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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1915 (Nr. 7-58)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25444#0597
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ONCLE SAM EST TROP OCCUPE

— Vous, le Boche, vous avez de la chance que tout mon temps soit

pris...; sans quoi, je vous raconterais quelque chose !

Dessin de M. Radiguet.

LA GRAMMAIRE DANS LES TRANCHÉES

(carnet d’un combattant)

.. Nous avancions péniblement, enlevant tranchée par tran-
chée.

L’une de ces tranchées Boches ne nous coûta ni un homme,
ni une blessure, ni même beaucoup de peine avant que nous
nous y installions.

Et cette opération nous révéla une des plus curieuses façons
de procéder du recrutement allemand, en ces derniers temps,
pour remplir les vides effrayants de la glorieuse armée du
kaiser.

Nous n’étions pas les seuls à avoir remarqué que certaines
unités allemandes se composaient exclusivement de vieillards à
lunettes et de jeunes éphèbes à la moustache à peine naissante.

Nous percevions aussi, dans les tranchées ennemies, à cer-
taines heures de la journée, plus spécialement de 8 à 10 heures
du matin et de 2 à 4 heures de l’après-midi, des pleurs et des
grincements de dents entremêlés de commandements sévères.

Un jour, vers 10 heures et quart du matin, une figure poupine
parut au-dessus du petit talus de nos tranchées et nous dit :

— G ut en Tag !

— Kommen sie ! répondit un de nos officiers qui savait l’alle-
mand.

Le petit Boche sauta dans notre tranchée et demanda à notre
lieutenant :

— Est-ce qu’on apprend la grammaire aux soldats, ici?

— On a autre chose à faire!... répondit l’officier. On apprend
aux Boches à saluer... Mais pourquoi ta question bizarre, jeune
Teuton ?

Et l’enfant blond, au kaki verdâtre, révéla à nos esprits avides
les curieux mystères du nouveau recrutement boche.

Le kaiser se trouvant réduit à l’appel des classes 1918, 1919,
voire 1920, mais ne voulant pas le laisser voir, faisait solliciter
les potaches appartenant à ces futures classes de s’engager
volontairement, pour garder militairement Paris, Tours. Poitiers,
Lyon et Nice, la seule partie de la France à conquérir étant
Bord< aux et Toulouse.

îJour couper à la grammaire, les potaches s’étaient engagés en
foule.

Leurs professeurs et leurs pions n’ayant plus rien à faire,
avaient été sollicités de s’engager à leur tour.

Et ils avaient accepté, en échange de certains avantages.

Du moment qu’il ne s’agissait que de garder militairement
Paris et autres villes conquises, est-ce qu’on ne pouvait pas con-
tinuer les classes en ces divers endroits? Est-ce qu’on ne pouvait
pas leur conserver leur traitement?

L’idée avait trop souri au kaiser qui avait besoin de beaucoup
d’hommes, pour qu’il tardât une minute à l’adopter!

Et voilà comment, dans les wagons à bestiaux rangés le long
du quai d’embarquement de Kœln (Cologne), les potaches, dé
joyeux, avaient vu leurs professeurs à lunettes, encore plus ter-
rifiants sous le casque à pointe, se mêler à leur foule dépitée.

Ils taxèrent leur kaiser de déloyauté, les bons potaches, car,
enfin, ils s’étaient engagés pour fuir ces macrobites à la férule
menaçante. Et on leur imposait de nouveau ces tyrans exécrés!

Vieillards à lunettes et potaches étaient descendus à la gare
de Vervins, où le nom de Vervins était caché par un fallacieux
écriteau portant le nom de Paris.

Ap rès deux jours de marche, pendant lesquels ils concentrè-
rent toutes leurs forces d’observation et d'attention à repérer
la tour Eiffel, ils furent fourrés dans une tranchée où la leçon
de grammaire continua.

Le petit Boche, qui nous apportait ces curieux détails, s’était
sauvé pendant la récréation du matin !

Une pierre lancée dans la tranchée ennemie y apporta la nou-
velle qu’aucun cours de grammaire ne se faisait dans les tran-
chées françaises.

Cent potaches teutons nous arrivaient cinq minutes après.

Et le soir, à deux heures, à l’ouverture des cours, quarante
vieillards à lunettes, professons et pions (pionnen?) venaient les
rejoindre, la férule d'une main, la Grammatik de l’autre !

... C’est là une intéressante phase de la lutte.

Tous les collèges impériaux, tous les marchands de soupe
boches sont au front. Lorsque nous les aurons tous annexés, la

guerre sera finie. T _

D Jean Drault.

— Où sont donc les proclamations que le taube
a lancées ce matin sur le cantonnement ?

— A leur place naturelle, mon lieutenant, aux

cabinets. Dessin de de Léka.

— Maintenant que mon neveu vous a raconté comment il a gagné sa croix de guerre, je vais
vous dire dans quelles circonstances j’ai obtenu les palmes académiques.

Dessin de L. Kern.
 
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