— Envoyons-nous des renforts en Roumanie?
— Oui, j’y ai expédié M. de Max comme interprète. S’il roule
les Boches comme il roule les r...\
Le malheur, c’est que le charbon manque et que les Parisiens
ont froid...
— Que ne s’adressent-ils à moi?... J’ai plusieurs fours à ma
disposition !...
Heureux ceux qui se sont réfugiés dans le Bois sacré.
Malgré tout ce que vous pourrez en penser, on y est mieux que
dans le bois de la Gruerie.
* * * Les spectacles du cinéma sont plutôt violents... Mais
sont-ils pervers ?
Peut-être nos moralistes exagèrent-ils. Quoi qu’il en soit, le
cinéma est le vrai, le seul triomphateur de la guerre. Nous avons
les feuilletons cinématographiques dont le texte a l’accent anglais
et les films le genre américain : tout s’y passe en escalades et
poursuites, — la fuite au prochain numéro. Et il arrive que
hauteur, embarrassé au milieu de tant de personnages enfouis
dans les placards, souterrains, tonneaux de cognac, etc., perde
lui-même le film de son histoire.
Mais attendez! Nous aurons avant peu l’article-cinéma dans
les « géants de la presse ». J’ai proposé à l’un d’eux — et il ne
dLa peut-être pas non — un article politique quotidien qui, le
soir même, sera projeté sur l’écran lumineux, comme l’est le
Masque aux dents blanches ou le Cercle rouge.
Lisez ce paragraphe de mon premier Paris-cinéma :
« Ce qu’il nous faut, c’est un dictateur à la main de fer dans
un gant de velours qui aille partout débusquer les embusqués,
qui jette à la porte les bureaucrates, qui mette la clef sous la
porte du Palais-Bourbon et qui poursuive sans répit les profi-
teurs de la guerre. »
Pas mal, n’est-ce pas? Eh bien, au cinéma, ce sera bien mieux
encore. Je ferai jouer le rôle du dictateur par Rigadin... Vous le
voyez d’ici avec son gant de velours — la main de fer sera sup-
posée dedans — se promenant, armé d’un balai, dans les nids
à tire-au-flanc et à ronds-de-cuir ; puis, avec une pantomime
expressive, cadenassant la porte des Folies-Bourbon, poursui-
vant en auto par monts et par vaux les fournisseurs de sabots
en carton et de bottes de feutre en papier buvard.
Qui oserait dire que mon filet n’est pas bien tourné et que mon
style n’est pas lumineux?
Encore faut-il qu’il ne soit pas trop lumineux, car l’au-
torité me co'ndamnerait à écrire, pendant quinze jours, dans un
style obscur comme celui de M. Clemenceau.
Tout de même, à quoi tenait notre confort moderne, résultat
final de tant de progrès!
Nous voici réduits à nous éclairer avec des chandelles, à nous
chauffer, comme Palissy, avec des buffets Henri II, à aller au
théâtre à six heures et demie du soir, à nous habiller modeste-
ment, à faire maigre au moins le vendredi; les rues ne sont pas
mieux éclairées que sous Louis XV, les bourgeoises lavent elles-
mêmes leur vaisselle, une chemise propre est un article de luxe
et la raison d’Etat est redevenue la raison du plus fort... Ils sont
reveuus, les plus tristes jours de notre histoire et sans que les
« suppôts de la réaction » y soient pour quelque chose.
Ce que c’est que de nous ! Mais de plus heureux jours reviendront,
les jours où « Français » rimait avec « succès », ou les honnêtes
LE RECRUTEMENT EN POLOGNE
— Rassemblement !...
gens tenaient le haut du pavé, où toute chaleur et toute lumière
venaient de chez nous. Après la pluie, le beau temps!
En attendant, il pleut et il fait froid. Aussi, faut-il féliciter la
comtesse de M... qui a envoyé à tous ses amis une invitation se
terminant par ces mots : « On se chauffera. «
^ * * Et voilà que le Parlement frappe d’un impôt redoutable
les spectacles de music-hall, de cinéma, etc... En revanche, le
théâtre est protégé, favorisé, presque embusqué.
Parce que, d’après M. Viviani, le théâtre est un art supérieur...
Est-ce bienwrai? Tel vaudeville, tel mélo, voire telle comédie à
bons mots d’almanach valent-ils beaucoup plus, au point de vue
littéraire, que les revues à petites femmes ou les films des
Folies-Bout-de-zan ? Un ballet de l'Opéra, simple prétexte à
exhibition de cuisses subventionnées, est-il plus noble dans ses
prétentions que le défilé des Kiss-me^-girls du Grand-Casino?
Ah ! en cela aussi, nous vivons sous le régime des définitions,
des idées toutes faites et des mauvais lieux communs!
Bordenave sévit dans tous les genres, ô Viviani, même dans le
genre ennuyeux! Pick-me-up.
**- LE PHILOSOPHE A RÉDUIT SON ÉCLAIRAGE
— Maître! je subis une crise psychologique! Prêtez-moi vos lumières...
*— Vous savez que je n’ai droit qu’a trois hectowats. Dessins de L. Métivet.
— Oui, j’y ai expédié M. de Max comme interprète. S’il roule
les Boches comme il roule les r...\
Le malheur, c’est que le charbon manque et que les Parisiens
ont froid...
— Que ne s’adressent-ils à moi?... J’ai plusieurs fours à ma
disposition !...
Heureux ceux qui se sont réfugiés dans le Bois sacré.
Malgré tout ce que vous pourrez en penser, on y est mieux que
dans le bois de la Gruerie.
* * * Les spectacles du cinéma sont plutôt violents... Mais
sont-ils pervers ?
Peut-être nos moralistes exagèrent-ils. Quoi qu’il en soit, le
cinéma est le vrai, le seul triomphateur de la guerre. Nous avons
les feuilletons cinématographiques dont le texte a l’accent anglais
et les films le genre américain : tout s’y passe en escalades et
poursuites, — la fuite au prochain numéro. Et il arrive que
hauteur, embarrassé au milieu de tant de personnages enfouis
dans les placards, souterrains, tonneaux de cognac, etc., perde
lui-même le film de son histoire.
Mais attendez! Nous aurons avant peu l’article-cinéma dans
les « géants de la presse ». J’ai proposé à l’un d’eux — et il ne
dLa peut-être pas non — un article politique quotidien qui, le
soir même, sera projeté sur l’écran lumineux, comme l’est le
Masque aux dents blanches ou le Cercle rouge.
Lisez ce paragraphe de mon premier Paris-cinéma :
« Ce qu’il nous faut, c’est un dictateur à la main de fer dans
un gant de velours qui aille partout débusquer les embusqués,
qui jette à la porte les bureaucrates, qui mette la clef sous la
porte du Palais-Bourbon et qui poursuive sans répit les profi-
teurs de la guerre. »
Pas mal, n’est-ce pas? Eh bien, au cinéma, ce sera bien mieux
encore. Je ferai jouer le rôle du dictateur par Rigadin... Vous le
voyez d’ici avec son gant de velours — la main de fer sera sup-
posée dedans — se promenant, armé d’un balai, dans les nids
à tire-au-flanc et à ronds-de-cuir ; puis, avec une pantomime
expressive, cadenassant la porte des Folies-Bourbon, poursui-
vant en auto par monts et par vaux les fournisseurs de sabots
en carton et de bottes de feutre en papier buvard.
Qui oserait dire que mon filet n’est pas bien tourné et que mon
style n’est pas lumineux?
Encore faut-il qu’il ne soit pas trop lumineux, car l’au-
torité me co'ndamnerait à écrire, pendant quinze jours, dans un
style obscur comme celui de M. Clemenceau.
Tout de même, à quoi tenait notre confort moderne, résultat
final de tant de progrès!
Nous voici réduits à nous éclairer avec des chandelles, à nous
chauffer, comme Palissy, avec des buffets Henri II, à aller au
théâtre à six heures et demie du soir, à nous habiller modeste-
ment, à faire maigre au moins le vendredi; les rues ne sont pas
mieux éclairées que sous Louis XV, les bourgeoises lavent elles-
mêmes leur vaisselle, une chemise propre est un article de luxe
et la raison d’Etat est redevenue la raison du plus fort... Ils sont
reveuus, les plus tristes jours de notre histoire et sans que les
« suppôts de la réaction » y soient pour quelque chose.
Ce que c’est que de nous ! Mais de plus heureux jours reviendront,
les jours où « Français » rimait avec « succès », ou les honnêtes
LE RECRUTEMENT EN POLOGNE
— Rassemblement !...
gens tenaient le haut du pavé, où toute chaleur et toute lumière
venaient de chez nous. Après la pluie, le beau temps!
En attendant, il pleut et il fait froid. Aussi, faut-il féliciter la
comtesse de M... qui a envoyé à tous ses amis une invitation se
terminant par ces mots : « On se chauffera. «
^ * * Et voilà que le Parlement frappe d’un impôt redoutable
les spectacles de music-hall, de cinéma, etc... En revanche, le
théâtre est protégé, favorisé, presque embusqué.
Parce que, d’après M. Viviani, le théâtre est un art supérieur...
Est-ce bienwrai? Tel vaudeville, tel mélo, voire telle comédie à
bons mots d’almanach valent-ils beaucoup plus, au point de vue
littéraire, que les revues à petites femmes ou les films des
Folies-Bout-de-zan ? Un ballet de l'Opéra, simple prétexte à
exhibition de cuisses subventionnées, est-il plus noble dans ses
prétentions que le défilé des Kiss-me^-girls du Grand-Casino?
Ah ! en cela aussi, nous vivons sous le régime des définitions,
des idées toutes faites et des mauvais lieux communs!
Bordenave sévit dans tous les genres, ô Viviani, même dans le
genre ennuyeux! Pick-me-up.
**- LE PHILOSOPHE A RÉDUIT SON ÉCLAIRAGE
— Maître! je subis une crise psychologique! Prêtez-moi vos lumières...
*— Vous savez que je n’ai droit qu’a trois hectowats. Dessins de L. Métivet.