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Maintenant, vous me direz que ce n’est pas une guerre comme
les autres... Moi, je crois au contraire qu’elle ressemble — en
plus grand — à ses devancières. Jadis, l’alcoolisme et l’avarie
faisaient aussi partie de l’état-major de Bellone... Aujourd’hui,
les marchands d’oubli, plus nombreux, vendent un vin moins bon,
et les ribaudes, plus chères mais moins jolies, sont non seule-
ment aux armées, mais encore à l’intérieur.
La qualité du vin et de l’amour ont baissé, mais l’ivresse est
plus lourde et le mal d’amour plus fréquent.
Comme vous voyez, il y a progrès !
* * * Est-il encore temps de parler de Mme de Thèbes, la
fameuse prophétesse qui, après avoir tant prédit l’avenir, n’appar-
tient plus maintenant qu’au passé ?
C’est Alexandre Dumas fils qui l’avait aiguillée vers la carrière
des pythonisses... Celle qui devait devenir Mme de Thèbes était
allée trouver l’auteur de la Dame aux camélias pour lui
demander un conseil sur l’art de gagner sa vie.
— Quel sera mon avenir? demandait-elle avec inquiétude.
— Des meilleurs, si vous prédisez celui des autres !
Dumas fils lui annonça que si elle suivait cet avis, elle devien-
drait célébré et gagnerait beaucoup d’argent... Cette prédiction-
là, au moins, s’est réalisée.
Notre Sibylle parisienne devint, en effet, célèbre et riche...
Elle a lu dans les mains de nos plus grands hommes, interrogé
le marc de café devant nos plus jolies femmes, manié les tarots
dans les circonstances les plus critiques de notre histoire. Puis,
élevant son genre, elle a renoncé à ces accessoires traditionnels
et transformé ses consultations en simples conversations bien
parisiennes où la femme du monde, /très instruite, très intelli-
gente, très observatrice, offrait des conseils plutôt que des
oraclee...
— Je ne prédis pas, disait-elle, je conclus. De ce qu’on m'avoue
et de ce que je deviné, je tire des déductions logiques... Simple
affaire d’observation : j’ai beaucoup vu, entendu et vécu... Que
faut-il de’ plus pour débrouiller les banales énigmes que la plu-
part de mes clients et surtout de mes clientes viennent me pro-
poser ?
Quoi qu’il en soit, Mme de Thèbes était aussi sérieuse que le
permet le. métier de sibylle. Elle n’avait jamais rien eu de com-
mun avec ces prophétesses en peignoir rose qui remplacent
volontiers leur trépied par un canapé.
Car, il faut bien le dire, beaucoup de ces dames ne s’emparent
BUREAUX
Il n’y & pas que les ports à désencombrer
— En échange de celui avec lequel tu as rossé les Boches.
Dessins de L. Métivet.
de la main de leur client que pour la conduire là où elle n’oserait
peut-être pas s’aventurer toute seule. Leurs consultations sont
surtout galantes, l’occultisme y prend un caractère folâtre et les
petits jeux y remplacent le grand. Art de Mlle Lenormand, qu êtes-
vous devenu ?
La devineresse de la rue de Douai a remplacé le hibou de
Minerve par la colombe de Vénus et dans un langage qui n’a rien
de sibyllin elle s’offre à vous prouver que le présent est bien plus
intéressant que l’avenir, que ce qu’on tient vaut mieux que ce
qu’on aura...
Il n’empêche que, depuis la guerre, d’innombrables marchandes
de prédictions font des affaires d’or, — sans mêler de profanes
voluptés à leur sévère sacerdoce. Tant et tant de femmes inquiètes
vont leur demander des pronostics rassurants sur le sort de leurs
chers poilus!
Voilà un genre de « profits de guerre » que l’Etat devrait bien
imposer!
Pourquoi même l’Etat ne s’improviserait-il pas devin, tireur
de cartes, chiromancien? Nous avons autant besoin d’illusion que
de tabac... Les buralistes seraient chargées non seulement de
nous débiter deux sous à priser ou un paquet de « bleu », mais
encore de lire dans nos mai ns ou de demander aux cartes si
l’homme de la campagne 1911-11)17 doit arriver bientôt.
La regie fixerait le prix de ces consultations officielles, quoique
S. G. D. G., et à la fin de l’année, l’Etat se trouverait avoir en-
caissé une forte somme.
— Pardon, dites-vous, le Gouvernement peut-il décemment
nous débiter des blagues qui ne soient pas à tabac?
Dites donc, il me semble que ce ne serait pas une bien grande
nouveauté.
* * * Nous avons besoin d’illusions bien plus que de vérités.
11 nous faut des spectacles et du cinéma, n’en lût-il plus au
monde... Certains philosophes sévères veulent fermer les cafés,
les music-halls, les cinémas, les théâtres, les thés mondains et
demi-mondains, tous les endroits où les civils, et même les poi-
lus, vont oublier pour quelques heures l’obsédante guerre.
— Soyons sérieux! déclarent ces Catons, qui- d’ailleurs ne
prêchent pas toujours d’exemple. >
Ah! messieurs, je pense qu’il faut des Catons et des catins.
Et je crois même qu’en cherchant un peu, nous trouverions
ceux-là chez celles-ci. Pick-me-up.
Maintenant, vous me direz que ce n’est pas une guerre comme
les autres... Moi, je crois au contraire qu’elle ressemble — en
plus grand — à ses devancières. Jadis, l’alcoolisme et l’avarie
faisaient aussi partie de l’état-major de Bellone... Aujourd’hui,
les marchands d’oubli, plus nombreux, vendent un vin moins bon,
et les ribaudes, plus chères mais moins jolies, sont non seule-
ment aux armées, mais encore à l’intérieur.
La qualité du vin et de l’amour ont baissé, mais l’ivresse est
plus lourde et le mal d’amour plus fréquent.
Comme vous voyez, il y a progrès !
* * * Est-il encore temps de parler de Mme de Thèbes, la
fameuse prophétesse qui, après avoir tant prédit l’avenir, n’appar-
tient plus maintenant qu’au passé ?
C’est Alexandre Dumas fils qui l’avait aiguillée vers la carrière
des pythonisses... Celle qui devait devenir Mme de Thèbes était
allée trouver l’auteur de la Dame aux camélias pour lui
demander un conseil sur l’art de gagner sa vie.
— Quel sera mon avenir? demandait-elle avec inquiétude.
— Des meilleurs, si vous prédisez celui des autres !
Dumas fils lui annonça que si elle suivait cet avis, elle devien-
drait célébré et gagnerait beaucoup d’argent... Cette prédiction-
là, au moins, s’est réalisée.
Notre Sibylle parisienne devint, en effet, célèbre et riche...
Elle a lu dans les mains de nos plus grands hommes, interrogé
le marc de café devant nos plus jolies femmes, manié les tarots
dans les circonstances les plus critiques de notre histoire. Puis,
élevant son genre, elle a renoncé à ces accessoires traditionnels
et transformé ses consultations en simples conversations bien
parisiennes où la femme du monde, /très instruite, très intelli-
gente, très observatrice, offrait des conseils plutôt que des
oraclee...
— Je ne prédis pas, disait-elle, je conclus. De ce qu’on m'avoue
et de ce que je deviné, je tire des déductions logiques... Simple
affaire d’observation : j’ai beaucoup vu, entendu et vécu... Que
faut-il de’ plus pour débrouiller les banales énigmes que la plu-
part de mes clients et surtout de mes clientes viennent me pro-
poser ?
Quoi qu’il en soit, Mme de Thèbes était aussi sérieuse que le
permet le. métier de sibylle. Elle n’avait jamais rien eu de com-
mun avec ces prophétesses en peignoir rose qui remplacent
volontiers leur trépied par un canapé.
Car, il faut bien le dire, beaucoup de ces dames ne s’emparent
BUREAUX
Il n’y & pas que les ports à désencombrer
— En échange de celui avec lequel tu as rossé les Boches.
Dessins de L. Métivet.
de la main de leur client que pour la conduire là où elle n’oserait
peut-être pas s’aventurer toute seule. Leurs consultations sont
surtout galantes, l’occultisme y prend un caractère folâtre et les
petits jeux y remplacent le grand. Art de Mlle Lenormand, qu êtes-
vous devenu ?
La devineresse de la rue de Douai a remplacé le hibou de
Minerve par la colombe de Vénus et dans un langage qui n’a rien
de sibyllin elle s’offre à vous prouver que le présent est bien plus
intéressant que l’avenir, que ce qu’on tient vaut mieux que ce
qu’on aura...
Il n’empêche que, depuis la guerre, d’innombrables marchandes
de prédictions font des affaires d’or, — sans mêler de profanes
voluptés à leur sévère sacerdoce. Tant et tant de femmes inquiètes
vont leur demander des pronostics rassurants sur le sort de leurs
chers poilus!
Voilà un genre de « profits de guerre » que l’Etat devrait bien
imposer!
Pourquoi même l’Etat ne s’improviserait-il pas devin, tireur
de cartes, chiromancien? Nous avons autant besoin d’illusion que
de tabac... Les buralistes seraient chargées non seulement de
nous débiter deux sous à priser ou un paquet de « bleu », mais
encore de lire dans nos mai ns ou de demander aux cartes si
l’homme de la campagne 1911-11)17 doit arriver bientôt.
La regie fixerait le prix de ces consultations officielles, quoique
S. G. D. G., et à la fin de l’année, l’Etat se trouverait avoir en-
caissé une forte somme.
— Pardon, dites-vous, le Gouvernement peut-il décemment
nous débiter des blagues qui ne soient pas à tabac?
Dites donc, il me semble que ce ne serait pas une bien grande
nouveauté.
* * * Nous avons besoin d’illusions bien plus que de vérités.
11 nous faut des spectacles et du cinéma, n’en lût-il plus au
monde... Certains philosophes sévères veulent fermer les cafés,
les music-halls, les cinémas, les théâtres, les thés mondains et
demi-mondains, tous les endroits où les civils, et même les poi-
lus, vont oublier pour quelques heures l’obsédante guerre.
— Soyons sérieux! déclarent ces Catons, qui- d’ailleurs ne
prêchent pas toujours d’exemple. >
Ah! messieurs, je pense qu’il faut des Catons et des catins.
Et je crois même qu’en cherchant un peu, nous trouverions
ceux-là chez celles-ci. Pick-me-up.