LE RIRE DE LA SEMAINE
M. Viviani avait éteint les étoiles, qui continuent d’ailleurs à
briller; M. Malvy, lui, est en train d’éteindre nos lampes élec-
triques et nos becs de gaz, lesquels, malheureusement, se lais-
sent faire,
Mais n’est-ce pas pour la patrie?
On a de nous tout ce qu’on veut et même un peu plus, en
disant : « C’est pour la patrie ! »
Peut-être même compte-t-on trop là-dessus pour ne rien pré-
voir, ne rien organiser... Est-ce que nous ne serons pas toujours
prêts à tous les sacrifices lorsque les gens qui ne savent ce qu’ils
font et ne font ce qu’ils peuvent nous diront qu’il y va du salut
de la France?
Quoi qu’il en soit, ménageons la lumière...
Voyez M. Clemenceau. Le voilà, le vrai patriote : pour éco-
nomiser du combustible, il écrit dans un style résolument
obscur.
M. Pierre Decourcelle, lui, ne fabrique plus que des drames
noirs, et depuis qu’il a été renvoyé à ses paradoxes, M. Marcel
Sembat a toujours l’air sombre... Jusqu’à l’étincelle du génie,
hélas, que nous avons économisée!
Mesdames, veillez au compteur... Mais n’exagérez pas. J’ai
entendu, à travers la cloison, ce dialogue amoure x :
elle. — Ah! non, tourne le bouton.
lui. — Pourquoi?
elle. — Ça me gêne... Il fait trop clair.
lui. — J’aime mieux y voir.
elle. — Eteins, te dis-je... Si ce n’est pour respecter ma
pudeur d’honnête femme, au moins que ce soit pour la France!
Encore une qui tiendra jusqu’au bout, — à la condition qu’on
tourne le bouton.
En temps de paix, a Paris, le grand luxe était l’air... Il faut
être riche pour ne pas avoir, pour tout horizon, une cour
étroite, sale et obscure. Maintenant, le grand luxe c’est la
lumière et la chaleur.
Vous voyez qu’en plein vingtième siècle, les questions pre-
mières se posent comme si nous n’avions pas battu tous les
x*eords de la civilisation.
Tout recommence... en attendant que cela finisse et qu'alors
tout soit à recommencer.
— Ce n’est pas très clair, dites-vous...
Comment en serait-il autrement? J’écris à la pâle lueur d’une
bougie que j’ai payée au poids de l’or. Et encore je ne me plains
pas, car bientôt, en fait de bougies, il n’y aura plus que des
chandelles.
* * * Ne nous en faisons pas, comme dit l’autre, — l’autre avec
un petit a, parce que l'Antre, avec un grand A, n’aurait pas
admis cet aimable, séduisant et national jemenfoutisme.
La Convention se montrait moins accommodante encore.
C’est en l’évoquant que certains journalistes ont parlé de la res-
ponsabilité des joyeux fantaisistes, auxquels nous devons les
diverses crises dont nous souffrons.
Mais tandis que les soldats sont habitués à voisiner avec la
mort, les civils en sont restés à cette conception vieillote que la
vie humaine est chose infiniment précieuse.
* * * Graves constatations faites par toutes sortes d’assem-
blées plus ou moins délibérantes :
L’alcoolisme fait des ravages !
Remède. — Ne buvons plus. «
L’avarie étend son empire!
Remède. — Ne...
Non, décidément, ces remèdes-là sont trop énergiques. On
pourrait peut-être supprimer le tabac, mais le vin et l’amour,
malgré tous leurs dangers, continueront à consoler les humains
de leurs malheurs.
Certes, il y a du danger... Un danger d’ailleurs inégalement
réparti. Car pour boire un petit coup, on n’est pas alcoolique,
tandis qu’en faisant une seule incursion à Cythère on peut
devenir, pour la vie, un client du professeur Gaucher.
Eh bien, ce n’est pas juste! C’est mal fait... Vénus traite ses
amis plus perfidement que Bacchus : en tout cas, elle va trop
vite.
Joseph de Maistre, et avec lui MM. René Bazin, Frédéric
Masson, etc., prétendent que la guerre est noble, bienfaisante,
d’institution divine, qu’elle élève les coeurs et magnifie les
âmes... Je ne vois pas ça, mais ce que je vois c’est que le nombre
des ivrognes, ivrognesses et avariés de tout âge et de tout sexe
augmente à vue d’œil.
M. Viviani avait éteint les étoiles, qui continuent d’ailleurs à
briller; M. Malvy, lui, est en train d’éteindre nos lampes élec-
triques et nos becs de gaz, lesquels, malheureusement, se lais-
sent faire,
Mais n’est-ce pas pour la patrie?
On a de nous tout ce qu’on veut et même un peu plus, en
disant : « C’est pour la patrie ! »
Peut-être même compte-t-on trop là-dessus pour ne rien pré-
voir, ne rien organiser... Est-ce que nous ne serons pas toujours
prêts à tous les sacrifices lorsque les gens qui ne savent ce qu’ils
font et ne font ce qu’ils peuvent nous diront qu’il y va du salut
de la France?
Quoi qu’il en soit, ménageons la lumière...
Voyez M. Clemenceau. Le voilà, le vrai patriote : pour éco-
nomiser du combustible, il écrit dans un style résolument
obscur.
M. Pierre Decourcelle, lui, ne fabrique plus que des drames
noirs, et depuis qu’il a été renvoyé à ses paradoxes, M. Marcel
Sembat a toujours l’air sombre... Jusqu’à l’étincelle du génie,
hélas, que nous avons économisée!
Mesdames, veillez au compteur... Mais n’exagérez pas. J’ai
entendu, à travers la cloison, ce dialogue amoure x :
elle. — Ah! non, tourne le bouton.
lui. — Pourquoi?
elle. — Ça me gêne... Il fait trop clair.
lui. — J’aime mieux y voir.
elle. — Eteins, te dis-je... Si ce n’est pour respecter ma
pudeur d’honnête femme, au moins que ce soit pour la France!
Encore une qui tiendra jusqu’au bout, — à la condition qu’on
tourne le bouton.
En temps de paix, a Paris, le grand luxe était l’air... Il faut
être riche pour ne pas avoir, pour tout horizon, une cour
étroite, sale et obscure. Maintenant, le grand luxe c’est la
lumière et la chaleur.
Vous voyez qu’en plein vingtième siècle, les questions pre-
mières se posent comme si nous n’avions pas battu tous les
x*eords de la civilisation.
Tout recommence... en attendant que cela finisse et qu'alors
tout soit à recommencer.
— Ce n’est pas très clair, dites-vous...
Comment en serait-il autrement? J’écris à la pâle lueur d’une
bougie que j’ai payée au poids de l’or. Et encore je ne me plains
pas, car bientôt, en fait de bougies, il n’y aura plus que des
chandelles.
* * * Ne nous en faisons pas, comme dit l’autre, — l’autre avec
un petit a, parce que l'Antre, avec un grand A, n’aurait pas
admis cet aimable, séduisant et national jemenfoutisme.
La Convention se montrait moins accommodante encore.
C’est en l’évoquant que certains journalistes ont parlé de la res-
ponsabilité des joyeux fantaisistes, auxquels nous devons les
diverses crises dont nous souffrons.
Mais tandis que les soldats sont habitués à voisiner avec la
mort, les civils en sont restés à cette conception vieillote que la
vie humaine est chose infiniment précieuse.
* * * Graves constatations faites par toutes sortes d’assem-
blées plus ou moins délibérantes :
L’alcoolisme fait des ravages !
Remède. — Ne buvons plus. «
L’avarie étend son empire!
Remède. — Ne...
Non, décidément, ces remèdes-là sont trop énergiques. On
pourrait peut-être supprimer le tabac, mais le vin et l’amour,
malgré tous leurs dangers, continueront à consoler les humains
de leurs malheurs.
Certes, il y a du danger... Un danger d’ailleurs inégalement
réparti. Car pour boire un petit coup, on n’est pas alcoolique,
tandis qu’en faisant une seule incursion à Cythère on peut
devenir, pour la vie, un client du professeur Gaucher.
Eh bien, ce n’est pas juste! C’est mal fait... Vénus traite ses
amis plus perfidement que Bacchus : en tout cas, elle va trop
vite.
Joseph de Maistre, et avec lui MM. René Bazin, Frédéric
Masson, etc., prétendent que la guerre est noble, bienfaisante,
d’institution divine, qu’elle élève les coeurs et magnifie les
âmes... Je ne vois pas ça, mais ce que je vois c’est que le nombre
des ivrognes, ivrognesses et avariés de tout âge et de tout sexe
augmente à vue d’œil.