LA DÉFENSE DE LA REDOUTE
GOMMENT LE PETIT JÉSUS
SE PAYA LA CABOCHE DU VIEUX DIEU BOCHE
Cette histoire m’a ôté contée par mon ami Barnavaux, le mar-
souin, quand il est venu en permission du jour de l’an. Vous
pouvez la tenir pour absolument véridique, car, narguant les
ukases antibacchiques du gouverneur militaire, le brave conteur
s’est maintenu durant ses six jours dans le plus doux état
d’ébriété et chacun sait que la Vérité, dégoûtée de l’eau de son
puits, s’est depuis longtemps réfugiée dans le vin.
C’était la nuit de Noël. Minuit, chrétiens! Un petit enfant se
promenait entre les tranchées françaises et ies tranchées boches
aussi tranquillement que dans le jardin des Tuileries. II était
vêtu d’une longue robe blanche dont la lumière rayonnait
comme d’un flambeau et il portait, attachée à ses mignonnes
épaules, une toute petite hotte d'or. Quoique je sois payé à la
ligne et qu’il y ait matière à vous intriguer longuement avec un
aussi extraordinaire bambin, j’aime mieux vous dire tout de suite
que c’était le petit Jésus.
Il s’en allait en monologuant d'une voix douce comme le cristal
d’une source :
— Où sont-ils, ces marsouins à qui j’apporte leur petit noël?
On ne s’y reconnaît pas au milieu de toutes ces tranchées, de
tous ces boyaux. Et, comme toujours, pas d’agent pour vous
indiquer le chemin.
Tout à coup, un vieux monsieur se dressa devant lui. Il avait
une longue barbe blanche, des lunettes d’or, une houppelande
défraîchie et l’air en dessous. A son dos pendait une hotte qui
voulait passer pour être en or, mais qui était tout juste en mau-
vaise camelote grossièrement dorée. Il déambulait en ce terrible
endroit aussi flegmatiquement qu’en un casino d’Helvétie. Encore
un avec qui il me serait facile de tirer à la ligne! Cependant, je
vous déclare tout net que c’était le vieux dieu boche qui distri-
buait, lui aussi, des petits noëls à ses fidèles.
— Vous cherchez quelque chose? demanda-t-il au petit Jésus
de son air le plus paterne.
— Oui, monsieur, répondit l’Enfant-Dieu, et je vous serai bien
obligé si vous me tirez d’embarras. Il y a tout près d’ici de
braves Français à qui j’apporte un joyeux réveillon. Pouvez-vous
m’indiquer leur tranchée?
— Rien de plus facile, mon mignon, répondit le vieux dieu
boche.
Du doigt il montra un point tout proche. Après l’avoir
remercié, lé petit Jésus y courut et se mit à sortir de sa hotte
une foule de bonnes choses qui n’y pouvaient tenir que par
miracle : une douzaine de dindes cuites à point, près d’un kilo-
mètre de boudin, des pâtés truffés et une cinquantaine de bou-
teilles de champagne coiffées d’or. Le vieux dieu boche le
regardait faire de loin et il se frottait les mains en riant d'un
gros rire méchant. Car cette tranchée, qu’il avait indiquée au
petit Jésus comme celle des vaillants marsouins de France, était
occupée par un régiment prussien. Canaille de vieux dieu, va !
Heureusement que les marsouins ne se laissent pas prendre
sans vert. Chaque nuit, quelques-uns d’entre eux s’en allaient
ramper aux abords de la tranchée boche, pour voir s’il n’y avait
pas quelque tour à jouer aux gueux de voisins : sentinelle à
enlever ou fils de fer à couper. Cette nuit-là, vous jugez de leur
LE SPECTACLE A SALONIQUE
— Pour le jour de l’an, j’ai envoyé a mon poilu
— Montez donc, chères amies... C’est très chic, on voit la guerre d’ici... douze cahiers de papier Zig-Zag... 11 m’écrit qu'il a
Dessin de M. Arnac. été f°u de joie ! ! ! Dessin de Manfredini.
GOMMENT LE PETIT JÉSUS
SE PAYA LA CABOCHE DU VIEUX DIEU BOCHE
Cette histoire m’a ôté contée par mon ami Barnavaux, le mar-
souin, quand il est venu en permission du jour de l’an. Vous
pouvez la tenir pour absolument véridique, car, narguant les
ukases antibacchiques du gouverneur militaire, le brave conteur
s’est maintenu durant ses six jours dans le plus doux état
d’ébriété et chacun sait que la Vérité, dégoûtée de l’eau de son
puits, s’est depuis longtemps réfugiée dans le vin.
C’était la nuit de Noël. Minuit, chrétiens! Un petit enfant se
promenait entre les tranchées françaises et ies tranchées boches
aussi tranquillement que dans le jardin des Tuileries. II était
vêtu d’une longue robe blanche dont la lumière rayonnait
comme d’un flambeau et il portait, attachée à ses mignonnes
épaules, une toute petite hotte d'or. Quoique je sois payé à la
ligne et qu’il y ait matière à vous intriguer longuement avec un
aussi extraordinaire bambin, j’aime mieux vous dire tout de suite
que c’était le petit Jésus.
Il s’en allait en monologuant d'une voix douce comme le cristal
d’une source :
— Où sont-ils, ces marsouins à qui j’apporte leur petit noël?
On ne s’y reconnaît pas au milieu de toutes ces tranchées, de
tous ces boyaux. Et, comme toujours, pas d’agent pour vous
indiquer le chemin.
Tout à coup, un vieux monsieur se dressa devant lui. Il avait
une longue barbe blanche, des lunettes d’or, une houppelande
défraîchie et l’air en dessous. A son dos pendait une hotte qui
voulait passer pour être en or, mais qui était tout juste en mau-
vaise camelote grossièrement dorée. Il déambulait en ce terrible
endroit aussi flegmatiquement qu’en un casino d’Helvétie. Encore
un avec qui il me serait facile de tirer à la ligne! Cependant, je
vous déclare tout net que c’était le vieux dieu boche qui distri-
buait, lui aussi, des petits noëls à ses fidèles.
— Vous cherchez quelque chose? demanda-t-il au petit Jésus
de son air le plus paterne.
— Oui, monsieur, répondit l’Enfant-Dieu, et je vous serai bien
obligé si vous me tirez d’embarras. Il y a tout près d’ici de
braves Français à qui j’apporte un joyeux réveillon. Pouvez-vous
m’indiquer leur tranchée?
— Rien de plus facile, mon mignon, répondit le vieux dieu
boche.
Du doigt il montra un point tout proche. Après l’avoir
remercié, lé petit Jésus y courut et se mit à sortir de sa hotte
une foule de bonnes choses qui n’y pouvaient tenir que par
miracle : une douzaine de dindes cuites à point, près d’un kilo-
mètre de boudin, des pâtés truffés et une cinquantaine de bou-
teilles de champagne coiffées d’or. Le vieux dieu boche le
regardait faire de loin et il se frottait les mains en riant d'un
gros rire méchant. Car cette tranchée, qu’il avait indiquée au
petit Jésus comme celle des vaillants marsouins de France, était
occupée par un régiment prussien. Canaille de vieux dieu, va !
Heureusement que les marsouins ne se laissent pas prendre
sans vert. Chaque nuit, quelques-uns d’entre eux s’en allaient
ramper aux abords de la tranchée boche, pour voir s’il n’y avait
pas quelque tour à jouer aux gueux de voisins : sentinelle à
enlever ou fils de fer à couper. Cette nuit-là, vous jugez de leur
LE SPECTACLE A SALONIQUE
— Pour le jour de l’an, j’ai envoyé a mon poilu
— Montez donc, chères amies... C’est très chic, on voit la guerre d’ici... douze cahiers de papier Zig-Zag... 11 m’écrit qu'il a
Dessin de M. Arnac. été f°u de joie ! ! ! Dessin de Manfredini.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La Défense de la redoute; Le Spectacle à Salonique; Pour le jour de l'an, j'ai envoyé à mon poilu douze cahiers de papier Zig-Zag...
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: 1. Vous tenez toujours? - Oui, mon colonel, nous tenons toujours. - Combien-êtes vous? - Deux, Lebel et moi, mon Colonel. 2. Montez donc, chères amies, C'est très chic...on voit la guerre d'ici. 3. Pour le jour de l'an, j'ai envoyé à mon poilu douze cahiers de papier Zig-Zag...il m'écrit qu'il a été fou de joie...!!!
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1916
Entstehungsdatum (normiert)
1911 - 1921
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire rouge, 1916, No. 61 (15 Janvier 1916), S. 9
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg