LE SOUS-MARIN DE POCHE
LE PERMISSIONNAIRE
I
Si l'Allemagne était organisée ! Ah! Mon-
sieur! Mais ce pays accomplit ce qu’il veut!
Il a réalisé à coups de millions toutes les
inventions sorties du cerveau d’Alphonse
Allais, et qui semblaient au Français timide
des fantaisies un peu outrées.
L’Allemagne a fait plus ! Elle a outre-
passé certaines des conceptions les plus
audacieuses de cet amiral X..., qui, dans
l'Information, morigène notre marine et
lui crie à tue-tête :
« Vous manquez d’initiative ! Voyez les
Boches ! Ils transportent des sous-marins
fragmentés par chemins de fer et ils leurs
font traverser l’Europe. Pourquoi n’en
faisons-nous pas autant? Cela est possible!
Cela même est facile ! »
Pauvre amiral X..., l’Allemagne a exécuté
des prouesses plus sérieuses que celles
dont il parle! Vous en doutez?
Ecoutez !
— Qu’est-ce qui peut bien les intéresser comme ça dans les journaux? Dessin de G. Hautot.
DÉCISION
Par ordre du kaiser et de son vieux bon
nouvel ordre.
Dieu, le carême est prolongé en Allemagne jusqu’à
Dessin de P. Bon*.
entendre parler allemand. Tous deux écou-
tèrent.
— C’est bien de l’allemand! dit l’inter-
/
prête.
— Et que disent ces réfugiés, entre eux?
— L’un d’eux parait inquiet. Il demande
aux autres: « Le gouvernail est égaré! Où
l’avez-vous mis? >>
— Le gouvernail? ils disent le gouvernail?
— Ils disent le gouvernail!
— C’est biscornu, cette affaire-là!
— C’est biscornu! Au revoir!
Le train partait. L’employé fit son rap-
port. On se moqua de lui. On l’accusa de
monter un bateau, avec son gouvernail!
II
Le train bientôt était à Marseille. Le pré-
fet était à la gare avec des médecins et des
dames de la Croix-Rouge.
11 fut une- période de cette guerre où
chaque semaine, un train lamentable dé-
versait en France, par la Suisse, mille ou
deux mille Belges ou Français du Nord que
les Allemands renvoyaient pour n’avoir pas
à les nourrir.
Beaucoup d’entre eux, prisonniers civils,
revenaient des camps de concentration où
ils avaient passé l’hiver, vêtus comme ils
avaient été pris au mois d’août : d’un pan-
talon de toile et d’une chemise.
D’autres étaient restés au lieu natal,
mais on les évacuait; c’était des indigents,
ou tout au moins des gens qui l’étaient
devenus, les Boches leur ayant pris jus-
qu’à leur réveille-matin. Ceux-là avaient des
valises, quelques vêtements de rechange,
au moins une besace.
Un beau jour, dans un de ces trains, un
employé de chemin de fer crut entendre
parler allemand. Mais on lui expliqua que
c’était du patois flamand. A Lyon, il voulut
en avoir le cœur net et alla trouver un
interprète du Terminus qu’il connaissait.
Il l’amena près du wagon où il avait cru
l’emprunt boche
— Onze milliards ? Qu’est-ce que vous voulez que ie fiche de ça, au prix où est le mètre de
terrain aux environs de Verdun? Dessin de M. FUdiguet.
LE PERMISSIONNAIRE
I
Si l'Allemagne était organisée ! Ah! Mon-
sieur! Mais ce pays accomplit ce qu’il veut!
Il a réalisé à coups de millions toutes les
inventions sorties du cerveau d’Alphonse
Allais, et qui semblaient au Français timide
des fantaisies un peu outrées.
L’Allemagne a fait plus ! Elle a outre-
passé certaines des conceptions les plus
audacieuses de cet amiral X..., qui, dans
l'Information, morigène notre marine et
lui crie à tue-tête :
« Vous manquez d’initiative ! Voyez les
Boches ! Ils transportent des sous-marins
fragmentés par chemins de fer et ils leurs
font traverser l’Europe. Pourquoi n’en
faisons-nous pas autant? Cela est possible!
Cela même est facile ! »
Pauvre amiral X..., l’Allemagne a exécuté
des prouesses plus sérieuses que celles
dont il parle! Vous en doutez?
Ecoutez !
— Qu’est-ce qui peut bien les intéresser comme ça dans les journaux? Dessin de G. Hautot.
DÉCISION
Par ordre du kaiser et de son vieux bon
nouvel ordre.
Dieu, le carême est prolongé en Allemagne jusqu’à
Dessin de P. Bon*.
entendre parler allemand. Tous deux écou-
tèrent.
— C’est bien de l’allemand! dit l’inter-
/
prête.
— Et que disent ces réfugiés, entre eux?
— L’un d’eux parait inquiet. Il demande
aux autres: « Le gouvernail est égaré! Où
l’avez-vous mis? >>
— Le gouvernail? ils disent le gouvernail?
— Ils disent le gouvernail!
— C’est biscornu, cette affaire-là!
— C’est biscornu! Au revoir!
Le train partait. L’employé fit son rap-
port. On se moqua de lui. On l’accusa de
monter un bateau, avec son gouvernail!
II
Le train bientôt était à Marseille. Le pré-
fet était à la gare avec des médecins et des
dames de la Croix-Rouge.
11 fut une- période de cette guerre où
chaque semaine, un train lamentable dé-
versait en France, par la Suisse, mille ou
deux mille Belges ou Français du Nord que
les Allemands renvoyaient pour n’avoir pas
à les nourrir.
Beaucoup d’entre eux, prisonniers civils,
revenaient des camps de concentration où
ils avaient passé l’hiver, vêtus comme ils
avaient été pris au mois d’août : d’un pan-
talon de toile et d’une chemise.
D’autres étaient restés au lieu natal,
mais on les évacuait; c’était des indigents,
ou tout au moins des gens qui l’étaient
devenus, les Boches leur ayant pris jus-
qu’à leur réveille-matin. Ceux-là avaient des
valises, quelques vêtements de rechange,
au moins une besace.
Un beau jour, dans un de ces trains, un
employé de chemin de fer crut entendre
parler allemand. Mais on lui expliqua que
c’était du patois flamand. A Lyon, il voulut
en avoir le cœur net et alla trouver un
interprète du Terminus qu’il connaissait.
Il l’amena près du wagon où il avait cru
l’emprunt boche
— Onze milliards ? Qu’est-ce que vous voulez que ie fiche de ça, au prix où est le mètre de
terrain aux environs de Verdun? Dessin de M. FUdiguet.