LES MISÈRES DE LA TRANCHÉB
LA MARRAINE
Mon cher ami,
Cette fois, ça y est! Je tiens la marraine de tes rêves, cette
marraine que tu réclamais à cors (de chasse sans doute) et à cris.
Ce n’est pas un vulgaire flirt par correspondance que je t’offre :
fi donc! c est bien trop banal! Une marraine va venir à toi, vio-
lant toutes les consignes qui interdisent aux femmes la zone des
armées. Tu pourras la fêter, la cajoler, voire l’embrasser...
Réjouis-toi donc, ô voluptueux, ô bel artificier, dont l’esprit, le
cœur et les sens sont autant de feux d’artifice en l’honneur de
l’éternel féminin.
Voici, maintenant, quelques notes, biographiques et autres,
concernant ton futur flirt... Elle est née à Arcachon, non loin
de la jetée. Dès sa naissance elle était donc « gironde ». Elle a
grandi dans l’obscurité et il y a peu à dire sur son enfance. Elle
n’a jamais connu ses propres parents...; les autres, ses cousines
d’Ostende, celles de Portugal, elle les méprise. Elle les trouve,
en effet, peu fines et contrefaites. « Moi au contraire, semble-t-
elle dire, j’ai de jolies formes. » Mais elle oublie que d’aucuns la
trouvent un peu plate, jugent son épiderme rugueux et son teint
plutôt verdâtre. Pourtant elle ne se fait pas de bile! Il est vrai
que certains prétendent qu’elle a eu une vie trop agitée et
u’elle a fait la noce. Aussi est-elle allée passer quelque temps
ans un patelin des Charente» dont le nom est bien connu des
gourmets, pour respirer l’air salin et, en vraie snobinette, faire
sa cure. Les mauvaises langues disent que c’est « pour se mettre
au vert ». Elle y était du reste princièrement installée dans un
grand parc... D’après des renseignements d’une autre source,
elle aurait mené, au contraire, une existence de mollusque, bien
en rapport avec ses goûts simples et sa sobriété indiscutable. Il
— Dupanloup (Octave), 73 ans, décoré pour sa belle conduite devant
les guichets de la banque de France. Dessin de L. Kern.
— Oui, monsieur le ministre, mon mari va passer un examen pour
être nommé secrétaire dans une ambulance à Paris; il passera comme
une lettre à la poste.
— Hélas ! madame, la lettre ne peut plus être recommandée.
Dessin de Sat.
paraît certain, en effet, qu’elle n’aime guère le monde. Elle est
froide, grave, ne rit jamais. Avec cela ni curieuse, ni causeuse,
et n’ouvrant la bouche en public que pour bâiller. Elle n’a jamais
pu s’habituer encore, quand elle le fait, à mettre sa main devant.
On ne se souvient pas de l’avoir entendue répondre. En somme,
on la trouve mal élevée et bêbête, pour tout dire, plutôt huître.
C’est une solitaire (de mai à septembre elle disparaît), une ren-
fermée, n’aimant pas se confier : on croirait qu’elle a toujours
peur qu’on l’avale. Avec cela prétentieuse à l’excès : « Si j’ai un
enfant, aurait-elle déclaré, ce sera sûrement une perle! »...
Détail intéressant, elle est, paraît-il, amoureuse. Mais, pour
toucher son cœur et pour qu’elle se donne, il faut employer la
manière forte et la menacer du couteau. Elle ne serait pas
femme, si, comme ses congénères, elle ne tenait pas essentielle-
ment à être « gobée ». Du reste, ses manières de pruderie ne
sont qu’un vulgaire « chiqué », car dans sa famille les collages
et les unions bizarres, môme les ménages à trois ou à quatre,
sont fréquents, et on échange des propos qui sont toujours
salés...
La circulaire Galliéni : « Dèt la deuxième
recommandation, ils seront passibles d’une
peine disciplinaire. »
ancienne GRANDE
DENTIFRICE
à la GLYCÉRINE
M A RQUE FRANÇAISE
LA MARRAINE
Mon cher ami,
Cette fois, ça y est! Je tiens la marraine de tes rêves, cette
marraine que tu réclamais à cors (de chasse sans doute) et à cris.
Ce n’est pas un vulgaire flirt par correspondance que je t’offre :
fi donc! c est bien trop banal! Une marraine va venir à toi, vio-
lant toutes les consignes qui interdisent aux femmes la zone des
armées. Tu pourras la fêter, la cajoler, voire l’embrasser...
Réjouis-toi donc, ô voluptueux, ô bel artificier, dont l’esprit, le
cœur et les sens sont autant de feux d’artifice en l’honneur de
l’éternel féminin.
Voici, maintenant, quelques notes, biographiques et autres,
concernant ton futur flirt... Elle est née à Arcachon, non loin
de la jetée. Dès sa naissance elle était donc « gironde ». Elle a
grandi dans l’obscurité et il y a peu à dire sur son enfance. Elle
n’a jamais connu ses propres parents...; les autres, ses cousines
d’Ostende, celles de Portugal, elle les méprise. Elle les trouve,
en effet, peu fines et contrefaites. « Moi au contraire, semble-t-
elle dire, j’ai de jolies formes. » Mais elle oublie que d’aucuns la
trouvent un peu plate, jugent son épiderme rugueux et son teint
plutôt verdâtre. Pourtant elle ne se fait pas de bile! Il est vrai
que certains prétendent qu’elle a eu une vie trop agitée et
u’elle a fait la noce. Aussi est-elle allée passer quelque temps
ans un patelin des Charente» dont le nom est bien connu des
gourmets, pour respirer l’air salin et, en vraie snobinette, faire
sa cure. Les mauvaises langues disent que c’est « pour se mettre
au vert ». Elle y était du reste princièrement installée dans un
grand parc... D’après des renseignements d’une autre source,
elle aurait mené, au contraire, une existence de mollusque, bien
en rapport avec ses goûts simples et sa sobriété indiscutable. Il
— Dupanloup (Octave), 73 ans, décoré pour sa belle conduite devant
les guichets de la banque de France. Dessin de L. Kern.
— Oui, monsieur le ministre, mon mari va passer un examen pour
être nommé secrétaire dans une ambulance à Paris; il passera comme
une lettre à la poste.
— Hélas ! madame, la lettre ne peut plus être recommandée.
Dessin de Sat.
paraît certain, en effet, qu’elle n’aime guère le monde. Elle est
froide, grave, ne rit jamais. Avec cela ni curieuse, ni causeuse,
et n’ouvrant la bouche en public que pour bâiller. Elle n’a jamais
pu s’habituer encore, quand elle le fait, à mettre sa main devant.
On ne se souvient pas de l’avoir entendue répondre. En somme,
on la trouve mal élevée et bêbête, pour tout dire, plutôt huître.
C’est une solitaire (de mai à septembre elle disparaît), une ren-
fermée, n’aimant pas se confier : on croirait qu’elle a toujours
peur qu’on l’avale. Avec cela prétentieuse à l’excès : « Si j’ai un
enfant, aurait-elle déclaré, ce sera sûrement une perle! »...
Détail intéressant, elle est, paraît-il, amoureuse. Mais, pour
toucher son cœur et pour qu’elle se donne, il faut employer la
manière forte et la menacer du couteau. Elle ne serait pas
femme, si, comme ses congénères, elle ne tenait pas essentielle-
ment à être « gobée ». Du reste, ses manières de pruderie ne
sont qu’un vulgaire « chiqué », car dans sa famille les collages
et les unions bizarres, môme les ménages à trois ou à quatre,
sont fréquents, et on échange des propos qui sont toujours
salés...
La circulaire Galliéni : « Dèt la deuxième
recommandation, ils seront passibles d’une
peine disciplinaire. »
ancienne GRANDE
DENTIFRICE
à la GLYCÉRINE
M A RQUE FRANÇAISE
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
1. Les Misères de la tranchér 2. Oui, monsieur le minsitre, mon mari va passer ... 3. Un ordre du jour 4. La circulaire Galliéni: "Dès la deuxième recommandation, ils seront passibles d'une peine disciplinaire"
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: 1. - Dégoûtant, ...ce temps-là! Le tabac est humide, pas moyen d'allumer sa pipe... 2. Oui, monsieur le ministre, mon mari va passer un examen pour être nommé secrétaire dans une ambulance à Paris; il passéra comme une lettre à la poste...- Hélas, madame, la lettre ne peut plus être recommandée. 3. Dupanloup (Octave), 73 ans, décoré pour sa belle conduite devant les guichets de la banque de France. 4. Un mois de prison! ...Fallait-il qu'il soye pistonné. Bildbeschriftung: Emprunt de la Victoire. Souscrire c'est combattre.
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1916
Entstehungsdatum (normiert)
1911 - 1921
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire rouge, 1916, No. 59 (1er Janvier 1916), S. 8
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg