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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1915 (Nr. 7-58)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25444#0126
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Ne quittons pas la kestion du pain allemand sans révéler
une très curieuse et très secrète résolution prise par 1 empe-
reur et gardée par lui en réserve pour parer un jour, quand
besoin sera, à une agitation populaire.

Le fameux pain double-K ne bénéficie pas précisément, chez
nos voisins, de la sympathie générale, et cela se comprend . on
a beau entasser kommunikés trukés sur trukés kommunikés, il
paraît bien évident aux Teutons les plus suggestionnés les
Teutons de Panurge •— que le commencement de la faim ne
saurait être interprété comme un indice d’éclatante réussite
militaire... D’où l’inquiétude latente et l’attente inquiète, pré-
cédant le mécontentement et, qui sait? peut-être la révolte des
moutons devenus enragés. '

Ce jour-là, il faudra donc à tout prix réhabiliter le double-K,
mark de fabrik à jamais célèbre de la panifikation de guerre
germanik, et voici ce que l’empereur a imaginé : un édit
impérial sera subitement affiché sur tous les murs qui annon-
cera solennellement aux populations au loyalisme défaillant
que le noble mot Kaiser s’écrira dorénavant, plus noblement
encore : K-Kaiser!... On compte énormément, en haut lieu,
sur cette trouvaille de l’ennoblissement du double-K pour
kalmer l’irritation du peuple.

11 serait fortement question de modifier momentané-
ment le nom de quelques journaux allemands pour leur donner
un aspect un peu plus en rapport avec l’actualité.

C’est ainsi, par exemple, que le caustique, satirique et rageur
Fliegende Blaetter munichois deviendrait le Fricken Déblatère,
et que la Gazette de Cologne songerait à s’appeler — au moins
pendant la durée de la disette de pain blanc — la Galette de
Cologne.

Enver-Pacha vient de recevoir L’emprunt allemand, ce sera

la Croix de Fer. un emprunt de... guère.

Dessins de L. Métivet.

*

* *

L’embarras boulanger do l’empire germanique a des consé-
quences auxquelles les esprits les plus subtils n’auraient jamais
songé. Certaines feuilles boches s’indignent avec véhémence
contre les citoyens assez anti-patriotes pour porter actuelle-
ment... des chemises empesées! On ne saisit pas très bien, au
premier abord, quel rapport il peut bien y avoir entre les plas-
trons bien cartonnés et bien lustrés, et le formidable conflit qui
ensanglante l’Europe; on se demande ce que viennent faire, au
milieu du déploiement des étendards, les bannières ridicules,
et comment on peut, en ce moment, s’intéresser à d’autres cols
qu’à ceux des Karpathes...

Suivez donc le raisonnement boche : qu’est-ce qu’une che-
mise empesée? C’est une chemise que l’on a traitée par
l’empois. Bon; qu’est-ce que l’empois? L’empois est une sorte
de colle préparée avec de l’amidon. Mais qu’est-ce enfin que
l’amidon? L’amidon est une substance qui se trouve surtout
dans les grains des céréales, des infiniment précieuses et infi-
niment rares céréales, et qui font, par conséquent, partie inté-
grante de la farine...

Et, ce mot magique de farine, à peine prononcé, la lumière
jaillit, éclatante, dans votre cerveau! Oui, vous y êtes! Les
citoyens allemands qui portent des chemises empesées
détournent, au profit d’une criminelle coquetterie, des par-
celles farineuses qui devraient être soigneusement réservées
pour l’usage interne!

On distinguera donc, dorénavant, un vrai patriote prussien,
d’un faux, à sa chemise — s’il en a une — et ce dicton s’établira
là-bas : « Dis-moi la chemise que tu portes et je te dirai qui
tu es. » L’homme à la « liquette » rigide est un empeseur de
manger en rond. Il soulève le cœur à la force du poignet de sa
chemise. Par contre, l’Allemand qui enveloppe sa culture dans
une chemise molle fait preuve d’un loyalisme méritoire.

Une ressource reste cependant aux Allemands qui voudraient
absolument concilier la coquetterie et le patriotisme : ce serait
d’aller faire blanchir leur linge à Londres... Seulement, voilà,
il y a par là-bas une Manche qu’il n’est pas facile de repasser...

Le Guetteur.
 
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