COMPENSATION
— C’est l’monsieur du cinueme ! 11 a dune été
blessé à la guerre?
— Non ! Mais tous ceux qui restent, je leur fais
casser la gueule, en éteignant le gaz dans les
escaliers. Dessin de Rob-Duhamel.
MINNIE ET LA GUERRE
L’HEURE DU COMMUNIQUÉ
Avec cette acuité toute particulière qui fermait à son cervelet
de linote-type les issues les plus lumineusement ouvertes sur les
importantes questions du jour — celles de la nuit, à vrai dire,
étant mieux de son ressort, ou du ressort de son sommier —
Minnie, par une revanche bien féminine, ne laissait rien
échapper des plus superficielles et discrètes avances dont sa
gracile personne était l’objet de luxe.
Ainsi, tout, dans cette guerre mondiale, ne lui apparaissait pas
également négligeable. Elle était fort sensible — en dehors des
enthousiasmes qui secouaient éperdument son émotion devant
un beau film à panache — elle s’offrait un frémissement de
plaisir réel sous l’œillade que maints sveltes officiers, abondam-
ment enrubannés, payaient en hommage fugitif à sa joliesse
aguichante.
L’héroïsme la touchait particulièrement lorsqu’il auréolait un
physique agréable. Il l’eût touchée bien davantage, et même
d’excessivement près, si les destinataires distraits se fussent
donné la peine — est-ce que c’eût été vraiment une peine? — de
traduire littéralement la promesse de son sourire.
Minnie se sentait incapable de déchiffrer la moindre feuille
imprimée, pour toutes sortes de raisons dont la plus galamment
avouable était sa nervosité, mais elle n’ignorait pas pour cela
que, chaque jour, chaque journal réservait ses meilleures
colonnes aux différents — et si semblables communiqués.
— Parlez sans crainte, confiez-vous : une oreille amie vous écoute.
Dessin de Sai.
Ah! ces communiqués, qu’elle ne lisait point, comme, cepen-
dant, lorsqu’ils claironnaient un sérieux succès des nôtres, ils
remplissaient d’aise toute son âme et une grosse partie de son
petit corps !
Cette joie s’inspirait de motifs obscurément patriotiques, encore
que parfaitement sincères. Sans doute ses sentiments nationaux
vibraient-ils alors au complet, mais — pour être Française on
n’en est pas moins femme — d’autres frissons secrets ébranlaient
sa nature impressionnable.
Sa perspicacité s’était vite rendu compte que les expansions,
en effet, de l’ami le plus aimé du moment se ressentaient avec
bonheur des fluctuations guerrières. Son offensive s’accentuait en
même temps que celle de nos troupes. Et les avances du front
réglaient celles de son cœur.
Un des plus précieux souvenirs, après celui de la bataille de la
Marne, était sorti de ce soir radieux où sur l’Yser infranchis-
sable nos armées, définitivement, avaient brisé l’élan prussien.
Quelle victoire!
Sa gratitude en avait conservé le numéro du journal même
qui relatait les exploits fameux dont la répercussion l’avait si
profondément atteinte.
Depuis, elle avait retrouvé d’autres beaux instants encore
certes, parfois prolongés et toujours trop brefs, mais l’heureuse
Le front est infesté de rats.
(Les journaux.)
— C’est l’monsieur du cinueme ! 11 a dune été
blessé à la guerre?
— Non ! Mais tous ceux qui restent, je leur fais
casser la gueule, en éteignant le gaz dans les
escaliers. Dessin de Rob-Duhamel.
MINNIE ET LA GUERRE
L’HEURE DU COMMUNIQUÉ
Avec cette acuité toute particulière qui fermait à son cervelet
de linote-type les issues les plus lumineusement ouvertes sur les
importantes questions du jour — celles de la nuit, à vrai dire,
étant mieux de son ressort, ou du ressort de son sommier —
Minnie, par une revanche bien féminine, ne laissait rien
échapper des plus superficielles et discrètes avances dont sa
gracile personne était l’objet de luxe.
Ainsi, tout, dans cette guerre mondiale, ne lui apparaissait pas
également négligeable. Elle était fort sensible — en dehors des
enthousiasmes qui secouaient éperdument son émotion devant
un beau film à panache — elle s’offrait un frémissement de
plaisir réel sous l’œillade que maints sveltes officiers, abondam-
ment enrubannés, payaient en hommage fugitif à sa joliesse
aguichante.
L’héroïsme la touchait particulièrement lorsqu’il auréolait un
physique agréable. Il l’eût touchée bien davantage, et même
d’excessivement près, si les destinataires distraits se fussent
donné la peine — est-ce que c’eût été vraiment une peine? — de
traduire littéralement la promesse de son sourire.
Minnie se sentait incapable de déchiffrer la moindre feuille
imprimée, pour toutes sortes de raisons dont la plus galamment
avouable était sa nervosité, mais elle n’ignorait pas pour cela
que, chaque jour, chaque journal réservait ses meilleures
colonnes aux différents — et si semblables communiqués.
— Parlez sans crainte, confiez-vous : une oreille amie vous écoute.
Dessin de Sai.
Ah! ces communiqués, qu’elle ne lisait point, comme, cepen-
dant, lorsqu’ils claironnaient un sérieux succès des nôtres, ils
remplissaient d’aise toute son âme et une grosse partie de son
petit corps !
Cette joie s’inspirait de motifs obscurément patriotiques, encore
que parfaitement sincères. Sans doute ses sentiments nationaux
vibraient-ils alors au complet, mais — pour être Française on
n’en est pas moins femme — d’autres frissons secrets ébranlaient
sa nature impressionnable.
Sa perspicacité s’était vite rendu compte que les expansions,
en effet, de l’ami le plus aimé du moment se ressentaient avec
bonheur des fluctuations guerrières. Son offensive s’accentuait en
même temps que celle de nos troupes. Et les avances du front
réglaient celles de son cœur.
Un des plus précieux souvenirs, après celui de la bataille de la
Marne, était sorti de ce soir radieux où sur l’Yser infranchis-
sable nos armées, définitivement, avaient brisé l’élan prussien.
Quelle victoire!
Sa gratitude en avait conservé le numéro du journal même
qui relatait les exploits fameux dont la répercussion l’avait si
profondément atteinte.
Depuis, elle avait retrouvé d’autres beaux instants encore
certes, parfois prolongés et toujours trop brefs, mais l’heureuse
Le front est infesté de rats.
(Les journaux.)