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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1915 (Nr. 7-58)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25444#0581
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voici, au surplus, cette énumération, précédée du commentaire
indispensable, à l’usage de toutes les petites têtes quadrangu-
laires des écoliers boches :

« Je, soussigné, director de la Kommandantur universitaire
des Etats du Centre de la Barbarie, enjoignons aux lieutenants-
professors et sous-officiers-pions des écoles allemandes de procé-
der immédiatement à la chasse impitoyable de tous les mots
français qui ont l’audace de se tenir en embuscade dans le noble
/ dialecte impérial. Nous nous contentions en temps de paix de
massacrer et de torturer ces^mots sous le hachoir à crans de
notre prononciation ; ce n’est pas assez en temps de guerre :
faute de pouvoir les fusiller ou les martyriser effectivement, il
faut les expulser, les dégorger, les expectorer ignominieuse-
ment !

« Dans ce but patriotique nous ordonnons de les brûler avec les
livres, lexiques, dictionnaires, dans lesquels ils se sont réfugiés,
comme nous avons fait si souvent pour les Belges et les Serbes
avec leurs maisons ! Mais, comme il faut compter que certains
— comme certains Belges et certains Serbes, hélas! — échap-
peront à notre juste vengeance, nous ordonnons d’afficher cette
liste de proscription avec les explications permettant aux écoliers
de se graver plus profondément dans la mémoire ces ignobles
mots ennemis :

Pardon. — Ce que nous ne devons accorder sous aucun pré-
texte aux femmes, enfants, vieillards et blessés, dans les villages
enlevés d’assaut.

Adieu. — Ce qu'il faut dire définitivement à nos prétentions
d’écraser aisément et rapidement nos ennemis, et à nos préten-
tions de domination universelle.

Retour. — Ce que commencent à souhaiter sérieusement la
grande majorité de nos soldats après quinze mois d’une guerre
qui n’en devait durer que quatre.

Couvert. — Ce qu’il faut subtiliser, s’il est en argent, dans les
maisons des pays conquis.

Bravoure. — La qualité des Français à laquelle nous n’avions
pas pensé suffisamment dans la préparation de la guerre, et qui
nous donne un fameux fil barbelé à retordre.

) Française. — La perpétuelle insulte vivante, par sa grâce
incomparable et son charme über ailes, aux femmes de chez
nous.

Plastron. — Un groupement de femmes, de bébés et d’aïeuls
terrorisés que l’on met devant soi pour affronter le choc dange-
reux de l’ennemi.

Chef. — Un bienfaiteur rempli de toutes les noblesses, de
toutes les qualités, de toutes les vertus, qui fait marcher ses

STRABISME DIVERGENT

Voilà ce que c’est que d’avoir mis des lunettes boches.

t Le beau Danube Rouge. »

Dessins de L. SJétivet.

hommes à coups de poing pendant la paix et à coups de revolver
pendant la guerre.

Vitrage. — Magnifique agencement de verres colorés, très
anciens, du xive ou du xv* siècle par exemple, chefs-d’œuvre
miraculeusement conservés jusqu’à nos jours, patrimoine pré-
cieux du genre humain, que nous avons la spécialité amusante
d’anéantir en quelques minutes avec des obus bien dirigés.

Chemisette. — Petites pièces de lingerie féminine que l’on
trouve en quantité dans les tiroirs des maisons belges et fran-
çaises, et avec lesquelles nos nobles soldats font des cadeaux à
très bon marché à leurs Gretchens.

Rage. — 1° Chez les militaires allemands : le sentiment kolé-
reux qui les fait étouffer à la vue de la résistance imprévue des
sales Belges, des plus sales Français, et des Anglais plus sales
encore !

2° Chez les civils allemands : le même sentiment qui les fera
étrangler plus tard, quand ils sauront tout.

Porte-monnaie, collier, bracelet. — Objets qu’il faut ramasser
avec soin avant de brûler une maison, — et jeter précipitamment
avant d’être fait prisonnier.

Bagage. — Ce que l’on entasse méthodiquement dans des
camions à destination de la chère Allemagne quand on poursuit
l’ennemi.

Ce que l’on abandonne au contraire précipitamment pour se
sauver à toutes jambes si c’est l’ennemi qui vous poursuit.

Monocle. — Petite rondelle de verre que les officiers alle-
mands s’incrustent dans une arcade sourcilière en signe de
noblesse, mais qui signifie pour leurs subordonnés maltraités,
boxés et cravachés, qu’ils ont le mauvais œil.

Dîner. — Nom d’un repas de fête et de victoire qui devait
avoir lieu à Paris le 15 août 1914, entre les membres de l’État-
major allemand, et qui, pour cause majeure, a été remis à une
date indéterminée.

Ballon. — En y ajoutant le mot d'essai, constitue une expres-
sion par quoi l’on désigne ironiquement en France les bruits
d’une paix désirable émanant de l’Allemagne. »

Le Guetteur.
 
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