l’avenir de l’allemagne (Projet de billet de banque boche.)
— Voilà tout ce qui restera de colossal !...
LE RIRE DE LA SEMAINE
Le mark allemand est un type dans le genre de François-
Joseph d’Autriche : il baisse à vue d’œil.
Or, on sait que la diminution de la valeur du mark allemand à
l’étranger est le symptôme le plus authentique du mauvais état
des affaires boches. Le mark est le grand baromètre qui sert à
mesurer la confiance des neutres — mieux renseignés que nous
— dans l’avenir de la Confédération centrale. On comprend donc
que nous tapotions tous les matins ce baromètre avec une ardente
curiosité, et que notre joie soit sans égale de le voir passer suc-
cessivement de beau fixe à variable, puis à pluie ou vent, et
approcher enfin de tempête.
Cela commence donc à aller assez mal en Bocbie; aussi le
Rire qui est, lui, un type dans le genre d’Abraham, en ce sens
qu’il ne recule devant aucun sacrifice, le Rire, dis-je, a jugé le
moment favorable pour envoyer un de ses rédacteurs à Berlin,
avec- mission d’aller examiner de prés dans sa cage le fameux
Aigle noir symbolique, qui représente la puissance allemande sur
tous les objets made in Germany, et s’étale aussi bien sur la
façade en granit des épais monuments cyclopéens qu’au fond des
récipients en faïence les plus intimes.
Un rédacteur du Rire s’est donc déguisé en neutre inoffensif.
Il s'est teint en blond clair, il a mis des lunettes d’or, et puis,
pourvu de papiers fabriqués, meilleurs que des vrais, et muni
aussi d’un charabia suffisant, il a gagné la Suisse, puis le fief du
kaiser.
A la frontière on lui a enjoint de se dévêtir. Ses vêtements ont
été examinés sur toutes les coutures, et lui-même sur toutes les
siennes... On lui a demandé s’il n’avait pas de tatouages à
déclarer, et on l’a plongé dans des réactifs, ni plus ni moins qu’une
plaque photographique, pour faire apparaître, le cas échéant,
sur sa peau, d’éventuelles impressions épidermiques.
Les traces même de ses vaccinations lointaines ont été exami-
nées au microscope pour le cas où elles auraient quelque
secrète signification hiéroglyphique.
Enfin il a pu passer et prendre le train pour la capitale boche.
C est dans le chemin de fer qu’il a eu la première confirmation
de l’authenticité des bruits qui nous arrivent affaiblis, bruits con-
cernant les difficultés de la vie matérielle en Outre-Rhin. Il y
avait en effet dans son wagon un commis voyageur tudesque en
choucroute garnie, gros et joyeux compère très exhubérant, et
qui parlait volontiers le français, ayant jadis placé énormément
de choucroute garnie en France, principalement dans nos places
fortes et autour de nos ouvrages militaires.
— Vous avez l’air d’un fameux luron ! entama notre rédacteur
dans un français volontairement empoisonné d’accent deutsch.
— Pourquoi pas? riposta le gras-double germanique... Le
malheur des uns fait le bonheur des autres, et on s’arrache mes
stocks de marchandise comestible à prix d’or!
— Vous ne paraissez pas, en effet, souffrir de la disette géné-
rale?
— Je vous crois! J’ai augmenté de dix-huit kilos depuis le
blocus!... Cela tient à ce que je voyage pour mon commerce
depuis dix-sept mois sans interruption et que, pour qu’ils ne soient
pas perdus, je suis obligé de dévorer chaque soir les échantillons
de choucroute garnie que j’ai reçus le matin de la maison mère,
soit une petite malle à trois compartiments.
— Tout le monde voudrait bien pouvoir en dire autant! sou-
pira hypocritement notre rusé rédacteur, avec un air de profonde
affliction.
Son interlocuteur tomba dans le panneau et céda à l’impé-
rieux besoin, professionnel si l’on en croit la légende, de la bla-
gue calembouresque :
— Ah bien sûr! car jamais l’Allemagne n’a mieux justifié son
titre...
— Son titre? Qu’entendez-vous par là?
— Eh oui... l’Allemagne est à bout de ressources puisque l’Alle-
magne — tenez-vous bien! — c’est là qu'on fait des rations!!
Et un énorme rire de quatre-cent-vingt secoua ce que nous
appellerons les « tripes à la mode de Kant » du colosse boche.
Une fois à Berlin notre rédacteur s’empressa d’aller à la re-
cherche de l’Aigle noir symbolique. Cet aigle était autrefois ex-
posé en plein centre de Berlin dans une cage d’or, et tous les
Allemands venaient l’admirer et se réjouir de son air orgueilleux,
de son allure insolente et de sa santé superbe.
Cette fois, la cage était vide; aussi notre correspondant s’in-
forma-t-il... On le regarda d’abord avec méfiance, et puis, parce
qu’il eut l’idée de se donner comme vétérinaire éminent, on finit
par lui confier que l’Aigle noir était très malade et qu’on l’avait
remisé à l’écart pour ne pas démoraliser la foule par son aspect
affligeant.
Notre vétérinaire neutre se présenta donc à l’endroit indiqué,
— Voilà tout ce qui restera de colossal !...
LE RIRE DE LA SEMAINE
Le mark allemand est un type dans le genre de François-
Joseph d’Autriche : il baisse à vue d’œil.
Or, on sait que la diminution de la valeur du mark allemand à
l’étranger est le symptôme le plus authentique du mauvais état
des affaires boches. Le mark est le grand baromètre qui sert à
mesurer la confiance des neutres — mieux renseignés que nous
— dans l’avenir de la Confédération centrale. On comprend donc
que nous tapotions tous les matins ce baromètre avec une ardente
curiosité, et que notre joie soit sans égale de le voir passer suc-
cessivement de beau fixe à variable, puis à pluie ou vent, et
approcher enfin de tempête.
Cela commence donc à aller assez mal en Bocbie; aussi le
Rire qui est, lui, un type dans le genre d’Abraham, en ce sens
qu’il ne recule devant aucun sacrifice, le Rire, dis-je, a jugé le
moment favorable pour envoyer un de ses rédacteurs à Berlin,
avec- mission d’aller examiner de prés dans sa cage le fameux
Aigle noir symbolique, qui représente la puissance allemande sur
tous les objets made in Germany, et s’étale aussi bien sur la
façade en granit des épais monuments cyclopéens qu’au fond des
récipients en faïence les plus intimes.
Un rédacteur du Rire s’est donc déguisé en neutre inoffensif.
Il s'est teint en blond clair, il a mis des lunettes d’or, et puis,
pourvu de papiers fabriqués, meilleurs que des vrais, et muni
aussi d’un charabia suffisant, il a gagné la Suisse, puis le fief du
kaiser.
A la frontière on lui a enjoint de se dévêtir. Ses vêtements ont
été examinés sur toutes les coutures, et lui-même sur toutes les
siennes... On lui a demandé s’il n’avait pas de tatouages à
déclarer, et on l’a plongé dans des réactifs, ni plus ni moins qu’une
plaque photographique, pour faire apparaître, le cas échéant,
sur sa peau, d’éventuelles impressions épidermiques.
Les traces même de ses vaccinations lointaines ont été exami-
nées au microscope pour le cas où elles auraient quelque
secrète signification hiéroglyphique.
Enfin il a pu passer et prendre le train pour la capitale boche.
C est dans le chemin de fer qu’il a eu la première confirmation
de l’authenticité des bruits qui nous arrivent affaiblis, bruits con-
cernant les difficultés de la vie matérielle en Outre-Rhin. Il y
avait en effet dans son wagon un commis voyageur tudesque en
choucroute garnie, gros et joyeux compère très exhubérant, et
qui parlait volontiers le français, ayant jadis placé énormément
de choucroute garnie en France, principalement dans nos places
fortes et autour de nos ouvrages militaires.
— Vous avez l’air d’un fameux luron ! entama notre rédacteur
dans un français volontairement empoisonné d’accent deutsch.
— Pourquoi pas? riposta le gras-double germanique... Le
malheur des uns fait le bonheur des autres, et on s’arrache mes
stocks de marchandise comestible à prix d’or!
— Vous ne paraissez pas, en effet, souffrir de la disette géné-
rale?
— Je vous crois! J’ai augmenté de dix-huit kilos depuis le
blocus!... Cela tient à ce que je voyage pour mon commerce
depuis dix-sept mois sans interruption et que, pour qu’ils ne soient
pas perdus, je suis obligé de dévorer chaque soir les échantillons
de choucroute garnie que j’ai reçus le matin de la maison mère,
soit une petite malle à trois compartiments.
— Tout le monde voudrait bien pouvoir en dire autant! sou-
pira hypocritement notre rusé rédacteur, avec un air de profonde
affliction.
Son interlocuteur tomba dans le panneau et céda à l’impé-
rieux besoin, professionnel si l’on en croit la légende, de la bla-
gue calembouresque :
— Ah bien sûr! car jamais l’Allemagne n’a mieux justifié son
titre...
— Son titre? Qu’entendez-vous par là?
— Eh oui... l’Allemagne est à bout de ressources puisque l’Alle-
magne — tenez-vous bien! — c’est là qu'on fait des rations!!
Et un énorme rire de quatre-cent-vingt secoua ce que nous
appellerons les « tripes à la mode de Kant » du colosse boche.
Une fois à Berlin notre rédacteur s’empressa d’aller à la re-
cherche de l’Aigle noir symbolique. Cet aigle était autrefois ex-
posé en plein centre de Berlin dans une cage d’or, et tous les
Allemands venaient l’admirer et se réjouir de son air orgueilleux,
de son allure insolente et de sa santé superbe.
Cette fois, la cage était vide; aussi notre correspondant s’in-
forma-t-il... On le regarda d’abord avec méfiance, et puis, parce
qu’il eut l’idée de se donner comme vétérinaire éminent, on finit
par lui confier que l’Aigle noir était très malade et qu’on l’avait
remisé à l’écart pour ne pas démoraliser la foule par son aspect
affligeant.
Notre vétérinaire neutre se présenta donc à l’endroit indiqué,
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
L'Avenir de l'Allemagne (Projet de billet de banque boche.)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: - Voilà tout ce qui restera de colossal!...
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1916
Entstehungsdatum (normiert)
1911 - 1921
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le rire rouge, 1916, No. 62 (22 Janvier 1916), S. 3
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg