de
sa poche graisseuse et, après l’avoir consciencieusement bourrée
et allumée, se mit à la fumer béatement. Ses yeux se mouillè-
rent de larmes : « Hoch ! murmura-t-il, hoeh fil »
Ah ! si vous aviez pu soupçonner tout ce que cette interjec-
tion contenait de choses, vous auriez compati à l’émotion du
boboche ! « Meine kleine geliebte Hildegard », et les souvenirs
de Siegfried Grosskrupensheim le ramenèrent à Francfort-sur-
le-Mein, aux interminables beuveries d’autrefois, aux parties de
pêche avec ses vieux amis Otto Baumsickingen, Friedrich
Schweinfleisch, Godfried Salomon et tant d’autres... De fil en
aiguilles il en était venu à penser à sa doulce moitié Hildegard
Grosskrupensheim, et à son devoir patriotique.
Lorsque son tour vint, Siegfried Grosskrupensheim boucla son
ceinturon, quitta la tranchée marécageuse où il croupissait
— Si je célèbre cet anniversaire, le monde va encore se f... de moi.
Dessin de Nob.
TACTIQUE MODERNE
napoléon. — Est-ce vrai que la troupe des intellectuels allemands, chargée de masquer la g -
Frédéric. — Commandée?... Commanditée..., plutôt!
est commandée par Krupp?
Dessin de d’Ostoya.